Les entreprises FluroSat et Dagan, spécialisées en sciences végétales et en santé des sols, ont joint leurs forces pour lancer Regrow, startup visant à fournir aux industries des solutions en agriculture résiliente. Cette décision a été publiée le 22 février. Anastasia Volkova, fondatrice de FluroSat, devient ainsi la directrice exécutive de Regrow. Son objectif, déclare-t-elle à AFN (AgFunder Network) dans cet article, est de centraliser au sein d’une seule plateforme les services permettant à l’agriculture résiliente de gagner en ampleur, en proposant des outils de mesure et vérification de la santé et du carbone des sols. La fusion donne naissance à une nouvelle organisation combinant les services de gestion agricole basée sur les données que FluroSat proposait et la technologie de modélisation biogéochimique des sols de Dagan.
Cette nouvelle plateforme souhaite répondre à la demande du secteur de l’agroindustrie, qui, à tous les niveaux de la chaine de production, souhaite mobiliser des outils de support à la décision facilitant l’adoption de pratiques d’agriculture régénérative (c’est-à-dire durable et résiliente). En regroupant ces outils au sein d’une seule plateforme, Regrow fournirait à ses utilisateurs, les agriculteurs et ranchers, un accompagnement complet, visant in fine à augmenter leur productivité et générer des cobénéfices environnementaux comme la séquestration carbone, la réduction du lessivage du nitrogène, et l’amélioration de la qualité de l’eau. L’entreprise apparait comme pionnière dans la nouvelle génération d’agriculture digitale, exploitant des données agronomiques d’excellence, couplées à des processus d’apprentissage machine et une connaissance des sciences des sols, pour créer des solutions à mettre en oeuvre au niveau du champ.
Une approche scientifique rigoureuse et accessible
Les produits vitrines développés par FluroSat et Dagan, comme OpTIS (Operational Tillage Information System) ou DNDC (Denitrification-Decomposition), vont être récupérés par Regrow afin d’être améliorés et proposés à de nouveaux acteurs de l’agroindustrie. OpTIS et DNDC sont deux outils interdépendants. OpTIS est une technologie de télédétection des sols applicable à différents aspects du champ (diversité des cultures, labour de conservation et couvertures végétales), se basant sur des données publiques issues des sols des champs de maïs américains de la Corn Belt. DNDC a lui été développé pour simuler les cycles de carbone et nitrogène dans cette zone.
Volkova précise à AFN avoir ciblé Dagan pour sa rigueur scientifique, et pour la complémentarité de ses approches en modélisation et évaluation par rapport aux intérêts stratégiques de FluroSat. La méthode utilisée par Dagan a en effet été approuvée par des acteurs comme Bayer, General Mills et ESMC (Ecosystem Services Market Consortium). ESMC, consortium à but non lucratif, regroupe une soixantaine d’acteurs privés oeuvrant au développement de l’agriculture regénérative. Son approche est de donner aux agriculteurs, acteurs perçus comme critiques dans la lutte contre le changement climatique, les outils clés en main pour mettre en oeuvre des pratiques favorisant la santé des sols. La directrice exécutive d’ESMC, Debbie Reed, accueille avec enthousiasme l’approche scientifique utilisée par Regrow, qu’elle qualifie de « premier système basé sur la science intégrant et appliquant la rigueur et l’adaptabilité nécessaires aux producteurs pour obtenir des résultats mesurables et monétisables tout en leur permettant une certaine flexibilité dans la gestion des opérations ».
Mesure, suivi, et évaluation du carbone séquestré
Regrow offrira aux producteurs, investisseurs et entreprises de l’agribusiness des outils de mesure, suivi et évaluation (méthode MRV) leur permettant de jauger de l’évolution de leur performance, en utilisant des indicateurs de soutenabilité en lien avec les objectifs visés. Ces outils peuvent aussi faciliter la prise de décision nécessaire au déblocage des flux financiers requis pour atteindre les niveaux fixés, en identifiant clairement les stratégies nécessaires sur site. Plusieurs entreprises de l’agroindustrie utilisent déjà la plateforme MRV proposée par la startup.
La vision promue par Regrow fait la part belle à la séquestration carbone, considérée comme une stratégie globale pertinente pour réduire les quantités de CO2 présentes dans l’atmosphère. Parmi les perspectives de Regrow figure en effet le marché naissant des crédits carbones. Si les contours des standards sur ce marché ne sont pas encore définitivement clairs et que leur définition peut prendre un certain temps, Regrow se donne pour mission d’appuyer dès maintenant les entreprises dans l’évaluation de leurs performances, en vue de les monétiser en temps voulu. A ce sujet, Anastasia Volkova souligne le besoin du secteur pour la mise en place d’incitations économiques et environnementales favorisant l’adoption universelle et le changement d’échelle des pratiques d’agriculture résiliente. Un des objectifs de Regrow est de produire des estimations des volumes de carbone séquestré ainsi que d’autres bénéfices environnementaux issus des activités de ses clients, tout en quantifiant les incertitudes de ces pratiques, toujours dans une optique de pénétration du marché du carbone. La startup souhaite proposer une approche d’excellence transparente, fiable et précise, afin d’augmenter la confiance des acteurs dans les pratiques d’agriculture résiliente.
L’appui de Microsoft
FluroSat a été fondé en 2016 en Australie par Volkova. En 2018, l’entreprise a acquis la plateforme d’agriculture digitale ProductionWise, appartenant alors à GrainGrowers, le plus puissant groupe de producteurs de céréales d’Australie. FluroSat n’a cessé de grossir et a levé environ 8,6 millions de dollars en fonds propres, dont les recettes issues d’une campagne menée en 2019 par le Fonds de capital-risque M12 géré par Microsoft.
Le jour du lancement de Regrow, Ranveer Chandra, scientifique en chef de l’unité Cloud Computing chez Azure Global (Microsoft), a déclaré que le modèle informatique agricole promu par la startup, basé sur la modélisation scientifique et l’apprentissage machine, permettra d’améliorer la précision des mesures de carbone dans les sols, rapprochant ainsi les agriculteurs des marchés carbone.
Rédactrice : Juliette Paemelaere, Chargée de mission coopération scientifique INRAE, [email protected]