Dépenses de recherche des universités : pourquoi l’université Johns Hopkins est-elle classée au premier rang depuis 41 ans?

1. Enquête annuelle de la NSF sur l’enseignement supérieur, la recherche et le développement

Chaque année, le Centre national des statistiques en sciences et ingénierie (National Center for Science and Engineering Statistics, NCSES), affilié à la NSF, réalise une enquête (Higher Education Research and Development, HERD) auprès des établissements d’enseignement supérieur qui auraient au moins $150 000 de dépenses de recherche comptabilisés séparément dans leur budget.

Selon les derniers chiffres publiés par la NSF, l’université Johns Hopkins (JHU), installée à Baltimore dans l’état du Maryland et réputée dans le domaine du médical et de la santé publique, est classée en tête de très loin pour ce qui est  des dépenses en R&D avec un total de $2,9 milliards dépensés sur l’année fiscale 2019 (pour un contingent en R&D de 25 423 personnes dont 3 532 PI et 21 891 autres personnels). Cela marque une augmentation de 9.6% par rapport à l’année fiscale 2018. Cette progression est la plus forte constatée parmi les 30 premières universités de recherche américaines.

L’université de Michigan à Ann Arbor, qui, sur ce critère,  se classe au second rang des universités sur les 914 recensées, aurait utilisé $1,7 milliards sur la même période (23 007 personnes en R&D dont 5 575 PI). À titre de comparaison, sur les dépenses en R&D :

  • Harvard arrive en 9ème position de ce classement (7 579 personnes dont 1 090 PI),
  • Stanford est 11ème (11 169 personnes dont 1 714 PI),
  • MIT se retrouve à la 18ème place (9 028 personnes dont 1 016 PI).

Notons également que l’on retrouve trois universités du système University of California parmi le top 10 :

  • UC San Francisco 3ème (9 463 personnes dont 601 PI),
  • UC San Diego 6ème (11 195 personnes dont 1 130 PI),
  • UC Los Angeles 7ème (11 582 personnes dont 1 335 PI).

Pour l’ensemble des universités, l’augmentation des dépenses en recherche et développement est de 5.8% par rapport à l’année 2018 pour un total de dépenses de $84 milliards, avec le découpage suivant en termes de source de financement :

  • $45 milliards venant du gouvernement fédéral,
  • $4,5 milliards venant des états fédérés et gouvernements locaux,
  • $21 milliards venant de fonds institutionnels (recherche financée directement par les fonds propres des universités),
  • $5 milliards venant de l’industrie,
  • $8,4 milliards venant de sources autres.


IMAGE CREDIT: SASHA SCHAFFER / JOHNS HOPKINS UNIVERSITY

L’enquête fournit un ensemble important de statistiques déclinées sur 84 tableaux différents permettant différentes analyses du système américain.

Notons par exemple que le poste de coût le plus important dans ces dépenses de R&D est associé aux salaires des personnels ($64 Mds) et aux autres coûts directs ($18,5 Mds) qui incluent notamment les dépenses de déplacement, dérogations aux frais de scolarité et services divers (coûts liés à l’usage des ordinateurs, fournitures de bureau etc.).

Au regard des domaines de recherche financés par ces dépenses, la santé reçoit une part importante du total avec $27 milliards, auxquels on peut ajouter $15 milliards venant des sciences biologiques et biomédicales, comptées séparément. Les sciences physiques ($5,6 Mds) ou l’ingénierie ($13 Mds et en particulier électronique avec plus de $2,9 Mds) sont également des postes importants de dépenses, alors que l’ensemble des domaines considérés comme non-scientifiques ou hors ingénierie (non-Science&Engineering, non-S&E) reçoivent au total $4,8 milliards (cela comprend notamment le domaine de l’administration et la gestion des entreprises, l’éducation $1,5 Mds). Les sciences sociales représentent $2,8 milliards et la psychologie seule, $1,3 milliards.

2. Focus sur Johns Hopkins University et son Applied Physics Laboratory

En observant de plus près les chiffres, on constate qu’une grande partie (85%) des moyens dépensés par JHU provient du gouvernement fédéral, suivi dans une part bien moindre par des financements venus d’organisations à but non-lucratif, de l’université elle-même et enfin d’industriels. Sur ces $2,5 milliards issus des agences fédérales, le département de la Défense ($1,3Mds), celui de la Santé et des Services sociaux ($674 millions) mais aussi la NASA ($312 millions) sont les principales sources qui contribuent aux dépenses de R&D de l’université.

La première position de JHU s’explique en bonne partie par la prise en compte par la NSF, depuis 1979, des dépenses de l’Applied Physics Laboratory (APL) de Johns Hopkins dans le total comptabilisé pour l’université ; cela représentaient $1.73 milliards en 2019.

Fondé en 1942, APL emploie près de 7200 personnes (65%+ d’ingénieurs ou scientifiques, 55%+ titulaires d’un master ou d’un doctorat) et est le plus grand des 14 Centres de recherche affilié à une université qui existent actuellement (cf. University Affiliated Research Center, ou UARC). Ces structures similaires aux FFRDCs sont, elles aussi, gérées par le département de la Défense et lui servent à maintenir des capacités dans des domaines d’ingénierie et de technologie jugés comme essentiels. Les travaux de l’APL couvrent des champs aussi divers que la balistique, les infrastructures de cybersécurité et notamment les moyens de communication sécurisée à destination des dirigeants du pays, les technologies hypersoniques, mais également le domaine de l’innovation dans la conception des prothèses ou l’ingénierie et la science du spatial.

Témoignage du lien fort qui existe entre APL et les agences fédérales, le centre de recherche offre un programme de bourses d’une durée de 2 à 12 mois à des fonctionnaires américains (APL’s Government Employee Fellowship Program, GEFP) afin qu’ils puissent être exposés aux meilleures pratiques et à des technologies de pointe issues des dernières recherches.

Enfin, mentionnons qu’un autre UARC qui porte le même nom est hébergé à l’Université de Washington à Seattle (Applied Physics Laboratory of the University of Washington, APL-UW). Ce centre se spécialise, lui, dans le domaine des études acoustiques et océanographiques.

Rédacteur : 

Kévin KOK HEANG, Attaché adjoint pour la Science et la Technologie, [email protected] 

Références :

https://hub.jhu.edu/2021/02/09/nsf-research-development-funding-rankings-2019/

https://www.jhu.edu/assets/uploads/2018/12/johnshopkinsfactbook.pdf

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