Le National Space Council : considérations historiques et perspectives

Partie intégrante du Bureau exécutif du président, le National Space Council est un organe dont la mise en place et l’activation effective relèvent de la présidence des Etats-Unis.
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Partie intégrante du Bureau exécutif du président, le National Space Council est un organe dont la mise en place et l’activation effective relèvent de la présidence des Etats-Unis.
L’existence d’un tel organe était prévue dès 1958 au travers du texte de fondation de l’agence spatiale américaine. Sa restauration a été effectuée par le président Trump le 30 juin 2017.

Le présent document se propose d’apporter un éclairage historique sur cet organe, ainsi que sur les organes préexistants depuis la création de la NASA en 1958 jusqu’à nos jours. Il présente ensuite les premières réactions de la communauté spatiale américaine, et identifie quelques sujets majeurs qui pourraient constituer des axes de réflexion de cette entité.

De la création à la restauration du National Space Council

Le National Aeronautics and Space Council (1958-1973)

En 1958, le National Aeronautics and Space Act (acte de naissance de la NASA) prévoyait la mise en place d’un National Aeronautics and Space Council afin de coordonner la politique spatiale entre le secteur civil et celui de la sécurité nationale. Présidé par le président des Etats-Unis, ses membres comprenaient : « the secretaries of State and Defense, the NASA Administrator, the chair of the Atomic Energy Commission, and up to four additional members appointed by the president, one from the executive branch and three from outside the government ».
Toutefois, pour aborder les questions spatiales, le président Eisenhower (mandat : 1953-1961) a privilégié un recours à son Bureau exécutif (Executif Office of the President – EOP), plus précisément au sein de la National Security Council.

Quelques mois après son élection, le Président Kennedy (mandat : 1961-1963) a demandé que le Congrès procède à une révision relative à la composition du National Aeronautics and Space Council, à savoir que le vice-président en occupe la présidence et que la nomination des quatre membres supplémentaires par le président ne soit plus d’actualité. Cette révision a été actée par le Congrès et validée par le Président Kennedy le 25 avril 1961. Après avoir connu une importante activité en avril et mai 1961, dans le cadre de la réflexion sur les priorités spatiales nationales, avec in fine la décision de poser un Américain sur la lune, cet organe s’est quelque peu essoufflé jusqu’à être supprimé par le président Nixon (mandat : 1969-1974) en 1973, en même temps que l’Office of the Science Advisor.

Le conseil « inter-agence » de Reagan (1981-1989)

Durant son mandat, le président Carter (mandat : 1977-1981) a mis en place un groupe de conseil spatial au sein du Office of the Science Advisor que le président Ford (mandat : 1974-1977) avait restauré. Sous la présidence de Reagan (mandat : 1981-1989), un Senior Interagency Groups (SIG) avec une section spatiale (SIG Space) a été établi en 1982 au sein du National Security Council. Se voulant un véritable conseil « inter-agence » traitant de problématiques transversales, il comprenait des représentants du : « National Security Council (chair), Department of Defense, Department of State, Department of Commerce, Department of Transportation, Central Intelligence Agency, Arms Control and Disarmament Agency, NASA, Office of Science and Technology Policy (non voting), Office of Management and Budget (non voting) ». Non convaincu par l’efficacité de cette structure, le Congrès (notamment les membres de la commission pour le Commerce, la Science et le Transport) ont plaidé auprès du président, toutefois en vain, pour le rétablissement d’un organe spécifique indépendant à l’image du National Aeronautics and Space Council établi par Bush (cf. infra).

La création par George H. W. Bush du National Space Council (1989-1993)

Le président George H. W. Bush (mandat : 1989-1993) a répondu favorablement aux demandes du Congrès, établissant par décret en avril 1989 le National Space Council, présidé par le vice-président des Etats-Unis, avec pour membres : « The Secretary of State, The Secretary of the Treasury, The Secretary of Defense, The Secretary of Commerce, The Secretary of Transportation, The Director of the Office of Management and Budget, The Chief of Staff to the President, The Assistant to the President for National Security Affairs, The Assistant to the President for Science and Technology, The Director of Central Intelligence, and The Administrator of the National Aeronautics and Space Administration, […],The Chairman of the Joint Chiefs of Staff, and The heads of other executive departments and agencies and other senior officials in the Executive Office of the President ».

Du fait de sa composition, le National Space Council a acquis un caractère décisionnaire renforcé. De fait, à ses débuts, il a été reconnu au National Space Council le sauvetage de deux programmes spatiaux en difficulté : le Landsat remote sensing program (programme spatial d’observation de la Terre) et le National Aerospace Plane (projet de lanceur orbital monoétage).

