La pression s’accentue pour que les États-Unis accélèrent sur l’exploration et l’exploitation des fonds marins

Les grands fonds marins constituent de potentiels importants viviers pour la sécurisation de l’approvisionnement en différentes ressources minérales comme le cuivre, le nickel, le cobalt, le fer, le manganèse et les terres rares, des métaux qui deviennent cruciaux, puisqu’ils sont utilisés dans la fabrication de nombreux produits électroniques ou de l’industrie pour les batteries rechargeables entre autres.

Les Etats-Unis sont actifs sur deux “fronts” différents concernant les fonds marins: ceux qui sont situés au sein de leur Zone Économique Exclusive (ZEE) où ils sont souverains sur les ressources de ces fonds marins et ceux qui sont situés dans les eaux internationales où une réglementation internationale s’applique.

Une zone économique exclusive encore peu explorée

Les Etats-Unis possèdent la première Zone Économique Exclusive (ZEE) en termes de superficie. Une grande partie de cette ZEE se situe autour des îles américaines du Pacifique qui demeure être une des zones les moins connues et explorées du globe.

Carte de la ZEE américaine et de son niveau d’exploration

(Source : National Centers for Environmental Information NCEI)

Une stratégie nationale pour la cartographie, l’exploration et la caractérisation de la ZEE des Etats-Unis (National Strategy for Mapping, Exploring, and Characterizing the United States Exclusive Economic Zone NOMEC) a été produite en juin 2020 par une task-force menée par la NOAA. Elle recommande de cartographier l’intégralité des fonds marins de la ZEE des Etats-Unis d’ici 2030. Cette approche stratégique progressive vise dans un premier temps à répondre aux priorités à court terme sur la période 2021-2023 avant mise à jour en 2023 afin de déterminer les prochaines étapes.

En dehors de leur ZEE, les Etats-Unis font preuve d’un intérêt tout particulier pour la Zone Clarion-Clipperton (CCZ), une partie de l’océan Pacifique qui s’étend sur 5000 kilomètres de la côte ouest du Mexique aux îles d’Hawaï avec des profondeurs moyennes entre 4000 et 5500 mètres. Cette zone est en effet riche à la surface des plaines abyssales en nodules polymétalliques. Il est intéressant de noter que l’IFREMER mène actuellement une campagne d’exploration de cette zone sur un surface d’environ 75 000 km².

Un relatif retard dans la compétition internationale

En janvier 2020, l’Autorité internationale des fonds marins (ISA) a délivré des permis et conclu 30 contrats d’exploration pour 15 ans de nodules polymétalliques, de sulfures polymétalliques et d’encroûtements de ferromanganèse riches en cobalt dans les grands fonds marins avec 22 contractants, parmi lesquels ne figurent aucun organisme ou société américaine même si une société lauréate de deux permis, la britannique UK Seabed Resources, est une filiale du groupe américain Lockheed Martin.

Ce relatif retard semble inquiéter une partie de la classe politique américaine, et des parlementaires menés par la Sénatrice républicaine de l’Alaska Lisa Murkowski, mènent une campagne de lobbying intense auprès du Department of Energy (DOE) afin de lancer l’exploration des fonds marins en vue d’en exploiter les ressources afin de sécuriser l’accès à ces minerais critiques. Il faut toutefois noter l’opposition de nombreux écologistes – et de certains industriels (Google, Rivian, etc.) – qui ont clairement fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas que l’exploitation minière en eaux profondes ait lieu, car ils craignent que les écosystèmes océaniques soient endommagés à long terme.

Des fonds marins encore méconnus avec une riche biodiversité

La connaissance et la compréhension des fonds marins par le biais de l’exploration et de la recherche scientifique peuvent permettre la protection des habitats sensibles et de leur faune, et de sécuriser un approvisionnement national en ressources naturelles marines, notamment minérales, situées dans la ZEE américaine. En 2015, la NOAA a lancé une campagne de terrain de trois ans avec l’Okeanos Explorer pour cartographier et explorer la ZEE américaine du Pacifique, cela constituant la première exploration de grande envergure des fonds marins de l’ère moderne.

Les scientifiques ont constaté que cette campagne de terrain (partiellement financée par le bureau de l’exploration et de la recherche océaniques de la NOAA) « représentait un modèle d’exploration systématique essentiel à la compréhension de l’un des plus grands écosystèmes de la planète ». Le Congrès pourrait envisager d’augmenter le niveau de financement pour soutenir le Bureau des opérations maritimes et aéronautiques de la NOAA et le Bureau de la recherche océanique et atmosphérique en haute mer (NOAA’s Office of Marine and Aviation Operations and Office of Oceanic and Atmospheric Research Deep-Sea), qui abrite le Bureau de l’exploration et de la recherche océaniques (Office of Ocean Exploration and Research), afin de permettre d’autres campagnes d’exploration en haute mer conçues pour mieux documenter et caractériser d’autres zones de la ZEE américaine.

 

Rédacteur: Benoit Faivre, Attaché adjoint pour la Science et la Technologie à Washington D.C., [email protected]

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