Le Special Competitive Studies Project (SCSP) est une initiative bipartisane lancée par l’ancien PDG de Google et coordinateur de la NSCAI (National Security Commission on Artificial Intelligence), Eric Schmidt, sur le modèle du Special Studies Project dirigé par Kissinger pendant la « guerre froide ». Ce groupe a pour objectif de produire des recommandations pour l’Etat fédéral visant à renforcer la compétitivité américaine à long terme, dans l’hypothèse où l’IA et les autres technologies émergentes auraient une forte influence sur la sécurité nationale, l’économie et la société. Il s’agit notamment d’assurer que les Etats-Unis conservent leur leadership dans la compétition mondiale qui a débuté.
Le SCSP organisait le 16 septembre à Washington DC le Global Emerging Technology Summit pour présenter les fruits des travaux de ce groupe, publiés quelques jours auparavant dans un rapport (Mid-Decade Challenges to National Competitiveness).
La conférence inaugurale, donnée par le National Security Adviser Jake Sullivan, donnait le ton en présentant la stratégie de l’administration actuelle en matière de technologies émergentes : celles liées à l’informatique (quantique, IA, conception algorithmique), aux biotechnologies (dont celles relatives au code génétique) et celles liées à la production d’énergie propre.
Cette stratégie américaine et la vision volontariste qui en découle sont parfaitement cohérentes avec l’ensemble des interventions de plusieurs personnalités et qui ont ponctué la rencontre : Nancy Pelosi, Condolezza Rice, Henry Kissinger et d’autres figures politiques américaines, ainsi que des représentants de gouvernements alliés, Israël, Ukraine, UE, … Mais cette stratégie n’est pas toujours en phase avec celle de l’UE qui, quant à elle, insiste sur l’importance de la règlementation, notamment en matière d’intelligence artificielle (AI Act), ce qui est apparu lors d’un échange avec la Vice-Présidente du Parlement européen, Madame Eva Kaili.
Plusieurs panels associant des personnalités politiques, scientifiques, entrepreneurs, spécialistes des services de renseignement et responsables militaires, cherchaient à prévoir les évolutions en matière de géopolitique (changement d’équilibre et rôle de la Chine, enseignement de la guerre en Ukraine sur le rôle de la technologie), de démocratie (diffusion de l’information, régulation des réseaux sociaux), d’innovation (en particulier importance de saisir son rôle stratégique), celle des plateformes technologiques (notamment l’importance de leur développement pour permettre aux startups de concevoir des outils ; quatre secteurs représentés : fusion nucléaire, plateformes biotech, semi-conducteurs spécialisés et IA) et, enfin, en matière de guerre (intérêt américain pour les innovations technologiques développées par l’Ukraine dans le contexte actuel).
Ce Sommet, tout comme de nombreuses rencontres organisées ces derniers mois à Washington, montre l’importance stratégique qu’accordent les Etats-Unis aux progrès dans les technologies émergentes et à leur insertion dans une vision stratégique de plus en plus offensive. La volonté affichée de mieux impliquer les pays alliés peut constituer une opportunité pour les coopérations dans ces secteurs.
Xavier Bressaud, Attaché pour la Science et la Technologie, Washington DC, <[email protected]>