Nouvelle ligne directrice pour revitaliser le rôle des standards américains en technologies émergentes

La stratégie nationale des standards pour les technologies critiques et émergentes de la Maison Blanche parue ce mois de mai présente un état des lieux de la contribution et du leadership américain dans le domaine. On y trouve notamment un nombre d’actions prévues pour faire face à la montée en puissance d’autres pays compétiteurs stratégiques en la matière.

La maison blanche à Washington DC (crédit photo : Cezary Piwowarczyk, Wikimedia Commons).

Les standards sont des ensembles de règles et de conventions définies de manière consensuelle par différents acteurs pour assurer une certaine opérabilité entre leurs produits ou services. Aussi définissent-ils des règles qui permettent, par exemple, “de communiquer à des téléphones vendus dans différents pays”, à une carte bancaire émise dans un pays “d’être reconnue dans un distributeur d’un autre pays”, aux voitures “de fonctionner avec l’essence de n’importe quelle station essence” [1].

Première en son genre, la stratégie nationale des standards pour les technologies critiques et émergentes a été publiée par la Maison Blanche et non par le National Institute of Standards and Technology (NIST), qui agit généralement comme référence fédérale dans l’encadrement des standards aux USA. Elle rappelle l’importance de l’implémentation de standards pour le leadership technologique américain et pour sa sécurité nationale. Le sujet, s’il est généralement peu discuté sur la place publique, est pourtant central. Et il s’avère d’autant plus important dans le contexte actuel lorsqu’il s’agit des standards des technologies critiques et émergentes (TCE), au vu de l’enjeu géopolitique d’influence et de compétition que représentent les TCE. Sans en mentionner d’autres, le document évoque la Chine comme adversaire majeur en la matière, qu’il accuse de promouvoir, à travers le développement de standards TCE en particulier, sa politique militaro-industrielle et ses objectifs autocratiques. 

En ligne avec la liste des TCE de l’OSTP,  les secteurs dans lesquels le gouvernement entend investir davantage pour accroître sa compétitivité et protéger sa sécurité nationale, sont les suivants: technologies de communication et de réseau, semi conducteurs et micro électronique, intelligence artificielle et apprentissage machine, biotechnologies, technologies quantiques, cybersécurité. La stratégie mentionne un certain nombre d’objectifs et de lines of effort qui correspondent aux actions envisagées par le gouvernement américain pour maintenir sa place et celle des like-minded partners (pays amis).

Le premier objectif affiché est l’investissement dans les TCE qui passe notamment par l’augmentation du financement de la R&D (dans la lignée du CHIPS act, malgré un congrès qui rechigne à valider les hausses de budget annoncées [2]) et le développement de standards relatifs au risque, à la sécurité et à la résilience. L’objectif suivant concerne la participation américaine au développement de standards et vise plus particulièrement à éviter les situations où l’industrie américaine est absente du processus. Le gouvernement américain entend travailler plus étroitement avec le secteur privé pour s’assurer qu’il s’implique activement dans le développement de standards, et que celui-ci reste porté par le secteur privé. L’objectif est aussi étendu aux pays dits like-minded que les Etats-unis veulent voir plus représentés. 

Ensuite, l’emphase est mise sur la main d’œuvre qui n’a pas grandi aussi vite que le nombre d’organisations dans les standards en TCE. La cause affichée : le manque de reconnaissance publique scientifique quand un nouveau standard est établi par rapport à la valeur attribuée aux publications scientifiques ou aux brevets par exemple. Le gouvernement entend pallier ce problème en intégrant le développement de standards au sein de formations académiques, et en sensibilisant davantage les petites et moyennes entreprises sur le sujet.

Enfin, le rapport affiche un objectif à portée politique et éthique concernant l’intégrité et l’inclusivité. On voit ici visés plus ou moins directement des pays auxquels les USA reprochent de s’accaparer les standards pour leur intérêt personnel uniquement, plutôt que dans une démarche indépendante de récompense de mérite scientifique. La Chine est particulièrement visée et accusée d’utiliser son influence économique pour obtenir des soutiens internationaux dans l’implémentation de standards. Pour contrebalancer cette tendance, le gouvernement américain compte sur ses alliés et l’inclusion d’une plus large représentation d’économies émergentes. 

Les Etats-Unis prennent ainsi très au sérieux la question du développement des standards en TCE et notamment la concurrence rude qui leur est faite en la matière. Ils comptent bien garder un système porté par le secteur privé et réaffirmer leur contribution à l’aide de leurs alliés et en misant sur une étroite coopération entre les secteurs publics et privés.

 

Rédacteur

Antoine Glory, Chargé de mission pour la Science et la Technologie, Ambassade de France à Washington, [email protected]

 

Références

[1] Stratégie “UNITED STATES GOVERNMENT NATIONAL STANDARDS STRATEGY FOR CRITICAL AND EMERGING TECHNOLOGY”, Mai 2023,  partie “What Standards Are and Why They Matter”, White House

[2] Article de Brookings, “The bold vision of the CHIPS and Science Act isn’t getting the funding it needs”, Mai 2023

Partager

Derniers articles dans la thématique
, ,