Le décret présidentiel attribuait au National Space Council cinq prérogatives :

  • examiner la politique spatiale américaine et ses grandes orientations sur le long terme ;
  • développer une stratégie nationale des activités spatiales ;
  • proposer des recommandations au Président sur la politique spatiale américaine et ses enjeux ;
  • suivre et coordonner la mise en place des objectifs présidentiels de politique et de stratégie spatiales ;
  • promouvoir la coopération, la coordination et la communication entre les secteurs spatiaux civil, militaire et commercial.

La feuille de route politique Space Exploration Initiative (SEI) présenté en juillet 1989 par le Président George H. W. Bush a été à l’origine d’un différend entre le National Space Council et la NASA, l’administrateur de cette dernière souhaitant que l’agence reste focalisée sur les programmes en lien avec la navette spatiale et la Station spatiale internationale. Le Congrès critiqua également le National Space Council pour ce qu’il estimait être une absence de concertation et de fait une perte de pouvoir.

Résultats des organisations créées par George W. Bush et Barack Obama (1993-2009)

Le National Space Council établi par le président George H. W. Bush est resté en place jusqu’à l’arrivée de Bill Clinton au pouvoir (mandat : 1993-2001), lequel a cependant préféré s’appuyer pour les questions spatiales sur une équipe réduite au sein d’un bureau chargé des questions scientifiques.

George W. Bush (mandat : 2001-2009) a souhaité mettre en place un « conseil inter-agence » à travers le Policy Coordinating Committees (PCCs) intégré au National Security Council similaire au Senior Interagency Groups de l’administration Reagan. La section Space PCC consacrée au spatial avait pour mandat le développement de la politique spatiale nationale, notamment dans les domaines de la télédétection, de la navigation, des lancements et de l’exploration Ce groupe de travail, dirigé par le Director for Space Policy, se heurta aux mêmes problèmes que l’instance mise en place sous l’administration Reagan : absence d’autorité décisionnaire, filtrage à plusieurs niveaux des propositions avant d’arriver au président.

S’écartant des recommandations du Independant Assessment Panel on the Organization and Management of National Security Space, le président Obama (mandat : 2009-2017) n’a pas rétabli le National Space Council, préférant s’inscrire dans la continuité de son prédécesseur en nommant un Director for Space Policy au sein du National Security Council pilotant un groupe de travail sur le spatial. Après 18 mois de travaux, ce dernier a publié la National Space Policy, la révision de la politique nationale en matière de transport spatial (novembre 2013, lors du deuxième mandat présidentiel), et une révision non-achevée de la politique en matière de télédétection commerciale.

La restauration par Donald Trump du National Space Council (2017)

Restauré par décret, le National Space Council est placé sous l’autorité du vice-président des Etats-Unis Mike Pence. Scott Pace, l’actuel directeur du Space Policy Institute de l’Université George Washington, a été nommé par l’administration pour exercer la fonction de secrétaire exécutif (National Space Council Executive Secretary). Se voulant un véritable « conseil inter-agence », le National Space Council est composé du vice-president des Etats-Unis et de représentants de différents ministères et agences : « The Secretary of State, The Secretary of Defense, The Secretary of Commerce, The Secretary of Transportation, The Secretary of Homeland Security, The Director of National Intelligence, The Director of the Office of Management and Budget, The Assistant to the President for National Security Affairs, The Administrator of the National Aeronautics and Space Administration, The Director of the Office of Science and Technology Policy, The Assistant to the President for Homeland Security and Counterterrorism, The Chairman of the Joint Chiefs of Staff, and The heads of other executive departments and agencies (agencies) and other senior officials within the Executive Office of the President, as determined by the Chair ».

Le décret présidentiel instaure également un User’s Advisory Group (à rapprocher du Space Policy Advisory Board rapportant au NSC de 1989-1993) destiné à représenter le secteur privé (The Council shall convene a Users’ Advisory Group (Group) pursuant to Public Law 101-611, section 121, composed of non-Federal representatives of industries and other persons involved in aeronautical and space activities).

