Interview de Robert Altman : comment le programme SPIN amène l’entrepreneuriat au sein des laboratoires nationaux

RobAlt

Qu’est-ce qui vous a poussé à développer un programme pour rapprocher les scientifiques de laboratoires nationaux de l’entrepreneuriat ? Plus spécifiquement, pouvez-vous préciser à quels défis et barrières ces scientifiques sont confrontés lorsqu’ils se tournent vers l’entrepreneuriat, et de quelle façon votre programme répond à ces défis ?

Ce sont des échanges continus entre les laboratoires nationaux et l’Université de Chicago au sujet de la promotion de l’innovation et de la collaboration stratégique qui ont été à l’origine du Programme stratégique pour l’innovation dans les laboratoires nationaux (Strategic Program for Innovation at the National Labs – SPIN). L’Argonne National Lab et le Fermi National Lab ont noué un partenariat avec le Centre Polsky pour l’entrepreneuriat et l’innovation (Polsky Center of Entrepreneurship and Innovation) de la Booth School of Business, école de premier plan de l’Université de Chicago, pour élaborer et mettre en œuvre un programme visant à mobiliser l’esprit d’entreprise de leurs chercheurs et de leur personnel à fort potentiel. De son côté, le Centre Polsky a recruté des enseignants de Booth pour développer un programme de formation attrayant et stimulant.

Le programme SPIN est conçu pour aider les scientifiques et les chercheurs à utiliser efficacement l’esprit d’entreprise et une approche entrepreneuriale dans leur travaux 1) en montrant les avantages que présente l’application de l’esprit d’entreprise à la recherche scientifique et à l’innovation, 2) en fournissant aux scientifiques et aux chercheurs de ces laboratoires des outils novateurs pour appréhender, conceptualiser et résoudre les problèmes via l’utilisation des mécanismes de l’entrepreneuriat, et 3) en les dotant des compétences et des stratégies nécessaires pour améliorer la recherche et inspirer une culture de l’innovation.

 

Pouvez-vous donner une vue d’ensemble des objectifs-clés et des principales composantes du programme que vous avez créé ? De quelle façon chacune de ces composantes contribue-t-elle à soutenir les scientifiques dans leur parcours vers l’entrepreneuriat ?

Le programme SPIN fournit un cadre d’efficacité organisationnelle innovant, tout en abordant les thèmes du leadership et de la mobilisation de l’industrie. Les éléments-clés du programme comprennent des cours donnés par des professeurs d’entrepreneuriat de classe mondiale de Booth, des présentations par des experts de l’industrie, des simulations en classe pour renforcer ces enseignements et la résolution des problèmes, et un éventail de compétences et de stratégies sur mesure pour penser comme des entrepreneurs et mettre en place des collaborations. De nombreuses opportunités sont offertes à la cohorte tout au long du programme pour nouer des contacts et établir des liens en vue de collaborations futures.

Le programme SPIN offre un apprentissage dans trois domaines cruciaux, ancrés dans une réflexion entrepreneuriale et innovante : l’esprit d’entreprise, la structure de l’entrepreneuriat et la recherche appliquée en action. Sur une période de douze semaines, sont dispensés des contenus sur des thèmes tels que la performance des équipes, la commercialisation de la technologie dans la pratique, le rôle des partenariats internes/externes, et l’ADN de l’innovation rigoureuse. Entre les sessions en présentiel sur des journées complètes à Booth, Argonne et Fermilab, les discussions en virtuel sur zoom et les petites réunions d’équipe hebdomadaires, la cohorte a la possibilité de travailler sur les projets attribués aussi bien individuellement qu’en équipe ou au sein de groupes transverses, afin de saisir concrètement la valeur des collaborations stratégiques. A l’issue de chaque session, les participants ont acquis un éventail de compétences et de stratégies utiles pour stimuler davantage l’innovation et renforcer les collaborations dans leurs travaux. Le programme s’achève sur une session finale en présentiel d’une journée pendant laquelle les équipes font des présentations devant les dirigeants des laboratoires et de l’université.

