Analyse du budget fédéral 2021 pour la recherche en énergie, environnement et climat

Dans un contexte politique très tendu et après une année de crise sanitaire, le budget fédéral 2021 a finalement été voté par le congrès puis promulgué par le président Trump le 27 décembre 2020. Sur les 1 400 milliards de dollars de budget fédéral, 165 milliards de dollars alimenteront les activités de recherche et développement. Cet article offre un aperçu des financements sur les thématiques énergie et environnement.
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Beaucoup d’attentes reposent sur l’administration de Joe Biden pour rompre avec quatre années de recul de l’ère Trump sur la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement, et pour engager un effort sans précédent pour reprendre pied dans l’agenda international sur ces sujets  et mobiliser les moyens adaptés. Cependant, singularité du calendrier politique américain, la loi budgétaire 2021 aura été promulguée le 27 décembre 2020, soit quelques semaines avant la prise de fonction du Président élu.

Le processus d’appropriation des budgets de l’année fiscale 2021 a été finalisé à l’issue de complexes négociations. Pour rappel, sur la base des recommandations de l’Office of Management and Budget (OMB), la Maison Blanche émet en février des propositions budgétaires pour l’année suivante, suivies des contre-propositions de la Chambre des Représentants puis du Sénat. Cette année, la Chambre avait publié ses projets de loi qui fixent les niveaux de dépenses des organismes fédéraux au printemps dernier, mais le Sénat avait jusqu’à présent refusé de faire de même. Le 12 novembre, la commission sénatoriale des crédits a publié sa version des 12 projets de loi analogues pour préparer les négociations finales d’un paquet de dépenses couvrant l’ensemble du gouvernement. Les législateurs des deux chambres ont ainsi négocié un accord final sur  le budget 2021 dont le  montant total s’élève à 1 400 milliards de dollars. Le document de cet accord a ensuite été signé le 27 décembre par le président Trump et est devenu une loi.

Cette année, en raison de la pandémie, les négociations budgétaires devaient également s’accorder sur le montant et l’utilisation d’un budget 2021 d’urgence d’environ 900 milliards de dollars. Contrairement aux recommandations du Research Investment to Secure the Economy (RISE) Act, le paquet d’urgence de 900 milliards de dollars de réponse à la pandémie ne contient aucun budget alloué à la recherche scientifique, que ce soit dans le soutien aux installations existantes ou à la création de nouveaux projets de recherches.

La proposition de l’administration Trump de février 2020 prévoyait une baisse de 16,6 milliards en dollars constants (-10.6% par rapport à 2020) du budget 2021 pour la recherche scientifique et se déclinait en réductions pouvant atteindre 30% pour certaines agences. Comme les trois années précédentes, la proposition de la Maison Blanche suggérait une réduction disproportionnée des programmes de R&D dans le domaine des énergies renouvelables et de la recherche environnementale.

Cependant, les propositions budgétaires pour la R&D des deux chambres ont convergé et ont abouti à un budget d’environ 165,5 milliards de dollars, soit 2 milliards en deçà du budget 2020. Le financement de la R&D se décompose ainsi de la manière suivante :

  • 45,5 milliards de dollars pour la recherche fondamentale ;
  • 48,2 milliards de dollars pour la recherche appliquée ;
  • 66,9 milliards de dollars pour le développement expérimental des technologies.
  • 4,8 milliards de dollars pour les infrastructures de recherche et développement.

1 – Plusieurs départements et agences fédérales soutiendront la recherche et le développement en environnement en 2021.

Le Consolidated Appropriations Act, 2021 est un texte de loi dit omnibus qui liste l’ensemble des lignes budgétaires des départements (Ministères) et agences indépendantes ainsi qu’une série de priorités transversales. L’extraction des lignes qui concernent la recherche sur l’environnement, l’énergie (hors fission et fusion nucléaire), le climat, la biodiversité, les océans… dans ce document long de plus de 5600 pages, pour fastidieuse qu’elle soit, permet de mettre en exergue quelques tendances pour 2021. Cependant, de par la nature complexe des appropriations, certains budgets identifiés traitent directement des sujets énergie/climat/environnement quand d’autres n’abordent ces chapitres qu’à la marge. Il n’en demeure pas moins que les chiffres proposés ci-dessous donnent une image probablement très proche de la réalité et illustrent les efforts consentis par chaque institution dans la R&D environnementale.

