Retour sur la perte de la charge utile classifiée Zuma : quelles perspectives pour les activités de SpaceX avec la Défense ?

Pour son premier vol de l’année 2018 SpaceX était chargée de la mise en orbite, le 7 janvier dernier, de la charge utile classifiée Zuma, destinée à une agence fédérale non rendue publique, avec un Falcon 9 depuis le pas de tir 40 à Cap Canaveral. Après plusieurs jours d’incertitudes, la thèse de la perte totale de l’engin, estimé à un voire plusieurs milliards de dollars, est désormais largement admise.
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La perte de la charge utile Zuma

Pour son premier vol de l’année 2018 SpaceX était chargée de la mise en orbite, le 7 janvier dernier, de la charge utile classifiée Zuma, destinée à une agence fédérale non rendue publique, avec un Falcon 9 depuis le pas de tir 40 à Cap Canaveral. Après plusieurs jours d’incertitudes, la thèse de la perte totale de l’engin, estimé à un voire plusieurs milliards de dollars, est désormais largement admise. L’engin, qui devait rejoindre une orbite basse, ne se serait pas séparé comme prévu de l’adaptateur le fixant au deuxième étage du lanceur, ce problème occasionnant la perte de l’engin qui se serait abîmé dans l’océan Indien. A noter que le U.S. Strategic Command du Pentagone, lequel est notamment responsable de la surveillance des objets en orbite, n’avait pas ajouté d’engin spatial au registre de suivi après le lancement.
Le premier étage du lanceur a été récupéré après le vol.

Du fait du caractère hautement confidentiel de la mission, ni les autorités américaines, ni les principaux industriels impliqués, à savoir Northrop Grumman – contractant principal du satellite et responsable du choix du service de lancement – et SpaceX, n’ont été en mesure de livrer des détails sur cette perte. Si Northrop Grumman n’a fait aucun commentaire officiel, SpaceX, par l’intermédiaire de sa présidente et cheffe de l’exploitation Gwynne Shotwell, a pour sa part clamé haut et fort que le Falcon 9 avait fonctionné de façon nominale et que le manifeste du Falcon 9 restait inchangé, se déchargeant de toute responsabilité. La Défense semble accréditer, au moins officieusement cette thèse, le général John Thompson, commandant le Space and Missile Systems Center de los Angeles ayant déclaré qu’au vu des télémesures et sur la base des informations disponibles, il n’y avait aucune raison de remettre en cause la certification du lanceur Falcon 9.

En l’absence d’informations officielles sur les causes de cet échec, la presse a en particulier relevé les points suivants :

  • SpaceX avait retardé le lancement de l’engin, initialement prévu pour la mi-novembre 2017, afin d’étudier des données issues de tests effectués sur une coiffe destinée à un autre client.
  • L’adaptateur n’était pas l’adaptateur standard proposé par SpaceX, mais un adaptateur fourni par Northrop Grumman.

Soutien sans faille des clients commerciaux de SpaceX

Si SpaceX a été le premier pointé du doigt dans la couverture médiatique initiale du lancement Zuma, la société d’Elon Musk a rapidement pu compter sur le soutien de ses clients commerciaux. L’opérateur luxembourgeois SES, a maintenu le lancement de son satellite GovSat-1 (le lancement a été effectué avec succès le 31 janvier). Space Systems Loral a annoncé que le satellite Hispasat 30W-6, dont le lancement est prévu à bord d’un Falcon 9 pour la mi-février, avait été transféré à Cap Canaveral. Accusant dans un premier temps Northrop Grumman d’être à l’origine de l’échec de la mission avant de revenir sur cette affirmation – fondée sur aucune preuve objective mais induite par « processus d’élimination » -, le directeur général d’Iridium a également défendu les performances sans faille du Falcon 9 dans cette mission (à ce jour SpaceX a lancé quatre grappes de satellites Iridium Next).

Le Congrès s’empare du dossier

Une session classifiée aurait été organisée au Congrès (aucune information n’en a filtré).

Lors de l’audition organisée le 17 janvier par la sous-commission Espace de la Chambre sur le programme Commercial Crew de la NASA, les interrogations des autorités américaines sur le respect des exigences de sécurité en matière de vol habité pour le lanceur Falcon 9 et du calendrier de développement du Crew Dragon, ont entretenu un certain sentiment de suspicion vis-à-vis de la société SpaceX. En ouverture de la séance, Brian Babin (républicain, Texas) s’est demandé quel pourrait être l’impact de l’échec de la mission Zuma sur le lancement du télescope TESS en mars prochain (prévu avec un Falcon 9).

Le Sénat a été le théâtre de déclarations plus tranchées : Richard Shelby (républicain, Alabama) à la tête de la commission chargée des appropriations de la NASA, a déclaré que la perte de l’engin apportait de nouvelles interrogations sur SpaceX. Le vice-président de la sous-commission Mo Brooks (républicain, Alabama), a lui aussi mis en doute la fiabilité du Falcon 9 dans le cadre de la mission Zuma, rappelant les échecs du Falcon 9 survenus en juin 2015 (échec au lancement) et septembre 2016 (explosion au sol). Le sénateur Bill Nelson (démocrate, Floride), ex-astronaute et premier membre démocrate de la commission pour le Commerce, la Science et les Transports, a pour sa part déclaré peu après le lancement ne voir aucune raison à ce jour de remettre en cause la participation de SpaceX aux programmes de la NASA.

Perspectives pour SpaceX en matière de lancements en lien avec la sécurité nationale

Deux ans après avoir obtenu de l’Air Force la certification du Falcon 9 pour le lancement de satellites militaires en mai 2015, SpaceX a à ce jour effectué ses premières missions de sécurité nationale avec les lancements par Falcon 9 du satellite espion NROL-76 et de l’avion spatial X-37B respectivement en mai et septembre dernier.

Le carnet de commande de SpaceX dans le domaine de la Défense comporte à ce jour deux contrats : lancement d’un satellite GPS 3 à bord du Falcon 9 et celui du satellite technologique STP-2 à bord d’un Falcon Heavy, programmé pour le premier semestre 2018, avec comme charges utiles axillaires : LightSail, le nano-satellite Prox-1 GPIM, la Deep Space Atomic Clock, six satellites COSMIC-2 et le satellite ISAT.

L’Air Force a publié le 31 janvier un nouvel appel d’offres dans le cadre du programme Evolved Expendable Launch Vehicle (EELV) Launch Services, pour le lancement des satellites suivants : National Reconnaissance Office Launch (NROL)-85, NROL-87, SILENTBARKER, Space-Based Infrared System Geosynchronous Earth Orbit (SBIRS GEO)-5, et Air Force Space Command (AFSPC)-44. Les réponses sont attendues pour le 16 mars, les contrats afférents étant susceptibles d’être passés dès la de fin d’année 2018.

Après le succès magistral du vol inaugural du Falcon Heavy le 6 février (cf. note Falcon Heavy), salué par un concert de louanges de l’ensemble de la communauté spatiale américaine, SpaceX apparaît aujourd’hui bel et bien un concurrent redoutable d’ULA (avec son Atlas V et son Delta IV) pour les lancements en lien avec la sécurité nationale.

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