Conférence TAMEST 2020 – Les enjeux de l’innovation au Texas

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Hébergée du 7 au 9 janvier 2020 à Dallas, la conférence annuelle de l’Académie de Médecine, Ingénierie et Science du Texas (TAMEST) ciblait la thématique « Innovating Texas – Research to Commercialisation« .

TAMEST (The Academy of Medicine, Engineering & Science of Texas) est un organisme à but non lucratif regroupant les trois académies nationales américaines, à savoir l’Académie nationale de médecine (NAM), l’Académie nationale d’ingénierie (NAE) et l’Académie nationale des sciences (NAS). Fondée en 2009, sa vocation est de rassembler les principaux acteurs de la recherche et de l’innovation au Texas dans l’objectif de promouvoir l’excellence de leurs travaux et favoriser la collaboration multilatérale.Retour ligne automatique
L’édition de 2020 fut présidée par Amelie Ramirez, Chaire du département de santé des populations à l’University of Texas Health Science Center de San Antonio, et Bob Metcalfe, Professeur d’innovation et d’entreprenariat à l’Université du Texas à Austin, tous deux siégeant au board de la direction.Retour ligne automatique
La conférence s’est articulée autour de sessions de présentation, de séances plénières, et de temps de réseautage et de présentation de posters.

Participants

Ce grand rassemblement totalise plus de 300 membres majoritairement issus du milieu académique – John Sharp, Chancellor du Texas A&M University System, Gregory L. Fenves, directeur de l’Université du Texas à Austin, ou Huda Y. Zoghbi, professeure au Baylor College of Medicine, pour ne citer qu’eux – et dans une moindre mesure, des groupes industriels parmi lesquels l’équipementier éponyme Texas Instruments, General Motors ou encore Dell.Retour ligne automatique
Même si TAMEST reste une organisation non-gouvernementale, plusieurs agences fédérales (NSF, NIH, United States Patent and Trademark Office) étaient de la partie. L’US Army, incarnée par le Commanding General John M. Murray à l’occasion de la cérémonie d’ouverture, a dressé l’état des lieux de la recherche et l’innovation scientifique au Texas, mettant en avant la récente implantation du siège de l’Army Futures Command à Austin en 2019 et de la construction actuelle de son centre de recherche dédié à College Station.Retour ligne automatique
La diversité des institutions et de leurs représentants a permis à cette onzième édition du TAMEST d’aborder le sujet de l’innovation sous différentes perspectives, mêlant à la fois recherche fondamentale, transfert technologique, et commercialisation.

Commanding General John M. Murray, responsable du Army Futures Command et Amelie Ramirez, membre du comité de direction du TAMEST

Thématiques

Le gaz de schiste au Texas

Géant économique de l’or noir dès le début du siècle dernier, l’état du Texas est un acteur majeur des énergies pétrolières et gazières, en particulier sur la côté du Golfe du Mexique (avec les villes de Houston, Corpus Christi ou Beaumont) et l’intérieur des terres (bassin Permien, basin Est et Forth Worth). La production pétrolière et gazière des Etats-Unis augmente depuis la dernière décennie supplantant désormais les exportations de Russie et d’Arabie Saoudite. Ce phénomène est majoritairement imputable à l’emploi de la technique de fracturation hydraulique des schistes (gas fracking). Retour ligne automatique
Lors de sa présentation intitulée “The power of the Permian and the shale revolution”, le Président de Pioneer Natural Resources, Scott D. Sheffield, a présenté l’impact de cette méthode sur l’économie américaine. D’un aspect technique, la fracturation hydraulique est un exemple intéressant de transfert technologique pour la commercialisation. Son émergence date des années 1990, une époque où les productions de pétrole et de gaz étaient en déclin dans le pays. Une dizaine d’année a été nécessaire afin de l’intégrer aux systèmes d’exploitation plus conventionnels. En particulier, S. Sheffield a souligné son utilisation dans le bassin Permien, gigantesque réserve pétrolifère de 220 000 km² en exploitation, d’où étaient extraits près de 3,8 millions de barils par jours en 2018. Les groupes pétroliers exploitent ainsi plus de 4000 puits dans cette zone, dont certains atteignent jusqu’à 3,2 kilomètres en forage horizontal. Retour ligne automatique
Contrairement à d’autres pays producteurs, comme la Russie ou le Mexique, les ressources contenues dans le sol des Etats-Unis n’appartiennent pas à l’état mais au propriétaire du terrain. Dans ce sens, explique S. Sheffield, le secteur pétrolier américain dispose de plus de flexibilité pour innover sur les techniques d’extraction. En somme, l’utilisation de la fracturation hydraulique est un véritable moteur de l’économie des Etats-Unis, et lui assure une relative indépendance énergétique vis-à-vis du reste du monde. Retour ligne automatique
Il est cependant nécessaire de relativiser les volumes de pétrole et gaz extraits face aux capacités de raffinage nationales (en particulier, la synthèse d’essences et de gazole à destination du marché automobile) qui reste encore dépendant de pays étrangers.