Département de l’Energie :

  1. Budget de l’Office of Science
    1. Activités de recherche environnementales : stabilisé à 753 millions de dollars (+0.4% par rapport à 2020) ;
  2. L’Office of Energy Efficiency and Renewable Energy, doté d’un budget total de 2,862 milliards de dollars (+1%), concentre l’essentiel de son activité en recherche appliquée. Ainsi, les budgets de l’OEERE se ventilent sur les programmes suivants :
    1. Transport soutenable :
      1. Véhicules électriques et transport, stable à 400 millions de dollars (+1%) ;
      2. Hydrogène et batterie à combustible, stable à 150 millions de dollars (+0.0%)
      3. Biocarburants, légèrement réduit à 255 millions de dollars (-2%) ;
    2. Energies renouvelables :
      1. Energie solaire, maintenu à 280 millions de dollars (+0%) ;
      2. Energie éolienne, augmenté à 110 millions de dollars (+6%) ;
      3. Systèmes géothermiques, légèrement réduit à 106 millions de dollars (-4%) ;
      4. Energies marines, stable à 150 millions de dollars (+1%) ;
    3. Industrie du futur et matériaux, stable à 396 millions de dollars (+0%) ;
    4. Technologies du bâtiment, stable à 290 millions de dollars (+2%) ;
  3. Le budget de l’Advanced Research Projects Agency-Energy (ARPA-E), l’agence en charge du soutien des projets identifiés comme “haut risque et haut potentiel” reste stable à 427 millions de dollars (soit +2 millions de dollars) ; à noter que bien que l’agence ne reçoive qu’une augmentation de 2 millions de dollars, une autre section du budget autorise une croissance rapide de son travail de transfert de la recherche fondamentale en technologies commercialement prêtes. Les législateurs prévoient que l’agence, créée il y a dix ans, doublera presque son budget d’ici 2025, pour atteindre 761 millions de dollars.
  4. Le programme Electricity Delivery, qui mène ses recherches sur le transport de l’électricité et les thématiques de stockage de l’énergie électrique ainsi que la résilience des réseaux électriques, connaît une augmentation particulièrement importante de son budget, porté à 187 millions de dollars (+11%).
  5. Office of Fossil Energy :
    1. En particulier le financement des technologies de capture de carbone, utilisation et séquestration (CCUS) en nette augmentation à 228 millions de dollars (+6,5%) ;

Environmental Protection Agency :

L’EPA dispose d’un budget de recherche et développement d’environ 499 millions de dollarsRéfutant la proposition de la Maison Blanche de supprimer le programme Climate Research au sein de la division Air and Energy de l’EPA, la Congrès a convergé vers une stabilisation du programme autour de 94 millions de dollars.

United States Geological Survey :

Principal organe de recherche du Département de l’Intérieur (DOI), son budget reste pratiquement stable à 671 millions de dollars, soit une augmentation de 1,6% par rapport à 2020. Ce budget R&D transversal est réparti entre les différentes divisions : écosystèmes ; énergie et minéraux ; risques naturels ; ressources en eau.

National Oceanic & Atmospheric Administration :

Les laboratoires internes de la NOAA, Sea Grant et Cooperative Institutes, comprennent des recherches sur le climat, la météorologie et la chimie de l’air, ainsi que sur les océans, les milieux côtiers et les Grands Lacs.

  1. Office of Oceanic and Atmospheric Research : 594 millions de dollars (+1%) ;
  2. La proposition de la Maison Blanche pour la suppression des programmes  de recherche en météorologie, qualité de l’air, climat, océans et ressources côtières du bureau de l’OAR (Ocean and Air Research) a été refusée, la dotation est finalement de 182 millions de dollars (+7%) ;
  3. Le Centre d’innovation pour la prévision de la Terre (Earth Prediction Innovation Center), une initiative de premier plan de la NOAA visant à améliorer ses modèles météorologiques, profite de l’augmentation du budget à 27 millions de dollars (+15%) de l’U.S. Weather Research Program.

Département de l’Agriculture :

Le département est doté d’un budget de R&D total estimé à 2,8 milliards de dollars. Même s’il n’existe pas, à ce stade, de programme spécifiquement fléché vers les thématiques climatiques et environnementales, de nombreux programmes de recherche du Département de l’Agriculture abordent de manière transversale les questions de biodiversité, de conservation des écosytèmes… La quantification précise des fonds dédiés à chaque thématique est à ce stade une donnée difficile à extraire

National Aeronautic and Space Administration :

Earth Science : Les missions d’observation de la Terre et la recherche dans les domaines tels que le changement planétaire, les intempéries, l’atmosphère, les océans, la cryosphère, et la surface terrestre mobilisent 2 milliards de dollars (+1%).

Département de la Défense :

Strategic Environmental Research and Development Program, le programme de recherche, développement et démonstration, en particulier sur l’impact des technologies militaires sur l’environnement. Cette recherche est effectuée au sein des laboratoires fédéraux, universités et industriels : 85 millions de dollars.

