La National Science Foundation (NSF), l’agence phare de la recherche fondamentale au niveau fédéral, a annoncé en mars dernier la création d’une nouvelle direction en son sein, chargée des technologies, de l’innovation et des partenariats. La direction TIP, qui assurera une fonction transversale au sein de l’agence, sera notamment responsable de la recherche translationnelle, qui permet d’assurer la transition vers la recherche appliquée et le développement. Parmi les missions que la direction TIP aura désormais sous sa tutelle, les hubs d’innovation régionale (Regional Innovation Engines) sont présentés comme l’un des projets phares.
Le programme NSF Engines a vocation à accompagner les régions du pays qui ne disposent pas encore d’écosystèmes d’innovation établis, en finançant les partenariats entre acteurs de l’innovation trop faiblement interconnectés. L’objectif est d’apporter des financements importants pour permettre à des acteurs de se constituer en groupements cohérents et organisés qui à terme pourront subsister sans le soutien de la NSF.
Les NSF Engines visent des régions sous-représentées dans l’espace de l’innovation américain mais ils devront également impliquer une diversité d’institutions, parmi lesquelles les établissements accueillant des minorités (minority-serving institutions) : les Historically Black Colleges and Universities (HBCU), les Hispanic-Serving Institutions (HSI) et les Tribal Colleges and Universities, des communautés sous-représentées dans les métiers de la recherche et de l’innovation, de même que les collèges professionnels et techniques.
Redessiner la géographie de l’innovation
Actant la nécessité pour les Etats-Unis d’accélérer le développement de leurs capacités d’innovation à travers le pays pour continuer à peser sur la scène internationale, la NSF voit donc dans les régions historiquement moins dynamiques et peu soutenues par les pouvoirs publics une opportunité de croissance pour le pays. La stratégie de la NSF d’étendre la géographie de l’innovation avait été amorcée avec la création des instituts IA (intelligence artificielle) qui associent désormais 40 Etats.
Pour atteindre cet objectif, deux types de subventions seront proposées. Les subventions de type 1 représentent un financement d’amorçage (seed funding) et consistent en une aide initiale de construction d’un hub régional, à hauteur d’un million de dollars pour deux ans. Le but est de catalyser un écosystème d’innovation pour un domaine spécifique. Les bourses de type 1 sont destinées à permettre aux équipes de se préparer à la soumission d’une proposition de type 2, tout en achevant la phase de développement initial de leur projet.
Les subventions de type 2, destinées à des projets plus avancés ayant apporté la preuve de leur soutenabilité, fourniront jusqu’à 160 millions de dollars sur une durée de 10 ans. Cette subvention doit permettre aux clusters visés de passer les différentes étapes de leur montée en puissance et d’accéder à un niveau de reconnaissance national.
Les clusters pourront être dirigés par des universités, par des organisations à but non lucratif mais aussi par des entreprises. Les organisations étrangères ne pourront pas recevoir de financement mais pourront être associées aux projets après la création des clusters.
La première vague d’appels à candidatures, qui se termine le 30 juin, doit permettre de financer 50 subventions de type 1 et 5 de type 2.
Le Congrès a d’ores et déjà validé le concept proposé par la NSF, en l’encourageant à financer au moins un cluster dès cette année, et ce en dépit d’un budget alloué bien inférieur à la requête émise par l’agence fédérale plus tôt dans l’année. Les sénateurs de tous bords suivent de près cette ouverture des subventions et militent pour qu’au moins 20 % de son budget soit fléché vers des régions éligibles au programme EPSCoR (Established Program to Stimulate Competitive Research), qui finance les États et les territoires qui, historiquement, ont reçu une faible part des fonds de l’agence. Actuellement, environ 10 % du budget de la NSF est orienté vers les jurdictions EPSCoR.
Trente-neuf sénateurs ont approuvé l’exigence minimale de 20 %, dont les principaux responsables des crédits de la NSF au Sénat, tous représentants des États EPSCoR.
Le sujet devrait être abordé lors des discussions du comité de conférence au Congrès qui négocie actuellement un compromis entre deux versions d’un projet de loi sur la compétitivité votées par les deux chambres du Congrès.
Accompagner un développement par étapes
Le programme est fondé sur un modèle en cinq phases de la formation des écosystèmes d’innovation. Une phase de développement du concept pouvant durer jusqu’à deux ans est suivie d’une phase naissante impliquant la création de partenariats sur deux ans. Le cluster entre ensuite dans une phase émergente de trois ans au cours de laquelle il est appelé à développer ses capacités en matière de technologie et de développement de main-d’œuvre et commencer à attirer un financement externe conséquent.
Puis, au cours d’une phase de croissance de cinq ans, l’écosystème soutenu par le moteur est censé devenir un leader national dans son domaine d’intérêt avant d’atteindre une phase finale de maturité, au cours de laquelle il doit se maintenir sans le financement du moteur. Les candidats à une bourse de type 2 doivent démontrer que leur région se trouve dans la phase naissante ou émergente.
En Europe, une méthode similaire inscrite dans la durée
Depuis 2014, le programme Regional Innovation Scheme (RIS) de l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT), un organe de l’Union européenne, vise à aider davantage de parties prenantes à travers l’Europe à tirer profit des travaux de l’EIT et à participer à ses activités. Il a pour but d’accroître la capacité d’innovation dans les régions d’Europe qui ne collaborent pas encore avec l’EIT et ses communautés de l’innovation. Il attire entreprises, universités, laboratoires de recherche et organisations de parties prenantes dans la plus grande communauté de l’innovation d’Europe. Il existe à ce jour 90 hubs gérés par l’EIT. Le programme RIS est orienté en priorité en direction des pays d’Europe centrale et orientale, qui reçoivent des financements pour la R&I bien plus faibles que les pays d’Europe de l’Ouest. A titre d’exemple, ils n’ont reçu que 5% des 80 milliards d’euros du programme de financement de la recherche Horizon 2020. De la même manière qu’outre-Atlantique, une législation devrait être prochainement adoptée qui exigera que 15% des 3 milliards d’euros de budget de l’EIT bénéficie aux régions du programme RIS.
Plus récemment, la Commission européenne a présenté les 63 régions, sept villes et quatre États membres sélectionnés dans le cadre du projet pilote de partenariats pour l’innovation régionale (Partnerships for Regional Innovation). Selon Mariya Gabriel, Commissaire européenne à l’Innovation, la Recherche, la Culture, l’Education et la Jeunesse, ce programme doit répondre à deux types de fragmentations au sein des écosystèmes d’innovation européens : “la fragmentation des instruments et des politiques de financements dans les territoires, et le manque de connection entre les acteurs de l’innovation régionale ». Ce programme, coordonné par le Joint Research Center de l’Union, doit permettre d’améliorer la coordination des politiques d’innovation régionales, nationales et européennes afin de mettre en œuvre les transitions verte et numérique de l’Europe et de réduire la fracture de l’innovation dans l’UE.
Rédacteur : Julian Muller, Chargé de mission scientifique, Washington D.C.