Un état à la pointe du biomédical

Le Lone Star State se démarque également par son investissement dans la recherche biomédicale. Houston abrite en effet le Texas Medical Center (TMC), l’un des plus larges complexes hospitaliers au monde, et développe son potentiel de structures dédiées à l’innovation et à la recherche translationelle (plus de détails sur l’article de janvier 2019). Le UT Southwestern Medical Center de l’agglomération Dallas-Fort Worth, bien que plus discret sur le plan national, compte pas moins de sept prix Nobels parmi ses alumnis.

Lors de son intervention « Advancing Science, Discovery and Therapeutics in Cancer Care« , Peter W.T. Pisters a pris pour exemple le MD Anderson Cancer Center – dont il est le directeur – pour illustrer les passerelles entre la recherche académique et l’industrie biomédicale. Retour ligne automatique
L’institut se donne pour mission d’éliminer le cancer sous toutes ses formes – jusque dans son logo où le mot cancer est barré – et place la recherche clinique comme une priorité. Sur ce dernier point, l’hôpital se positionne comme un leader mondial sur la recherche du microbiome et en immunothérapie – notamment avec le prix Nobel décerné à James Allison en 2018 pour ses travaux sur l’inhibition des Lymphocytes T. En moyenne, 1,6 publication à haut facteur d’impact est produite chaque jour par le MD Anderson. Retour ligne automatique
Outre la qualité de la recherche, P. Pisters souligne les liens forts qui existent avec le milieu industriel : un total de 51 partenariats bilatéraux ont été amorcés depuis 2013, avec des sociétés comme AstraZeneca, Berck ou Bristol-Myers Squibb, et qui ont mobilisé près de 475 millions de dollars en essais cliniques et traitements.Retour ligne automatique
L’interaction à l’échelle fédérale permet également d’établir des plateformes pour faciliter la recherche translationnelle, à l’instar du Cancer Moonshot Initiative ou du CPRIT :

  • Le Cancer Prevention and Research Institute of Texas (CPRIT) est un organe de subvention exclusif à l’état du Texas. Son action repose sur l’attribution de bourses aux centres de recherche en cancérologie. Depuis sa création en 2007, le CPRIT a subventionné une somme cumulative de 2,17 milliards de dollars (dont, 20% ont bénéficié au MD Anderson, et 20 autres au UT Southwestern Medical Center). Il s’agit là d’un levier stratégique pour la recherche au Texas. Dans les faits, il constitue la deuxième source de financement en oncologie aux Etats-Unis, devant le National Cancer Institute – l’une des branches du NIH. Retour ligne automatique
    Ce financement s’agence selon trois catégories de support : 10% des sommes allouées le sont pour la prévention (1,3 millions de dépistages ont été réalisé depuis 2007), le reste étant alloué à la recherche académique et au développement de produits. Retour ligne automatique
    Si cela permet aux différents hôpitaux de mener plus d’études en local, c’est avant tout un moyen pour le Texas d’attirer des chercheurs et des sociétés d’autres états. En témoigne le cas du Prix Nobel James Allison, initialement professeur à la Weill Cornell Graduate School of Medical Science de New York. Ainsi, depuis 2007, trente-quatre entreprises du secteur biomédical ont pu bénéficier d’un soutien du CPRIT, et onze d’entre elles se sont relocalisées au Texas. Retour ligne automatique
    L’image du CPRIT se dessine de plus en plus dans le paysage médical, et le renouvellement de son budget a été récemment validé à hauteur de 3 milliards de dollars sur dix ans.
  • Lancé en 2016 par l’administration Obama, le Cancer Moonshot initiative est un programme voté par le Congrès en 2016 visant à financer le développement de nouvelles therapies à hauteur de 1,8 millard de dollars sur une période de sept ans. Retour ligne automatique
    Selon le Centre de Démographie du Texas, la population de l’état doublera d’ici 2050 – majoritairement dans les grandes agglomérations comme Houston, San Antonio et Dallas-Fort Worth – et posera de sérieux enjeux en matière de santé publique. De fait, pour le MD Anderson, le Moonshot constitue un véritable cheval de bataille car il permet de financer les projets qui n’ont pas reçu de soutien de la part du National Institute of Health (NIH). Retour ligne automatique
    Il représente un outil supplémentaire pour la coopération avec les partenaires industriels, en ciblant plusieurs projets flagships (cancer du poumon, du pancréas, des seins, cancers HPV, mélanomes et lymphomes de type B). Retour ligne automatique
    Ainsi l’hôpital s’est engagé avec Takeda Pharmaceutical dans un accord bilatéral dont l’objectif est de développer la thérapie cellulaire CAR NK (utilisée contre certains lymphomes), plus pratique à mettre en œuvre et plus économique que le traitement conventionnel CART-T.
Madame le Professeur Huda Zoghbi, du Baylor College of Medicine (au centre). A ses côtés, Micheal Brown et Joseph Goldstein, partageant le Prix Nobel de médecine 1985

