Entretien avec Romain Albouy, diplômé de l’INSA Toulouse en génie physique menant ses travaux de recherche au sein du département de physique appliquée et de neurosciences. Son sujet de thèse porte sur le développement d’un robot chirurgical pour l’insertion d’électrodes ultra-flexibles dans le cerveau pour les interfaces robot/humain. À travers cet entretien, Romain nous partage son expérience du monde doctoral aux États-Unis.
Est-ce que tu peux nous décrire le sujet de ta thèse ?
Nous voulons étudier la relation entre le cortex et l’hippocampe dans la consolidation des souvenirs. En effet, l’hippocampe est utilisé pour faire du « replay », comme la RAM d’un ordinateur dans notre cerveau. Il enregistre des événements à court terme et les joue dans le reste du cortex pour les consolider sur le long terme. Cependant, la propagation des signaux qui jouent le « replay » dans le cortex n’est pas bien comprise. Afin d’étudier la relation entre le cortex visuel et l’hippocampe, nous avons inséré dans un premier temps des électrodes dans ces deux différentes parties. Cependant, les électrodes que nous avons développées sont ultra-flexibles et très fragiles. De plus, les chirurgies que nous réalisons pour leur insertion sont très longues. L’enjeu est donc de trouver un moyen d’insertion rapide et avec une bonne répétabilité.
Pour cela, j’ai développé un robot qui permet d’insérer ces électrodes dans le cerveau avec le moins de dommages possible et avec une grande répétabilité. Le robot est utilisé pour des applications qu’on appelle comportementales. Par exemple, nous observons la manière dont les souvenirs sont rejoués dans le reste du cerveau lorsque les animaux apprennent une tâche assez simple.
Comment s’est passée ta transition entre ton parcours d’ingénieur en France et ta thèse à l’université de Rice aux Etat-Unis?
Une thèse aux États-Unis requiert le suivi d’un certain nombre de cours obligatoires pendant les six premiers mois. En arrivant au département de physique appliquée, j’ai demandé à transférer les cours que j’avais déjà suivis à l’INSA pour ne pas avoir à les suivre ici.
Selon toi quelles sont les principales différences entre être étudiant en France et aux États-Unis ?
Je vais répondre d’après ce que je sais, je n’ai jamais fait de doctorat en France. La différence principale est la manière d’étudier, il y a plus de liberté aux États-Unis. Par exemple, en France, on étudie beaucoup plus sur une année. On a 30 à 40 heures de cours par semaine, alors qu’ici, le volume horaire est entre 12 et 18 heures. La charge de travail est différente, plus de travail est à faire à la maison. C’est un exercice pour lequel je n’étais pas forcément prêt. Par exemple, on m’a demandé une fois dans un cours : « improvise-moi une question, un exemple pour ce sujet ». En France, on va plutôt demander de répondre à des examens. Ici, on fait plus de place à l’imagination. J’ai dû apprendre à raisonner de cette manière.
Quelle a été la principale difficulté à laquelle tu as dû faire face en arrivant à Houston ?
Je pense que le plus difficile a été l’autonomie. La première fois que j’ai commencé à faire mes travaux de recherche seul, je me demandais vraiment quoi faire. Je ne savais pas où aller, je n’arrivais pas à me concentrer ni à m’organiser. On m’a lancé dans le grand bain et on m’a dit « apprend à nager ». L’adaptation a pris un peu de temps, mais maintenant je peux être confronté à un nouveau problème sans avoir peur. J’ai déjà été confronté à des problèmes où je ne savais rien, et ça s’est plutôt bien passé. J’ai appris à trouver une façon de résoudre n’importe quel nouveau problème.
Comment as-tu fais face aux barrières culturelles et linguistiques ?
Je pense qu’il est important de poser des questions et d’être ouvert d’esprit. En ce qui concerne l’université de Rice, c’est une école très internationale. Il y a 25 % d’étudiants étrangers. Il n’y a pas vraiment de choc culturel parce que tout le monde vient d’une culture différente. Nous partageons davantage un mélange de cultures au lieu d’être exposés à une seule culture.
Nous remercions Romain Albouy pour le temps consacré à cet entretien et pour avoir partagé son expérience avec nous. Nous pensons que ce témoignage sera utile à beaucoup d’étudiants qui se posent des questions sur le déroulement d’une thèse aux États-Unis. Romain est aussi un membre actif de la communauté scientifique française aux USA. Il est par exemple intervenu à la Fête de la science 2023 à l’école Mark White de Houston, au grand plaisir des enfants. Nous le remercions également pour son implication.
Vous pouvez contacter Romain sur LinkedIn, ici.
Rédacteurs :
Alessio Guarino, Attaché pour la Science et la Technologie, Consulat Général de France à Houston, [email protected]
Noelly Roussel, Chargée de mission pour la Science et la Technologie, Consulat Général de France à Houston, [email protected]