 

La deuxième cohorte a terminé le programme en juin dernier. De quelle façon mesurez-vous et évaluez-vous l’impact de ce programme ? Pouvez-vous nous faire part de réussites ou de résultats spécifiques qui montrent l’influence du programme sur la communauté scientifique et le milieu des entreprises, tels que la création de start-ups ou l’amélioration des travaux de recherche des participants ? De plus, comment envisagez-vous l’impact à long terme de votre travail au croisement de la science et de l’entrepreneuriat ?

Notre toute dernière cohorte était un groupe talentueux et motivé composé de chimistes, d’économistes de l’énergie, d’ingénieurs de l’environnement, de physiciens, de scientifiques confirmés et de responsables de la transformation des systèmes de quatre laboratoires nationaux : Ames National Lab, Argonne National Lab, Fermi National Accelerator Lab et Princeton Plasma Physics Laboratory. Lors du point que nous avons effectué 90 jours après la fin du programme, les participants nous ont expliqué qu’ils mettaient régulièrement en pratique dans leur travail les connaissances issues de l’apprentissage immersif qu’ils ont suivi et les précieuses compétences en matière de réseautage et de présentation qu’ils ont acquises grâce au programme. De plus, de nombreux membres de la deuxième cohorte SPIN nous ont indiqué avoir déjà commencé à recruter leurs collègues du laboratoire en vue de leur participation à la troisième édition de SPIN ! 

Nous pensons que l’impact à long terme de notre travail – en particulier celui qui consiste à créer et mettre en œuvre des programmes au croisement des sciences et de l’entrepreneuriat, comme SPIN – a le potentiel de renforcer la culture de l’innovation et de la collaboration stratégique, tout en créant un écosystème de l’innovation dynamique qui embrasse l’ensemble des laboratoires nationaux. 

 

Avant le début du programme, les cohortes sont-elles en général familiarisées avec l’entrepreneuriat et le transfert de technologie, ou est-ce souvent un tout nouvel univers pour elles ? Quelles stratégies et pratiques mettez-vous en place pour vous assurer que le programme mobilise et soutient efficacement un groupe de participants divers, quelle que soit leur expérience passée en matière d’entrepreneuriat ?

Bien qu’ils aient une certaine connaissance de l’entrepreneuriat et du transfert de technologie, la plupart des participants au programme SPIN s’engagent avec beaucoup d’enthousiasme dans ce nouveau domaine d’apprentissage, afin de mettre à profit l’esprit entrepreneurial pour mieux intégrer l’innovation et la collaboration dans leurs travaux. La diversité de pensée et d’expertise est cruciale pour la réussite du programme SPIN, c’est pourquoi nous y incluons de nouveaux laboratoires nationaux avec chaque nouvelle cohorte. De plus, le recrutement au sein de ces laboratoires couvre un large éventail de leurs fonctions et services, afin de pouvoir constituer avec leurs experts et leurs compétences un solide réseau pour améliorer l’esprit de corps, les collaborations stratégiques et les découvertes scientifiques. 

 

Vous avez déjà étendu le programme à deux laboratoires nationaux en dehors de Chicago. Quels sont vos objectifs et stratégies pour son expansion ou son renforcement à long terme ? Envisagez-vous d’ouvrir le programme à des institutions d’autres pays, par exemple grâce à des coopérations bilatérales ou à des partenariats internationaux, pour mieux promouvoir l’entrepreneuriat et la collaboration scientifique à l’échelle mondiale ?

Nous recrutons actuellement la troisième cohorte (cette édition aura lieu au printemps 2024), avec pour objectif d’étendre le programme à d’autres laboratoires nationaux, afin de renforcer en son sein la diversité de la réflexion et des collaborations stratégiques. Afin de promouvoir davantage l’entrepreneuriat et les collaborations scientifiques à l’échelle mondiale, nous serons très heureux de rechercher aussi activement des partenariats internationaux.

 

Propos recueillis et traduits par Marie Poirot, Chargée de mission scientifique au Consulat Général de France à Chicago, [email protected] 

Partager

Derniers articles dans la thématique