La garantie d’un “environnement sain” : un droit constitutionnel pour les enfants du Montana

Première - Etats-Unis. Une juge du Montana a donné raison mi-juin à 16 plaignants, âgés de 5 à 22 ans, qui réclamaient l’annulation d’une clause de l’Environment Act Policy - loi inscrite dans la constitution de l’Etat - jugeant que celle-ci violait le droit constitutionnel des générations futures à “un environnement propre et sain”.
Montana
crédit : Joshua Woroniecki from Pixabay

Dans ce que la presse américaine qualifie de “premier grand procès climatique dans l’histoire des Etats-Unis”, l’affaire Held vs Montana [1,2] a pour la première fois reconnu le droit constitutionnel des générations futures à un “environnement propre et sain”. Plus précisément, c’est la première fois qu’un tribunal juge qu’un gouvernement viole les droits constitutionnels d’enfants en ignorant volontairement le changement climatique et en particulier l’impact que pourrait avoir le fait de favoriser les énergies fossiles. 

Rappel des faits

La loi dont il est question ici est l’Environment Policy Act, loi en application dans le Montana, qui interdit à l’Etat de prendre en compte l’impact environnemental – notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre – lors de l’attribution de financements ou de permis pour des projets proposés par des entreprises. Ceci favorise de manière très significative les entreprises du domaine des énergies fossiles.  

En 2020, 16 plaignants – aujourd’hui âgés de 5 à 22 ans – accompagnés par l’association à but non lucratif Our Children’s Trust ont porté l’affaire en justice, estimant que cette loi de l’État violait leur droit à “un environnement propre et sain”.

Dans ce procès Held vs Montana, qui a eu lieu en juin 2023 à Helena, Capitale du Montana, la juge Kathy Seeley a donné raison aux plaignants en annulant cette clause de la loi en vigueur.

Dans ce cas précis, le fait de pouvoir s’appuyer sur une mention explicite d’un texte inscrit dans la constitution de l’Etat du Montana a rendu possible le verdict. La juge a en effet estimé que les plaignants avaient “un droit constitutionnel fondamental à un environnement propre et sain, ce qui inclut le climat”. Le fait d’exclure les effets potentiels des activités de ces entreprises sur le climat au cours de ces arbitrages devient par conséquent inconstitutionnel.

Le procureur général du Montana a annoncé qu’il ferait appel de la décision.

Des conséquences potentielles pour les entreprises et les Etats

Cette décision pourrait avoir des répercussions très lourdes pour les entreprises qui s’implantent et se développent dans le Montana. 

Elle pourrait également faire jurisprudence pour les très nombreux dossiers semblables en attente d’instruction, par exemple Navahine F. vs Hawaii Department of Transportation [3,4]. Notons qu’encore récemment, des membres du Congrès ont par exemple essayé de faire interdire la prise en compte de critères environnementaux dans les décisions d’investissement des fonds de pension [5]. Des actions qui devraient être mises à mal par la présente décision de justice, si elle est maintenue.

A ce jour, il existe plusieurs Etats américains dont les constitutions garantissent le droit à la protection de l’environnement : Hawaii, l’Illinois, le Massachusetts, l’Etat de New York et la Pennsylvanie. L’affaire pourrait donc faire tâche d’huile rapidement, jusqu’à atteindre le niveau fédéral où des affaires sont en attente de jugement par la Cour Suprême des Etats-Unis, à l’image du cas Juliana vs United States [6]. 

Quel a été le rôle joué par la science dans cette décision de justice ? 

Lors de ce procès exceptionnel, de nombreux experts scientifiques ont témoigné de l’impact environnemental des énergies fossiles, à l’image des professeurs Cathy Whitlock – chercheuse de renommée internationale en sciences de la Terre à l’université du Montana – et Mark Jacobson – chercheur en génie civil et environnement de l’Université de Stanford, en Californie. Whitlock a d’une part mis en lumière la manière dont l’augmentation continue de température dans cet état affecterait, concrètement, les générations futures [7]. Jacobson, d’autre part, a souligné le potentiel hors norme du Montana pour les énergies renouvelables, et en particulier l’éolien. Il a affirmé et mathématiquement démontré devant la Cour la capacité du Montana à atteindre ses objectifs énergétiques et à stabiliser son réseau électrique en couplant la génération d’énergie hydroélectrique et les énergies solaires et éoliennes, le tout pour un coût inférieur de moitié à celui d’un nouveau projet privilégiant le gaz naturel ou le charbon [8].

L’association Our Children’s Trust qui portait le cas devant la Cour souligne que ces témoignages sont un élément clé de ce genre de décision. L’association encourage les études scientifiques et la collecte de données liées de manière très spécifique à la santé et au bien-être des enfants – à court mais aussi à long terme – dans certains écosystèmes ciblés (e.g. géographiques) ou en rapport avec des familles de phénomènes environnementaux (e.g. feux de forêt, dômes de chaleur, pollution, etc.). Afin d’aboutir, de telles actions ont besoin de pouvoir s’appuyer sur des faits scientifiques qui informent en temps réel sur des effets mesurables et des contre-mesures adaptées à notre monde actuel.

Références:

[1] Climat : aux États-Unis, des jeunes remportent une victoire historique face au Montana (huffingtonpost.fr)

[2] ‘Truly historic’: How science helped kids win a landmark climate trial (nature.com)

[3] Montana youth climate ruling could set precedent for future climate litigation | NPR

[4] Microsoft Word – 2022-5-31 HDOT Climate Complaint.docx (earthjustice.org)

[5] Barr and Allen Introduce ESG Act to Protect Investors and Preserve Access to Capital for Energy Producers | Press Releases | Congressman Andy Barr (house.gov)

[6] US Supreme Court allows historic kids’ climate lawsuit to go forward (nature.com)

[7] In Montana lawsuit, a climate scientist takes the stand | Science | AAAS

[8] Experts respond to Held v. Montana climate ruling (montanafreepress.org)

Signature:

Emmanuelle Pauliac-Vaujour, attachée pour la Science et la technologie au Consulat Général de France à San Francisco, [email protected]

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