La Commission des Etats-Unis pour la Recherche Arctique (USARC), présidée par Michael (Mike) Sfraga, a dévoilé le 15 février 2023 son « Rapport sur les objectifs de la Recherche Arctique 2023-2024 » [1]. Deux jours auparavant, Mike Sfraga avait été nommé « Ambassadeur itinérant » (Ambassador-at-large) pour l’Arctique par le Président Biden.
M. Sfraga a effectué une grande partie de sa carrière à l’Université d’Alaska Fairbank, dont il a été vice-chancelier, vice-président associé et doyen associé, après y avoir obtenu son doctorat en Géographie et Études Nordiques. Il a également été le fondateur de l’Institut Polaire au Woodrow Wilson International Center for Scholars à Washington D.C., et a exercé des responsabilités à la National Science Foundation (NSF).
L’USARC, établie par l’Arctic Research and Policy Act (1984), a pour mission de proposer une politique intégrée pour la recherche arctique, de promouvoir la coopération entre les agences fédérales et locales ainsi qu’avec le gouverneur de l’Alaska, de suivre les programmes de recherche et formuler des propositions pour leur amélioration (y compris dans leur dimension logistique), et de diffuser l’information scientifique dans ce domaine (y compris en direction du public). Elle assiste le Comité Inter-Agences pour la Recherche et la Politique Arctiques (IARPC), où sont représentées quinze agences fédérales, sous la présidence de la NSF, dont le directeur Dr Sethuraman Panchanathan fait également partie ès qualités des huit Commissaires de l’USARC.
Cette nomination et la publication de ce rapport interviennent dans un contexte d’acuité particulière des enjeux globaux liés à l’Arctique : le réchauffement climatique, trois à quatre fois plus rapide que dans les autres régions, en fait par rétroaction un moteur du changement global, via l’élévation du niveau de la mer due à la fonte de la calotte glaciaire et des glaciers, la perte de biodiversité induite dans les écosystèmes côtiers, et le relâchement de grandes quantités de méthane dans l’atmosphère entraîné par le dégel du pergélisol – avec un impact direct pour les quatre millions d’habitants des régions arctiques. Dans le même temps, ces évolutions rendent l’Océan Arctique plus accessible à la navigation, attisant les convoitises de puissances rivales en matière de pêche et d’exploitation des ressources énergétiques (notamment pétrolières et gazières) et minières, et exacerbant les risques sécuritaires dans un contexte de tensions géopolitiques entre la Russie et les autres nations arctiques.
L’estimation du budget fédéral annuel de la recherche arctique varie grandement selon la méthode et le périmètre retenus : de 400 millions à plus d’un milliard de dollars. Le rapport précise la mise en œuvre des actions annoncées dans la National Strategy for the Arctic Region publiée en 2022, et l’Arctic Research Plan 2022-2026, autour de cinq objectifs majeurs :
– les risques et dangers environnementaux, notamment ceux liés aux émissions naturelles et industrielles de gaz à effet de serre et aux impacts du changement climatique. Au nombre des priorités figurent la prédiction des glaces de mer et le maintien à jour des cartes et données géospatiales dans ce contexte d’évolution rapide ;
– la santé et le bien-être des communautés autochtones et la sortie du COVID-19, avec des efforts particuliers sur la télémédecine et sur la réduction de la mortalité maternelle ;
– les infrastructures (dans tous les domaines), et leur adaptation au changement des conditions environnementales ;
– l’économie de l’Arctique, avec l’essor de l’économie bleue et du transport maritime ;
– la coopération de recherche, aussi bien internationale qu’entre acteurs locaux. On peut se féliciter que la participation à des projets Horizon Europe soit explicitement encouragée dans cette rubrique.
Le traitement des données et l’informatique sont par ailleurs évoqués comme des enjeux transverses importants.
Au nombre des sujets « émergents » sont listés les performances des véhicules électriques en conditions « arctiques », l’impact de l’essor du tourisme, l’archéologie « d’urgence » dans un contexte où certains sites sont menacés par le dégel du pergélisol, l’introduction du nucléaire « de petite échelle » (le rapport rappelle que la Russie et la Chine ont déjà lancé des projets dans la région), et le potentiel d’utilisation des drones.
Le redémarrage de programmes de recherche interrompus par la pandémie de COVID-19 est également un enjeu important de l’année à venir.
Ces questions devraient être évoquées à l’occasion de l’Arctic Encounter 2023, prévu les 29-31 mars 2023 à Anchorage (Alaska), où sont attendus de nombreux représentants de haut niveau.
Les opportunités de coopération scientifique dans le cadre des stratégies polaires respectives de la France, de l’Union Européenne et des États-Unis avaient fait l’objet d’une table ronde à l’occasion d’un événement organisé par l’ambassade de France aux Etats-Unis le 14 décembre 2022, à laquelle étaient notamment représentées la NSF et la Délégation de l’Union Européenne [2l.
Rédacteur : Joaquim Nassar, Attaché pour la Science et la Technologie, Washington, DC