National Science Foundation :

La ligne budgétaire relative à l’ensemble de la recherche a été votée à 6.9 milliards de dollars.

La ventilation dans les programmes budgétaires n’est pas proposée par le budget de lois et les chiffres de 2020 sont en cours de consolidation. Les budgets ne devraient pas évoluer significativement par rapport aux chiffres consolidés de 2019 qui peuvent nous fournir une bonne estimation des niveaux de financement 2021. Ainsi, certains budgets de 2019 s’articulent autour des activités en lien avec les sciences du climat et l’environnement :

  1. Directoire pour la recherche en biologie :
    1. Environmental Biology program : 153 millions de dollars ;
  2. Directoire pour les géosciences :
    1. Atmospheric and Geospace Sciences : 303 millions de dollars ;
    2. Earth Sciences : 182 millions de dollars ;
    3. Ocean Sciences : 370 millions de dollars ;
  3. Centre de R&D financé au niveau fédéral :
    1. National Center for Atmospheric Research : 152 millions de dollars 
  4. Participation totale  à U.S. Global Change Research Program : 240 millions de dollars

Programme de Recherche Américain sur le Changement Global (U.S. Global Change Research Program) :

Le budget de 2.2 milliards de dollars annoncé pour 2021 n’est pas voté dans le cadre de la loi omnibus mais devrait être consolidé au cours de l’année en fonction des décisions des 13 agences et départements participant à ce programme.

2 – Quelques priorités et programmes thématiques émergent de la lecture des budgets des départements et des agences indépendantes.

Energie

Perçue comme une avancée historique, la loi de programmation Energy Act of 2020  structure et planifie un investissement sur 5 ans de 35 milliards de dollars en R&D. Elle concerne le financement des programmes relatifs aux questions d’énergie dans une approche  multi-sectorielle, tout en intégrant la R&D nécessaire au développement des solutions. Ce montant reste néanmoins soumis aux votes budgétaires annuels et n’est donc à ce stade que programmatique.

L’Energy Act traite de 10 axes prioritaires : (1) efficacité énergétique, (2) nucléaire, (3) énergies renouvelables et stockages, (4) gestion des émissions de carbone (comprendre les technologies de capture de carbone directement à son émission, utilisation et stockage, capture du carbone, hydrogène), (5) capture du carbone atmosphérique, (6) technologie industrielle conciliant compétitivité et réduction de l’empreinte carbone, (7) minéraux critiques, (8) modernisation du réseau électrique, (9) efficacité de l’innovation énergétique et (10) des amendements liés à l’Advanced Research Projects Agency – Energy. Ces dix axes sont détaillés en annexe.

Dans le domaine des biocarburants, le bureau des technologies de bioénergie du DoE est alimenté à hauteur de 255 millions de dollars soutenant la R&D en systèmes de production basés sur les algues, les déchets organiques ou les ressources agricoles. Par ailleurs, la loi d’appropriation prévoit 100 millions de dollars pour le Fuel Cell Technologies Office sur le projet H2@Scale. Le gouvernement américain met également l’accent sur les technologies dites de Blue Hydrogen, reposant sur l’exploitation du gaz naturel. 

La loi budgétaire de 2021 annonce 40 millions de dollars pour des appels d’offres concurrentiels adressés aux universités et à l’industrie pour la technologie en énergie marine. La recherche sur l’énergie solaire et éolienne met également l’accent sur le recyclage, qui devient de plus en plus important à mesure que les anciennes installations sont mises hors service ou modernisées. Plus de 40 millions de dollars sont mentionnés pour lancer la construction du Grid Storage Launchpad et le développement, le test et l’évaluation des matériaux et systèmes de batteries innovantes. 

A noter également quelques exemples de programmes innovants singuliers : la R&D sur les cellules solaires au tellurure de cadmium ou le programme SuperTruck III dotés chacun de 20 millions de dollars, la poursuite des programmes Agile BioFoundry, le Frontier Observatory for Research in Geothermal Energy (FORGE), le Critical Materials Institute, le Energy-Water Desalination Hub, le Manufacturing Demonstration Facility, et le Clean Energy Manufacturing Institute

Capture du carbone, utilisation et séquestration 

Les États-Unis perçoivent la captation, le stockage et l’utilisation du carbone comme une des 10 priorités énergétiques. Cette industrie connaît un fort essor industriel et est identifiée comme l’un des piliers de la transition énergétique permettant d’atteindre la neutralité des émissions carbones. Elle bénéficie d’une direction dédiée au DOE et d’une dotation de 228 millions de dollars émanant du bureau des énergies fossiles. Il est à noter que l’Energy Act of 2020 distingue la gestion du carbone émis directement à sa source (centrales thermiques et moyens de production), de la suppression du carbone atmosphérique, notamment par les technologies de Carbon Dioxide Removal, qui couvre des technologies industrielles ou certaines solutions fondées sur la nature (afforestation par exemple).