Le soutien de l’état dans le transfert technologique

La conférence TAMEST accueillait également des représentants d’agences fédérales, comme la National Science Foundation (NSF) ou le National Institute of Health (NIH), l’occasion de détailler leurs actions – à l’échelle nationale – pour le transfert technologique.Retour ligne automatique
Dans le domaine de la santé, le NIH supporte l’innovation au travers du Small Business Education and Entrepreneurial Development (SEED), une branche dont le directeur Matthew McMahon était présent. Retour ligne automatique
Ce bureau vise à faire émerger de nouvelles technologies (dispositifs médicaux, traitements, méthodes de diagnostic) en finançant des projets et en les accompagnants vers l’étape finale de la commercialisation. Ciblant essentiellement les petites structures comme les start-ups ou PME, l’aide du NIH sert avant tout à réduire les risques de développement, inhérents au secteur privé, et se dote pour cela d’un budget de 41 milliards de dollars pour l’année 2020.

L’agence centralise ces efforts au travers de deux catégories d’installations : les NIH Centers for Accelerated Innovations (NCAI, fondés en 2013) et les NIH Research Evaluation and Commercialization Hubs (REACH, fondés en 2015), aux nombres respectifs de trois et huit sur le territoire américain. Retour ligne automatique
De facto, ces centres d’innovation sont les points névralgiques d’un vaste réseau de partenariats public-privés facilitant l’accès à plus de 92 institutions – telles que la Food & Drug Administration (FDA) ou le Centers for Medicare and Medicaid Services (CMS). Les entreprises soutenues bénéficient par exemple de conseils en gestion de projet, de ressources pour la formation de personnel ou de subventions directes pour des études cliniques.Retour ligne automatique
C’est le cas de la jeune compagnie Windmill qui a pu, en 2019, bénéficier d’une bourse et d’un programme d’accélération de neuf mois à Austin pour le développement de leur appareillage d’assistance cardiovasculaire.Retour ligne automatique
Sur une période de cinq ans, pas moins de 269 projets ont reçu l’aide du NCAI ou du REACH, parmi lesquels 59 ont abouti à la création d’une société spin-off.

Autre acteur présent, la National Science Foundation basée à Washington DC en charge du financement de la recherche et du développement. Sa vocation première est de financer la recherche à l’échelle nationale, toutes disciplines confondues. Par exemple, l’agence avait financé en 2018 la mise en chantier du supercalculateur universitaire le plus puissant au monde, à l’Université du Texas à Austin.Retour ligne automatique
Le budget de l’agence pour 2020, approuvé très récemment, atteindra 3,8 milliards de dollars, soit 2,5% de plus que pour l’exercice 2019. Une augmentation qui peut sembler paradoxale dans le climat de reductions budgétaires de l’administration Trump, mais qui s’explique par son aspect stratégique – en particulier l’institution de 10 Big Ideas sensées maintenir le pays en tête dans la compétition technologique mondiale. Retour ligne automatique
Andrea Belz, directrice de la division Industrial Innovation and Partnerships de la NSF, est chargée du transfert technologique vers le milieu commercial. Elle part du constat simple, selon lequel le moteur de la croissance économique réside en majeure partie chez les jeunes entreprises, plus à même de focaliser leurs activités sur des produits innovants, en rupture de technologie. Les écueils : elles se heurtent à des difficultés pour attirer des capitaux et nombre d’entre elles échouent au bout de quelques années.

A la manière du NIH, la National Science Foundation base donc son soutien sur des partenariats public-privés, en favorisant l’accès aux stages et formations en entreprise pour les étudiants (programme INTERN), en facilitant la gestion de la propriété industrielle pour les petites entreprises, ou plus généralement, en subventionnant directement les sociétés en développement. Les programmes Small Business Innovation Research (SBIR) et Small Business Technology Transfer (STTR), à l’initiative du Congrès, mobilisent annuellement 200 millions de dollars de subventions.

Bilan

La conférence TAMEST est unique au Texas, tant dans son format que dans son envergure. TAMEST parvient à réunir la plupart des acteurs clé de la recherche, de l’éducation et du développement au Texas. Ce rendez-vous annuel permet ainsi de faire le point sur les différents enjeux et points forts de l’état, tout en facilitant les rencontres et les échanges d’idées.

La prochaine édition prendra place à San Antonio le 20 et 21 janvier 2021, et portera le thème du Community Health & Well Being

L’académie organisera également un sommet dédié aux catastrophes naturelles (2020 Natural Hazard Summit) divisé en deux parties : Retour ligne manuel
- La Texas Tech University à Lubbock abordera les problématiques de la sécheresse, des vents et des tornades le 3 juin 2020 Retour ligne manuel
- L’Université de Houston abordera quant à elle les ouragans, les inondations et les feux de forêts le 20 octobre 2020


Rédacteur : Retour ligne automatique
Olivier Tardieu, Attaché adjoint pour la science et la technologie, [email protected]

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