Le National Space Council de l’administration Trump est en charge :

  • d’examiner la politique spatiale américaine et ses grandes orientations sur le long terme ;
  • de développer une stratégie nationale des activités spatiales ;
  • de proposer des recommandations au Président sur la politique spatiale américaine et ses enjeux ;
  • de suivre et de coordonner la mise en place des objectifs présidentiels de politique et de stratégie spatiales ;
  • de promouvoir la coopération, la coordination et la communication entre les secteurs spatiaux civil, militaire et commercial ;
  • de se tenir informé des activités spatiales internationales menées par le Gouvernement des Etats-Unis ;
  • de faciliter la résolution des différends relatifs aux questions majeures en lien direct ou indirect avec l’espace.

Les réactions de la communauté spatiale

Les participants à la cérémonie de signature de la restauration du National Space Council à la Maison Blanche

De nombreuses personnalités étaient présentes à la Maison Blanche le 30 juin 2017 pour la signature du décret restaurant le National Space Council. Parmi les politiques, la présence de ténors républicains de la Chambre des Représentants au commande ou membres des différentes commissions traitant du spatial constituent un soutien notable à la décision du président Trump. Cependant, aucun représentant de la NASA n’était présent à la cérémonie, ni Robert Lightfoot, administrateur par intérim de la NASA, ni Jim Bridenstine, Représentant républicain candidat au poste d’administrateur de l’agence spatiale américaine.
Le secteur privé était représenté par des personnalités issues de grands groupes « historiques » contractants de l’Etat.
Enfin, la présence d’anciens astronautes dont Buzz Aldrin et la représentante de la Coalition for Deep Space Exploration (CDSE) témoigne de l’importance que l’Exécutif porte à l’exploration habitée de l’Univers.

Les déclarations

Les déclarations des dirigeants politiques

Durant la cérémonie de signature du décret de restauration du Nation Space Council, le président Trump a indiqué que sa décision était un signal envoyé au reste du monde sur la restauration du rôle de chef de file des Etats-Unis dans le secteur spatial, des propos appuyés par le vice-président Mike Pence qui assurera la présidence du conseil. Donald Trump a précisé que : « Le National Space Council sera un pivot central de la politique spatial au sein de l’administration. J’entends m’appuyer sur lui pour conseils, informations et recommandations dans mes actions. ». Il a en outre souligné l’enthousiasme des dirigeants industriels à participer au User’s Advisory Group, dont la composition sera établie ultérieurement au travers de consultations conduites par Pence et lui-même.

Lors d’un discours au centre spatial Johnson le 7 juin 2017, Mike Pence a mis en avant l’intérêt de poursuivre l’exploration de l’Univers et pour ce faire, effectuer les réorientations politiques nécessaires. C’est en ce sens que le président Trump a affirmé que l’exploration de l’Univers était essentielle à l’économie et à la sécurité nationale du pays.

Début juillet, Mike Pence a exposé ce que devraient être les grandes lignes prioritaires de la politique spatiale américaine que l’administration souhaite impulser : retourner sur la Lune, aller sur Mars, explorer des lieux jusque-là inimaginables, maintenir une présence constante en orbite basse et au-delà, et mettre l’accent sur l’exploration humaine de l’Univers et au-delà du système solaire. Pour ce faire, le Vice-président entend réviser la politique spatiale actuelle et ses objectifs de long terme. Il veut coordonner les activités spatiales américaines avec la sécurité nationale, le commerce, l’exploration et bien d’autres. La réussite de ce projet n’est envisageable que par la coopération, la coordination, la technologie et l’échange d’informations entre tous les acteurs et secteurs concernés par l’activité spatiale : les agences fédérales, la défense, les chercheurs et les dirigeants du secteur privé.

Dans un communiqué officiel, Robert Lightfoot, administrateur par intérim de la NASA, a rappelé que le National Space Council fut un organe ayant guidé l’agence spatiale américaine depuis ses débuts en 1958. Sa restauration ne pouvait que contribuer à atteindre les nombreux objectifs ambitieux du pays. La réunion des divers aspects de la puissance américaine était un gage de la mission d’intérêt général du National Space Council. En écho aux propos du président Trump, il a souligné l’importance que revêtait l’exploration de l’Univers pour l’économie et la sécurité nationale des Etats-Unis.

Les déclarations d’anciens membres de l’Exécutif

Mark Albrecht, directeur exécutif de la National Space Council de 1989 à 1992, a souligné que l’agenda du conseil serait important et très chargé pour ses débuts : « from rationalizing space launch, to fully integrating new privatized and commercial space capabilities into all national space activities, to fielding new and dominant space deterrence and warfighting capabilities and doctrine ».

