Les États-Unis dominent la scène mondiale de la recherche biomédicale. Leur activité dans ce domaine leur a permis de contribuer à des avancées scientifiques et médicales majeures, profitant à la population américaine et à la population mondiale, comme la réduction de la mortalité liée au cancer, le traitement et la prévention de l’infection au VIH et la réponse à la pandémie de COVID-19. La recherche biomédicale est donc un moteur important de l’économie américaine, contribuant de manière significative à la création d’emplois et au produit intérieur brut du pays [1, 2]. Dans une publication intitulée The State of the U.S. Biomedical Research and Health Enterprise: Strategies for Achieving a Healthier America [3], un groupe de travail placé sous l’égide de la National Academy of Medicine aborde certains des défis auxquels font face Les Etats-Unis en matière de recherche biomédicale américaine. Composé d’experts affiliés à des institutions telles que l’Université de Columbia, l’Université Johns Hopkins, le Duke University Medical Center ou l’Université de Californie à San Francisco, il propose une feuille de route pour optimiser l’entreprise de recherche des États-Unis et identifie cinq priorités détaillées ci-dessous, relatives à la vision stratégique, au financement, à l’équité en santé, à la coordination et à la main-d’œuvre.
Priorité 1 : Organisme consultatif de la recherche biomédicale et vision stratégique nationale
Le groupe de travail constate que la diversité et le nombre des acteurs impliqués dans la recherche biomédicale (industries pharmaceutiques, institutions académiques, acteurs de santé publique, etc.) peuvent mener à une approche fragmentée de la priorisation et du financement. Il suggère la création d’un organisme consultatif à long terme par le président et le congrès, représentant tous les secteurs, afin de développer une vision stratégique nationale et de mieux coordonner les efforts et les ressources. Cette proposition souligne la volonté d’intégrer la recherche dans une stratégie nationale scientifique transdisciplinaire. Cet organisme inclurait des scientifiques de premier plan issus de diverses disciplines (de l’ingénierie aux sciences humaines, en passant par les sciences de la vie et l’économie), ainsi que des patients et des professionnels de santé, et collaborerait avec les agences fédérales pertinentes. Il identifierait les domaines de recherche et de développement biomédicaux les plus urgents et cartographierait la main-d’œuvre, le financement, les ressources technologiques et scientifiques nécessaires pour répondre à ces besoins. Cet organisme rendrait compte annuellement au Congrès et au public de son travail. Le groupe de travail revient sur l’approche d’autres pays et mentionne notamment le programme Horizon Europe [4] comme exemple d’outil promouvant les approches translationnelles, les synergies et les collaborations public-privé pour la recherche biomédicale.
Priorité 2 : Rationalisation et coordination du financement
Le groupe de travail propose la mise en place d’une collaboration nationale de financement de la recherche biomédicale au niveau fédéral et la détermination par le gouvernement fédéral de la meilleure façon d’organiser et d’allouer les investissements partagés entre le gouvernement, le secteur privé et la philanthropie, dont les objectifs diffèrent et peuvent entrer en conflit. Cette collaboration pourrait être habilitée à (i) analyser les modèles existants à succès pour développer des meilleures pratiques dans la mise en œuvre de nouvelles méthodes de financement et d’accélération de la recherche biomédicale ; (ii) créer un modèle de financement à grande échelle pour répondre aux défis de santé identifiés dans la vision stratégique nationale et (iii) développer de nouveaux collectifs philanthropiques pour encourager des dons stratégiques groupés à fort impact. Les initiatives fédérales et les stratégies de financement viseraient spécifiquement à traiter le problème de la « death valley du financement », illustrant le difficile parcours qui mène d’une découverte prometteuse à une thérapie tangible disponible pour les patients.
Priorité 3 : Importance de l’équité en santé
Le groupe de travail propose de prioriser la recherche fédérale visant à trouver des solutions pour atteindre l’équité en santé aux États-Unis, notamment celles axées sur les déterminants sociaux de la santé et la diversification de la main-d’œuvre. Il est également proposé que les organisations de financement et les agences priorisent la recherche pour comprendre et éliminer les obstacles qui empêchent les populations les plus vulnérables d’accéder à des soins complets et de haute qualité. Les sujets spécifiques pourraient inclure la fracture numérique, les obstacles à l’accès au transport, les déserts médicaux (zones manquant de prestataires de soins primaires et spécialisés), le manque de confiance dans la science et la médecine, ainsi que les obstacles à une plus grande participation aux essais cliniques.
