Le récent rapport de la maison blanche “Bold Goals for U.S. Biotechnology and Biomanufacturing” [1] confirme les ambitions des Etats-Unis dans le secteur des bioénergies et fait suite aux investissements du Department of Energy (DOE) à hauteur de 708 M$, principalement dans quatre centres de recherches sur les bioénergies[2]: le Great Lakes Bioenergy Research Center, sous l’égide de University of Wisconsin-Madison et en partenariat avec Michigan State University; le Center for Bioenergy Innovation, dirigé par Oak Ridge National Laboratory du DOE; le Joint BioEnergy Institute, dirigé par Lawrence Berkeley National Laboratory du DOE; et le Center for Advanced Bioenergy and Bioproducts Innovation, dirigé par University of Illinois Urbana-Champaign. Les objectifs du gouvernement américain pour les bioénergies et les bioproductions sont déclinés dans les secteurs suivants: les transports, les procédés de fabrication et matériaux, l’agriculture et la capture de carbone.
Dans cet article, nous nous intéresserons plus particulièrement au développement de biocarburants pour le domaine des transports. Les biocarburants sont issus de la transformation de matière organique en carburant. Les principales étapes de la conversion de la biomasse en biocarburants peuvent varier en fonction du type de matière première et du produit final souhaité, mais le processus se déroule généralement de la manière suivante: dans un premier temps, la biomasse est broyée, séchée et débarrassée des impuretés pour faciliter la conversion en biocarburant; dans un second temps, les composés complexes (cellulose, hémicellulose, lignine) sont décomposés en sucres simples à l’aide d’enzymes ou de procédés chimiques; dans un troisième temps, la solution sucrée obtenue est fermentée à l’aide de micro-organismes, tels que des bactéries ou des levures, qui convertissent les sucres en éthanol ou en d’autres biocarburants. Les biocarburants produits par fermentation sont ensuite séparés et purifiés par distillation ou par d’autres techniques de séparation. En fonction du produit final souhaité, des étapes supplémentaires peuvent être nécessaires pour améliorer les biocarburants afin qu’ils répondent aux spécifications requises. Il peut s’agir d’une distillation supplémentaire, d’une amélioration catalytique ou d’un mélange avec d’autres carburants.
Le développement de biocarburants est l’un des moyens à travers lequel les Etats-Unis envisagent d’atteindre leurs objectifs environnementaux. Le secteur des transports représente actuellement 29% des émissions totales de gaz à effet de serre des États-Unis et 26% de ces émissions sont dues à l’aviation, au transport maritime ainsi qu’au transport ferroviaire. Contrairement aux transports routiers, l’électrification de ces moyens de transport grâce à l’usage de batteries est difficilement réalisable à cause de la faible densité énergétique de celles-ci comparé aux carburants liquides [3, 4]. Les nouvelles solutions envisagées reposent donc sur une production durable de combustibles liquides, dont une grande partie utilise la biomasse en tant que matière première. En particulier, la transformation de biomasse pour la décarbonisation du secteur de l’aviation a conduit au Sustainable Aviation Fuel Grand Challenge [5], dont le but est d’accroître la production de biocarburants à plus de 3 milliards de gallons de carburants durables pour l’aviation d’ici 2030, puis d’atteindre les 35 milliards de gallons d’ici 2050. A titre de comparaison, la consommation annuelle de carburant aux Etats-Unis pour l’aviation était de 13,8 milliards de gallons en 2021.
Afin de bénéficier des crédits d’impôts pour la production de biocarburants, renouvellé dans le Inflation Reduction Act [6], la réduction des émissions de gaz à effet de serre sur la totalité du cycle de vie (méthodologie CORSIA ou similaire) doit être d’au moins 50% comparé aux carburants fossiles.
Néanmoins, les biocarburants présentent certaines limites telles que le coût de fabrication, la production et l’acheminement de biomasse sur les lieux de transformation ainsi que la mise à l’échelle des solutions développées. De même, la compétition avec les cultures alimentaires et la déforestation provoquée par la nécessité de nouvelles terres arables pour les biocarburants sont régulièrement pointées du doigts comme un problème majeur, notamment dans des pays leaders de la production de biocarburants tels que le Brésil et l’Indonésie [7]. Dans ce contexte, la culture d’algues apparaît comme une solution idéale car elle ne menace pas les terres agricoles. Cependant, de plus en plus d’investisseurs se retirent; Exxon Mobil a ainsi récemment coupé ses financements sur les biocarburants à base d’algues après y avoir investi plus de 350 M$, à cause de la durée de développement et du coût de mise sur le marché [8].
La France, quant à elle, 4ème producteur mondial de biocarburant, totalise 5% de la production mondiale. En 2017, à travers l’Engagement pour la croissance verte (ECV), une réflexion a été menée sur les conditions de déploiement d’une filière de production française. Cette réflexion a été menée en coopération avec des grands groupes industriels français tels qu’Air France, Airbus, Safran, Total et Suez Environnement. Une feuille de route a été établie et prévoit une substitution du kérosène fossile par des biocarburants durables de 2% en 2025 et de 5% en 2030. Un appel à manifestation d’intérêts a été lancé pour les projets d’investissement dans des unités de production de biocarburants à destination de l’aéronautique [9].
Rédacteur : Yann Ferry, Chargé de mission scientifique au Consulat Général de France à Atlanta, [email protected]