Pierre A. Deymier est professeur de science et d’ingénierie des matériaux à University of Arizona. Il est directeur du New Frontiers of Sound Science and Technology Center, financé par la National Science Foundation (NSF). Il est également membre du corps professoral de l’Institut BIO5, dont l’approche interdisciplinaire a par exemple conduit à des stratégies de prévention de maladies, à de nouvelles thérapies prometteuses, à des dispositifs médicaux innovants et au développement d’une agriculture plus durable. Il est aussi membre du programme de génie biomédical et du programme interdisciplinaire d’études supérieures en mathématiques appliquées. Il a été chef du département de science et d’ingénierie des matériaux de 2011 à 2021 et directeur de l’École des systèmes d’ingénierie durables au cours de la période 2009-2017. Deymier a obtenu son doctorat au Département de science et d’ingénierie des matériaux du Massachusetts Institute of Technology (MIT) en 1985 et a ensuite rejoint University of Arizona.
Professeur Deymier a un large éventail d’intérêts dans le domaine de la science et de l’ingénierie des matériaux, notamment la théorie, la modélisation et la simulation des matériaux, le domaine émergent des métamatériaux acoustiques et des cristaux phononiques et de l’acoustique topologique ainsi que des biomatériaux. Il est l’auteur ou co-auteur de plus de 280 produits scientifiques. Il est également éditeur, auteur ou co-auteur de trois ouvrages :
- P.A. Deymier Ed., “Phononic crystals and acoustic metamaterials,” Springer Series in Solid-State Sciences, 173, Springer, Berlin, (2013);
- P.A. Deymier, K. Runge and K. Muralidharan (Co-Eds) “Multiscale Paradigms in Integrated Computational Materials Science and Engineering,” Springer Series in Materials Science, 226, Springer, Berlin, (2015);
- et P.A. Deymier, K. Runge, “Sound Topology, Duality, Coherence and Wave-Mixing: An Introduction to the Emerging New Science of Sound,” Springer Series in Solid-State Sciences, 188, (2017).
En septembre 2023, la NSF a accordé à University of Arizona un financement de 30 millions de dollars sur 5 ans pour créer un Science and Tech Center (STC) que vous dirigez. Ce financement est reconductible pour une durée totale de 10 ans à hauteur de 60 millions de dollars. Pouvez-vous en dire davantage sur les thématiques de recherche qui vont être explorées?
Ce centre s’appelle New Frontiers of Sounds (NewFoS). Il explorera 4 thématiques autour du concept de l’acoustique topologique: les analogies entre l’acoustique topologique et la mécanique quantique qui permettent de développer de nouvelles modalités en informatique quantique, la réduction des pertes d’énergie dans les dispositifs acoustiques utilisés en télécommunication, l’utilisation des ondes sismiques pour observer les changements climatiques (comme la fonte du permafrost en Alaska), et la compréhension de l’effet des ondes sonores sur le comportement des tissus biologiques (notamment sur les signaux calcium des cellules endothéliales). Ainsi, l’étude de l’acoustique topologique a des applications à plusieurs échelles, du micromètre avec les radiofréquences au kilomètre avec les ondes sismiques.
Ce centre que vous pilotez depuis Tucson (Arizona) est collaboratif : quels sont vos partenaires?
Ce centre est avant tout une collaboration avec de nombreuses universités américaines (UCLA, Caltech, University of Colorado Boulder, University of Alaska Fairbanks, Georgia Tech, Wayne state University et City University of NY, Spellman College), mais aussi des partenaires industriels dans le domaine de la défense, de la microélectronique et des télécommunications ainsi qu’un partenaire français : Mathias Fink, professeur à l’ESPCI (Paris), qui est aussi membre de l’Académie des Sciences.
Vous n’avez donc pas de collaborations directes avec des instituts français, quels liens gardez- vous avec la France à travers vos recherches?
Mes collaborations avec l’Université de Lille et l’ISEN (école d’ingénieur lilloise) dans le domaine de l’acoustique datent des années 1980. Mes travaux en Arizona trouvent leurs racines dans les échanges de personnels (étudiants et chercheurs) entre Tucson, Lille et Rennes (par l’intermédiaire d’un Laboratoire International Associé du CNRS dirigé par mon collègue Pierre Lucas). Les programmes d’échange du Service pour la Science et la Technologie (SST) de l’Ambassade de France aux Etats-Unis contribuent également aux collaborations : le programme Chateaubriand m’a notamment permis, avec le soutien financier du gouvernement français, d’envoyer un étudiant en thèse à Lille pour plusieurs mois.
Le succès de vos travaux de recherche, qui se concrétisent par la création de ce STC financé par la NSF (qui n’en compte que 14 à travers le territoire américain), est donc le fruit d’un partage de connaissances transatlantiques et le reflet d’une excellente intégration dans la recherche états-unienne. En plus des programmes d’échanges que vous venez de mentionner, quels autres soutiens français vous ont permis de faciliter votre intégration?
Un soutien financier du Consulat de France à Los Angeles m’a permis d’augmenter le nombre de participants français à la conférence internationale Phononics 2019 que j’ai organisée à Tucson. J’espère que l’International Research Center (IRC) nouvellement créé entre l’Université d’Arizona et le CNRS nous permettra d’établir de nouveaux partenariats entre NewFoS et des organismes français de recherche.
Cela fait plus de 40 ans que vous poursuivez des travaux de recherche en Arizona : quels conseils donneriez-vous à un chercheur s’installant ici? Avez-vous ou avez-vous perçu des difficultés (culturelles, techniques, d’intégration, autres) en tant que chercheur français aux Etats-Unis?
La culture académique dans les institutions américaines est assez différente de la culture française. Par exemple, la notion d’équipe universitaire de recherche est rare aux Etats-Unis. Ici aux USA, un jeune chercheur doit construire son propre groupe de recherche. Je pense que le succès du STC NewFoS est dû en partie à son organisation et culture basées sur un modèle collaboratif d’équipe “à la française.”
Quelles suggestions auriez-vous pour mieux accompagner les chercheurs français sur le sol américain? et pour faciliter les collaborations transatlantiques?
Il serait probablement intéressant qu’un jeune chercheur français souhaitant s’installer aux US soit accompagné par un mentor pour mieux réussir son intégration. Comme mentor je pense à un chercheur d’origine française déjà établi sur le sol américain dans un domaine de recherche proche de celui du jeune chercheur.
Note de la rédaction : le Service pour la Science et la Technologie de l’Ambassade de France aux États-Unis anime, à cet effet, un réseau de chercheurs français installés sur le sol américain (le rejoindre ici), dans le but de favoriser l’intégration de nouveaux chercheurs à l’écosystème local, mais aussi d’aider les membres du réseau à garder un lien avec la France, de faire entendre leurs idées aux décideurs français et de promouvoir l’excellence scientifique française.
Note :
* University of Arizona et le CNRS ont créé en Avril 2021 le France-Arizona Institute for Global Grand Challenges (FA), premier International Research Center (IRC) du CNRS. Plus d’informations : The University of Arizona | UArizona, home of the first CNRS International Research Center, consulté le 7 décembre 2023.
Rédactrice :
Clara Devouassoux, Chargée de mission scientifique, Los Angeles, [email protected]