La NAS préconise d’investir des milliards pour la R&D sur la séquestration du carbone par les océans

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Dans un rapport intitulé ‘’A Research Strategy for Ocean Carbon Dioxide Removal and Sequestration’’ publié au mois de décembre dernier, la National Academies of Science (NAS) s’intéresse à l’utilisation des océans et de leur fonctionnement afin de séquestrer du dioxyde de carbone (CO2) contenu dans l’atmosphère. Les océans couvrent environ 70 % de la surface de la Terre et absorbent déjà une grande partie des émissions anthropiques de CO2. Par conséquent, une grande partie de la capacité mondiale de séquestration naturelle du carbone se trouve dans les océans. Les processus naturels à la fois terrestres et océaniques ont permis de séquestrer environ 55 % du CO2 émis par l’Homme, mais il est possible d’améliorer à la fois l’absorption et le potentiel de séquestration à long terme de ces processus.

Plus spécifiquement, ce rapport étudie la faisabilité technico-économique de la démonstration à grande échelle de six techniques utilisant les océans et leur fonctionnement pour séquestrer le dioxyde de carbone atmosphérique. Il recommande en outre à l’état fédéral américain de consacrer environ 2,5 milliards de dollars sur 10 ans pour étudier de manière approfondie ces techniques et leurs viabilités, avec une priorité forte sur certaines techniques pour un montant d’environ 1 milliard de dollars. A noter que 125 millions de dollars seraient consacrés au développement de systèmes de surveillance globale et à la mise en place d’une gouvernance internationale.

Les six différentes techniques connaissent des degrés de confiance et d’efficacité différents qui peuvent être synthétisés de la manière suivante :

  • La fertilisation par les nutriments: Cette approche consiste à ajouter de manière artificielle des nutriments tels que le phosphore ou l’azote à la surface de l’océan pour augmenter la photosynthèse du phytoplancton. Cela permet d’accroitre l’absorption de CO2 et le transfert de carbone vers les profondeurs de l’océan, où il peut rester pendant plus d’un siècle. Le rapport indique qu’il existe une confiance moyenne à élevée dans l’efficacité et l’évolutivité de cette approche, avec des risques environnementaux moyens et des coûts de mise en œuvre faibles, au-delà des coûts de surveillance environnementale. Le rapport estime que 440 millions de dollars seront nécessaires (dont 290M$ prioritaires) pour la recherche, notamment pour les expériences sur le terrain et le suivi du carbone piégé.
  • La remontée et descente artificielles des eaux océaniques : La remontée des eaux déplace vers la surface des eaux profondes plus froides, plus riches en nutriments et en CO2, ce qui stimule la croissance du phytoplancton, qui absorbe le dioxyde de carbone atmosphérique. La descente des eaux déplace les eaux de surface et le carbone vers les profondeurs de l’océan. Le rapport indique que la confiance dans l’efficacité et l’évolutivité de ces approches est faible, et qu’elles comportent des risques environnementaux moyens à élevés, avec des coûts élevés et des difficultés pour la comptabilisation du carbone. Le rapport estime que 466 millions de dollars seraient nécessaires (dont 25M$ prioritaires) pour la recherche, l’évaluation des technologies, et les essais limités et contrôlés en mer.
  • La culture d’algues marines : La culture d’algues marines à grande échelle permet de transporter le carbone vers les profondeurs de l’océan ou dans les sédiments. Elle présente une efficacité moyenne et une durabilité moyenne à élevée pour l’élimination du CO2 atmosphérique selon le rapport mais des risques environnementaux moyens à élevés. Le rapport prévoit 385 millions de dollars (dont 235M$ prioritaires) pour la recherche afin de mieux comprendre et appréhender les technologies permettant une culture et une récolte efficaces à grande échelle, et du devenir à long terme de la biomasse et de ses impacts environnementaux.
  • La restauration des écosystèmes : L’élimination et la capture du carbone par la protection et la restauration des écosystèmes côtiers ainsi que le repeuplement par les populations de poissons, baleines et autres espèces sauvages marines pourrait avoir une efficacité faible à moyenne. Cependant, elle s’accompagne des risques environnementaux les plus faibles parmi les approches évaluées, et de co-bénéfices élevés. Le rapport prévoit 295 millions de dollars (dont 220M$ prioritaires) pour ces priorités de recherche, notamment pour étudier les effets sur les macroalgues, les animaux marins et les zones marines protégées.
  • L’augmentation de l’alcalinité des océans : Cette approche modifie chimiquement la composition de l’eau des océans pour augmenter son alcalinité afin de favoriser les réactions d’absorption du CO2 atmosphérique. Le rapport indique qu’il existe une confiance élevée dans son efficacité. L’augmentation de l’alcalinité de l’eau de mer comporte des risques environnementaux moyens et des coûts de mise en œuvre moyens à élevés. Le rapport estime que 180 à 350millions de dollars seront consacrés à la recherche (dont 125 à 200M$ prioritaires) , notamment à des expériences sur le terrain et en laboratoire pour étudier l’impact sur les organismes marins.
  • Les procédés électrochimiques: En faisant passer un courant électrique dans l’eau, ces procédés peuvent soit augmenter l’acidité de l’eau de mer afin de libérer du CO2, soit augmenter l’alcalinité de l’eau de mer afin de renforcer sa capacité à retenir le CO2. La confiance dans l’efficacité de ces procédés est élevée et la confiance dans leur mise à l’échelle moyenne à élevée, mais cette approche est celle dont le coût de mise à l’échelle est le plus élevé de toutes les approches évaluées, et qui comporte des risques environnementaux moyens à élevés. Le rapport prévoit 475 millions de dollars pour la recherche sur cette thématique (dont 350M$ prioritaires), notamment pour des projets de démonstration et pour développer des systèmes plus performants et adaptés.

A l’heure actuelle, l’administration américaine n’a pas encore réagi de manière formelle suite à la publication de ce rapport et les financements publics sur ces thématiques sont quasiment inexistants.

Le comité en charge de la rédaction du rapport était présidé par Scott Doney, océanographe de l’université de Virginie, et parrainé par la ClimateWorks Foundation, un organisme philanthropique spécialisé dans la recherche sur le climat.

Pour plus d’information, le rapport complet est disponible à l’adresse suivante : https://www.nap.edu/read/26278/chapter/1

Rédacteur: Benoit Faivre, Attaché adjoint pour la Science et la Technologie à Washington D.C. – [email protected]

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