Priorité 4 : Amélioration de la coordination fédérale et science de convergence
Les auteurs proposent une exigence fédérale et une facilitation pour la coordination entre les agences gouvernementales, en particulier les National Institutes of Health (NIH) et la National Science Foundation (NSF), ainsi qu’avec les acteurs tiers de la recherche biomédicale, afin de coordonner les financements et les stratégies, et promouvoir le partage d’informations. Il est de plus mentionné qu’une meilleure coordination fédérale pourrait permettre le déploiement de la science de convergence – approche reposant sur de grandes équipes de collaborateurs issus de multiples disciplines scientifiques – pour résoudre les défis de santé complexes et interconnectés aux États-Unis. La coordination fédérale et l’avancement de la science de convergence pourraient également faciliter l’utilisation de partenariats public-privé, qui ont été mis en œuvre avec succès pendant la pandémie de COVID-19, mais ne devraient pas se limiter aux périodes de crise, selon le rapport.
Priorité 5 : Main-d’œuvre du 21ème siècle
Les étudiants, les scientifiques et universitaires internationaux contribuent de manière significative à la recherche biomédicale aux États-Unis [5]. Cette priorité vise à garantir que les États-Unis restent un pays accueillant et accessible pour les étudiants, scientifiques et chercheurs internationaux. Les moyens incluent (i) l’incitation et la mise en œuvre d’une formation spécialisée, y compris une attention renouvelée à l’éducation scientifique chez les plus jeunes élèves ; (ii) l’élimination des barrières qui empêchent l’intégration complète des scientifiques internationaux dans la main-d’œuvre, notamment en élargissant l’éligibilité au financement de la recherche fédérale pour les détenteurs de visas temporaires ; et (iii) la mise en œuvre d’approches innovantes pour recruter et retenir la main-d’œuvre spécialisée, notamment en élargissant les programmes d’exonération de prêts étudiants, en augmentant les salaires des chercheurs, en créant des opportunités de financement pour les jeunes chercheurs souhaitant poursuivre des domaines de recherche prioritaires (pour qu’ils initient ainsi leurs carrières de chercheurs indépendants).
Dans la conclusion de la publication, le groupe de travail revient sur les contributions de la recherche biomédicale américaine en matière d’innovation scientifique, de percées médicales et de progrès dans les sciences fondamentales. Il souligne cependant que sa structuration et ses modes de fonctionnement actuels pourraient rapidement devenir des obstacles qui l’empêchent d’atteindre son plein potentiel. Les experts évoquent le contexte de compétitivité mondiale, soulignant que d’autres pays commencent à contribuer de manière beaucoup plus significative — tant financièrement qu’en termes de main-d’œuvre — à leurs propres activités biomédicales, ce qui pourrait remettre en cause le leadership américain. Ils mentionnent également que les problèmes de santé majeurs qui menacent les Etats-Unis sont complexes et interconnectés, et ne pourront être résolus que par la convergence des sciences. Enfin, ils soulignent qu’une recherche biomédicale plus efficace et plus efficiente contribuera non seulement à améliorer la santé de tous, mais aussi à la croissance de l’économie américaine.
Rédacteurs :
Karim Belarbi, Attaché pour la science et la technologie au Consulat Général de France à Los Angeles, [email protected]
Célestine Belloeil, Chargée de mission scientifique au Consulat Général de France à Los Angeles, [email protected]
Références
[1] United for Medical Research. NIH’s role in sustaining the U.S. economy—Every state benefits. 2024.
[2] NIH. Spurring economic growth. 2023.
[3] National Academy of Medicine. The State of the U.S. Biomedical and Health Research Enterprise: Strategies for Achieving a Healthier America. 2024.
[4] European Commission. Research and innovation strategy 2020–2024. 2020.
[5] Trapani, J. and K. Hale. Higher education in science and engineering. National Science Foundation National Science Board Science & Engineering Indicators 2022.