Une semaine après la publication de la nouvelle National Space Policy qui semblait clore le travail de l’administration américaine actuelle en matière de politique spatiale, le président Donald Trump a promulgué le 16 décembre sa sixième Space Policy Directive (SDP-6) dite « National Strategy for Space Nuclear Power and Propulsion » qui fait suite aux :
- SPD-1 (2017) qui fait de l’exploration spatiale humaine une priorité, avec un retour des astronautes sur la Lune en 2024
- SPD-2 (2018) qui vise une rationalisation de la réglementation spatiale pour soutenir le développement du Spatial commercial
- SPD-3 (2018) qui traite de la gestion du trafic spatial commercial
- SPD-4 (2019) qui met sur pied l’S. Space Force (USSF)
- SPD-5 (2020) qui vise à renforcer la cybersécurité des systèmes spatiaux américains et leurs infrastructures associées
La SPD-6 a vocation à tracer des lignes directrices et à définir les responsabilités de chaque administration fédérale compétente (en l’occurrence : la NASA ; les Départements d’État [DoS], de la Défense [DoD], de l’Énergie [DoE], du Commerce [DoC], du Transport [DoT] ; la Commission de réglementation nucléaire ; le Bureau de la politique scientifique et technologique [OSTP]; le Vice-Président) pour permettre le développement sûr, sécurisé et durable de l’énergie et de la propulsion nucléaires au profit des activités spatiales américaines.
Selon les termes de la SPD-6, le recours à l’énergie et la propulsion nucléaire doit permettre aux États-Unis de conserver leur hégémonie dans l’Espace, et de poursuivre les objectifs qu’ils se sont fixés en matière commerciale, scientifique, de sécurité nationale et d’exploration.
Sur ce dernier point, notons que l’énergie nucléaire a soutenu depuis plusieurs décennies le développement des activités d’exploration de la NASA et est perçue comme un élément fondamental de ses programmes d’exploration habitée lunaire et, à plus long terme, martienne. Le recours à l’énergie et à la propulsion nucléaires est effectivement jugé essentiel à l’établissement d’une présence humaine durable sur la Lune et les autres corps célestes. La SPD-6 fixe d’ailleurs un certain nombre d’objectifs calendaires qui reflètent pleinement les ambitions et l’agenda de la NASA en matière d’exploration, en particulier :
- D’ici le milieu de la décennie 2020 : développer les capacités nécessaires à la mise au point d’un combustible qui soit adapté à la production d’énergie à la surface des corps célestes, à la propulsion électrique nucléaire et à la propulsion thermique nucléaire
- D’ici le milieu/la fin de la décennie 2020 : développer un système de production d’énergie par fission nucléaire sur la surface lunaire capable de soutenir le maintien d’une présence humaine durable sur la Lune et pouvant être utilisé à terme dans le cadre de l’exploration de Mars
- D’ici la fin de la décennie 2020 : développer les capacités techniques nécessaires à la mise au point d’un système de propulsion nucléaire thermique qui pourrait répondre aux besoins de la NASA (mais aussi du DoD)
- D’ici la décennie 2030 : développer des générateurs radioisotopiques avancés (meilleur rendement énergétique, durée de vie opérationnelle plus longue) pour soutenir l’exploration de la Lune, de Mars et du système solaire
La SPD-6 ne se limite toutefois pas à l’exploration et encourage aussi le développement des technologies nucléaires au service des autres missions de la NASA ou encore du DoD. L’objectif du document est même plus large et vise, selon un représentant de l’administration, à mieux coordonner les travaux des agences fédérales américaines (notamment de la NASA, du DoD et DoE) en matière nucléaire et à revitaliser la base industrielle américaine œuvrant dans ce secteur. Il est d’ailleurs suggéré, dans une logique d’économie et de durabilité, de développer des capacités et des technologies qui soutiennent des applications aussi bien terrestres que spatiales et de capitaliser sur les technologies terrestres.
Consciente des risques et des préoccupations soulevés par le recours à l’énergie nucléaire en termes de prolifération, la SPD-6 est également revenue sur la problématique de l’utilisation de l’uranium hautement enrichi (Highly Enriched Uranium – HEU) – qui avait notamment été employé dans le cadre du programme Kilopower.
Sans bannir le recours à l’HEU, la SPD-6 restreint son utilisation à des hypothèses dans lesquelles il n’existerait aucun combustible alternatif.
À noter enfin que la promulgation de la SPD-6 s’inscrit dans une dynamique globale de rapprochement entre les secteurs nucléaire et spatial. Elle fait suite à l’adoption en août 2019 d’un décret présidentiel sur l’utilisation de l’énergie nucléaire dans les systèmes spatiaux, à l’intégration du DoE au sein du National Space Council et à la signature d’un Memorandum of Understanding (MoU) entre ce dernier et la NASA en octobre dernier. Ce MoU prévoit notamment la mise en place de trois groupes de travail entre les deux agences au sujet :
- Des infrastructures lunaires
- Du recours à l’énergie et à la propulsion nucléaire
- Des sciences et de l’innovation