Ben Roberts, membre de l’Office of Science and Technology Policy (OSTP) sous la présidence de Barack Obama, a relevé que l’absence de directeur à la tête de l’OSTP et le non-remplacement du personnel ayant quitté cette entité, donnaient de facto un rôle singulier au National Space Council.

La présidence de Mike Pence du National Space Council a également été saluée par Peter Marquez, ex-Directeur de la politique spatiale au sein du National Security Council, et Richard DalBello, employé sur les questions spatiales au sein de l’OSTP de l’administration Clinton et Obama. Ils voient en la désignation du vice-président à la tête du conseil un gage de l’importance et de l’autorité dont pourra jouir l’organe.

Les déclarations de groupements d’intérêts

La décision de Donald Trump a aussi été saluée par Alan Stern, Président du conseil d’administration de la Commercial Spaceflight Federation, qui y voit un acte déterminant pour l’exploration de l’Univers. Il a précisé vouloir représenter et défendre la voix des industries commerciales spatiales et des scientifiques au sein du User’s Advisory Group. Eric Stallmer, Président de la Commercial Spaceflight Federation, a pour sa part indiqué que travailler avec le National Space Council allait permettre de mettre en avant l’importance et l’innovation que le secteur commercial spatial apporte à la communauté spatiale. Alan Stern, tout comme John Logsdon, professeur émérite à l’Université de George Washington en histoire spatiale et analyste politique, ont souligné que la restauration du National Space Council, rendait nécessaire la nomination rapide d’un administrateur à la tête de la NASA.

Présente à la cérémonie, Sandy Magnus, Directrice de l’American Institute of Aeronautics and Astronautics, a souligné l’effort de l’administration Trump de consolider l’entreprise spatiale américaine. Elle y voit l’opportunité de mettre en place une approche stratégique intégrée au projet spatial américain.

Quels sujets à traiter en priorité ?

James E. Dunstan, fondateur de Mobius Legal Group et membre éminent de TechFreedom, considère que la première priorité du National Space Council doit être d’identifier les obstacles réglementaires actuels qui ralentissent les activités innovatrices du secteur privé spatial, lesquelles vont jusqu’à contraindre les sociétés américaines à se délocaliser à l’étranger où la réglementation leur est plus favorable.

Berin Szoka, Président de TechFreedom, estime que le National Space Council ne sera effectif dans sa mission de révision de la politique spatiale américaine que s’il est indépendant des agendas des autres agences de l’administration. Il faut donc que le personnel du National Space Council lui soit propre afin de mener librement les réformes nécessaires aux politiques ayant jusque-là freiné les activités entrepreneuriales des sociétés portées vers l’exploration lointaine de l’espace. Cette dernière ne peut être atteinte que grâce au secteur privé si les législations relatives à la réglementation de l’activité spatiale commerciale (exemple : l’exploitation minière) sont effectives. L’administration américaine ne doit pas voir les sociétés privées comme de la concurrence, a-t-il précisé.

Le représentant Brian Babin, Président de la sous-commission Espace, a indiqué que le National Space Council devrait se concentrer sur la problématique de la fourniture des données météorologiques au gouvernement américain, tant pour les besoins civils que militaires :

  • après l’annulation du programme NPOESS (National Polart-Orbiting Environmental Satellite System) en 2010, interrogations sur la suite du programme Polar Follow On de la NOAA ;
  • questionnements sur la pérennité des données à destination de la Défense, notamment en matière d’imagerie des théâtres d’opération, du fait des multiples incidents survenus sur les satellites de la série DMSP ;
    Par ailleurs, le représentant républicain a aussi appelé à une évaluation générale des moyens de lancement américain, incluant l’Evolved Expendable Launch Vehicule (EELV), les programmes Commercial Cargo et Commercial Crew de la NASA et le Space Launch System (SLS). Si les exigences du Département de la Défense et de la NASA sont différentes, ce qui justifie le besoin de véhicules spatiaux différents, il n’en demeure pas moins que des activités peuvent bénéficier d’une meilleure coordination entre les deux agences, comme par exemple les lanceurs de microsatellites.

Il a également estimé que les programmes de service satellitaire Restore-L de la NASA et Robotic Surviving of Geosynchronous Satellites (RSGS) de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency) pourraient bénéficier d’une meilleure coordination.
Brian Babin a souligné l’importance de la surveillance de l’espace (Space Situational Awareness), indiquant que le rôle des entités publiques telles que le DoD, la FAA ou la NASA, sans oublier le secteur privé, devait être réétudié.

Annexe : Presidential Executive Order on Reviving the National Space Council

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