Minéraux critiques

Le budget prévoit 40 millions de dollars pour l’initiative du DOE sur les minéraux critiques, pierre angulaire du développement des énergies propres mais également des nouvelles technologies de l’information et des télécommunications. Le Congrès suggère la création d’un programme de coordination entre les National Academies of Sciences, Engineering et la National Science Foundation et la conception d’un programme interdisciplinaire sur les minéraux critiques qui sécurisera la chaîne d’approvisionnement en minéraux critiques et améliorera la capacité des États-Unis à accroître l’exploration, le développement, la production, la fabrication et la recherche des applications, ainsi que la recherche le recyclage des minéraux critiques et les solutions alternatives. 

Pragmatique, le Congrès demande également une évaluation des capacités américaines en matière de ressources humaines sur ces thématiques. Il s’agit d’établir une stratégie de soutien aux Graduate Programs portant sur les questions minérales, en implémentant un système de bourses pluriannuelles soutenant la création de nouveaux laboratoires de recherche sur les matériaux critiques.  

Climat, atmosphère et intempérie

Comme indiqué dans le chapitre précédent, les agences de la NSF, de la NOAA et le DOE regroupent l’essentiel des budgets qui traitent de près ou de loin des enjeux climatiques.  Des subventions par appels d’offres de la NOAA pour le climat voient leur financement augmenter d’un million de dollars. Les laboratoires travaillant sur le climat et les instituts coopératifs ont reçu une augmentation de 9 millions de dollars (soit +13,5%), et le programme régional intégré de sciences et d’évaluations (RISA) a reçu une augmentation de 2,5 millions de dollars.

Par ailleurs, les Centres de Recherche scientifique pour l’adaptation au climat de l’USGS bénéficient d’une augmentation de 3 millions de dollars. Le programme national d’imagerie terrestre reçoit 8 millions de dollars supplémentaires.

Comme mentionné précédemment, le Secrétaire à l’énergie doit établir un programme pour la R&D de technologies de réduction des émissions industrielles, leur démonstration et leur déploiement, en concertation avec les chefs des organismes fédéraux concernés, des Laboratoires nationaux, de l’industrie et des établissements d’enseignement supérieur.

Pour sa part, le Département de l’Intérieur est invité à réaliser une analyse de l’efficacité du Climate Security Advisory Council et de ses mesures. Ces travaux devraient mobiliser l’expertise scientifique et mettre l’accent sur l’optimisation de la collecte d’informations concernant les menaces comme les épidémies, les pandémies ou d’autres menaces pour la santé mondiale.  

Milieux polaires

Les programmes liés aux milieux polaires bénéficieront de 544 millions de dollars de la National Science Foundation (NSF) pour des projets de recherche mais également le financement des opérations. Ces programmes sont gérés par l’Office of Polar Program de la NSF ainsi que par l’United States Antarctic Program, une organisation gouvernementale américaine chargée de coordonner les recherches et les opérations de soutien à la recherche dans ces régions du monde. A noter que la NSF coordonne des activités de recherche en Arctique sous l’initiative Navigating the New Arctic.

Biodiversité et écologie

Comme mentionné précédent, la NSF alimentera à hauteur de 153 millions de dollars son programme Environmental Biology, sur les thématiques suivantes: science des écosystèmes,  processus évolutifs, écologie des populations et des communautés, systématique et science de la biodiversité.

A ce stade de la programmation, il est difficile d’extraire les budgets dédiés à la recherche scientifique parmi les 320 millions de dollars mis à disposition par le Département de l’Intérieur pour la conservation de la biodiversité. Plus de 100 millions de dollars sont également mobilisés pour lutter contre la menace transnationale du braconnage et du trafic d’espèces sauvages. Par ailleurs, un budget de 17,6 millions de dollars est attribué à la recherche sur la thématique des forêts et prairies ainsi que des feux en particulier. 

Environnement 

Quelques approches particulières financées dans le cadre du budget 2021 peuvent être mises en avant : la loi prévoit 10 millions de dollars pour la recherche sur les microbiomes et les radiations à faible dose ; 15 millions de dollars pour la recherche sur les aérosols dans les nuages ; 30 millions de dollars pour l’observation et la recherche sur les interfaces terre-eau aux États-Unis.

Près de 20 millions de dollars ont été versés au programme stratégique de R&D environnementale relatif à l’utilisation des substances polyfluoroalcalines (PFAS), un programme du Département de la Défense (DoD).

Rédacteurs :

Stéphane Raud, Attaché pour la Science

Julien Bolard, Attaché adjoint pour la Science – [email protected]

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