Les véhicules électriques au cœur de la lutte contre le changement climatique
Actuellement, les transports sont la plus grande source d’émission de gaz à effet de serre aux Etats-Unis et la 4ème dans le monde. Un des axes majeurs de lutte contre le changement climatique est le passage des véhicules à essence aux véhicules électriques (EV). Pourtant, en 2020, les EV ne représentaient que 4% des nouvelles ventes. Ce chiffre a plus que doublé en deux ans pour atteindre 13% en 2022. Cette tendance s’accentue grandement et la part de nouveaux véhicules électriques devrait passer à 30% en 2030.
La raison principale de cette transition est liée aux politiques publiques mises en place dans les pays développés pour répondre aux enjeux climatiques, notamment avec les objectifs de neutralité carbone à différents horizons. Par exemple, l’Etat de New York et la Californie ne produiront plus que des voitures zéro-émissions d’ici à 2035 et d’autres Etats devraient leur emboîter le pas, comme le Massachusetts, le Connecticut, le Maine, le Rhode Island, le Vermont, et le New Jersey. Côté européen, dix Etats ont déjà légiféré à ce sujet (voir figure ci-après). Les États fédérés devraient aussi mettre en place des subventions pour encourager l’achat de voitures électriques. Au total, ces lois devraient faire baisser de 62% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040, et faire économiser 13 milliards de dollars en dépenses de santé aux Etats-Unis.
Par voie de conséquence, les industriels adaptent leurs capacités de production et toute la chaîne logistique. On assiste d’ailleurs à la naissance de géants du recyclage de métaux nécessaires à la production de batteries, comme Redwood ou Li-cycle aux USA, qui peuvent aider à répondre à la demande en matériaux (cobalt et lithium principalement). Il est estimé qu’en 2035, il faudra environ vingt fois la production actuelle de lithium pour répondre aux besoins des batteries des véhicules électriques. L’évolution à la hausse du marché de l’industrie automobile entraîne la diminution automatique des prix des voitures électriques, qui reste l’argument principal lors de l’achat d’un véhicule. Cependant, malgré les amortissements liés à la maintenance moins coûteuse et un prix au kilomètre plus favorable pour l’électrique, une métrique plus intéressante est le coût « upfront » à l’achat, auquel est sensible le consommateur en premier lieu, et qui reste en faveur des véhicules conventionnels pour l’instant. Mais les analystes s’échinent à déterminer quand la parité entre les voitures à essence et les voitures électriques interviendra. L’estimation généralement retenue est 2035.
Un autre rapport du MIT Energy Initiative suggère un changement de paradigme plus tardif, surtout à cause des problématiques liées aux batteries lithium-ion. En effet, la tendance sur les prix des batteries, qui constituent le tiers du prix de la voiture, est à la baisse depuis plusieurs années. Cependant, cette baisse devrait s’arrêter, atteignant la valeur limite du prix des matériaux bruts qui les composent. L’industrie minière étant une industrie mature, les prix stagneront. D’ici là, la baisse sera atténuée par une augmentation de la demande qui se reflètera sur les prix. Pour l’instant, les batteries coûtent $175 à $300 par kWh, et on estime que cela va descendre à $124 avant la stabilisation. Par conséquent, la parité est conditionnée par des évolutions de rupture technologiques concernant le mode de stockage de l’énergie et des évolutions fortes sur l’autonomie des batteries (ce qui ne devrait pas intervenir avant 2030), ou encore par une politique d’incitation et des subventions plus fortes que prévu pour maintenir les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. A priori, les efforts devront plutôt être faits sur la production d’électricité verte : par exemple en Virginie de l’Ouest, un Etat qui tire principalement son énergie du charbon, les véhicules électriques polluent autant que les voitures à essence. En effet, la recharge du véhicule provient alors d’une électricité très carbonée qui pollue plus que le plein d’essence.
Très probablement, les batteries auront un rôle central à jouer dans la lutte contre le changement climatique, à la fois vis-à-vis de la gestion de leur cycle de vie et de leur utilisation dans les véhicules électriques.
RISC-V chips
Prononcez « risque cinq » ou en anglais « risk five ». Depuis les premiers développements de la microélectronique et surtout d’Internet, certains outils utilisés quotidiennement n’ont pas toujours été libres de droit, comme le Wi-Fi, l’USB, Ethernet, les PDF… Pour ces outils, on parle maintenant de standards ou de technologie open-source, ce qui permet leur utilisation sur des supports de différents fournisseurs sans problèmes de compatibilité. Un phénomène de standardisation important est en train d’intervenir avec le microprocesseur RISC-V. Grâce à une « base » normée, il devient possible de personnaliser la puce pour répondre spécifiquement aux besoins de l’utilisateur. A ce jour, 10 millions de puces de ce genre ont déjà été vendues, mais pas moins de 60 milliards devraient l’être en 2025. Tout un écosystème dédié s’est formé, et le géant industriel Intel a monté un fonds de 1 milliard de dollars quasiment entièrement dédié à RISC-V avec pour objectif de renforcer l’adoption de cette solution et son industrialisation. En plus du fonds, Intel a investi 20 milliards de dollars dans un complexe d’usines dédiées à la production de puces électroniques, annoncé comme étant « the largest silicon manufacturing location on the planet ». Cela s’inscrit dans une politique publique américaine très favorable qui pousse en faveur d’une réappropriation du marché des semi-conducteurs avec notamment le récent CHIPS Act, qui promet 280 milliards de dollars de subventions pour soutenir ce marché. L’objectif de cette loi est de revenir dans la compétition avec Taïwan, la Corée du Sud et bientôt la Chine en matière de production de semi-conducteurs. C’est une aubaine pour les fabricants car le marché est immense et grandissant.
Ce qui avait fait la une en 2022
Deepmind et AlphaFold
Aujourd’hui, un médicament a une chance sur dix de passer les essais cliniques et d’atteindre le marché. Cela prend en moyenne dix ans pour un coût de 2 milliards de dollars. Pour découvrir et produire des médicaments plus efficaces, il est important de s’assurer que les molécules actives interagissent de la bonne manière avec les protéines ciblées. Or les protéines sont constituées d’une chaîne enroulée d’acides aminés, et les interactions entre les atomes qui les composent créent des nœuds donnant une forme caractéristique à la protéine. Il est par conséquent très difficile de prévoir de manière computationnelle la forme de celles-ci. DeepMind, entité d’Alphabet, la maison-mère de Google, avait développé AlphaFold, une IA capable de prédire les structures des protéines avec une excellente précision en des temps records, ce qui ouvre la voie à une production de médicaments bien plus ciblée. Ces technologies pourraient permettre de réduire de manière conséquente les processus de mise sur le marché. Les récents progrès en matière de deep learning laissent entrevoir un brillant avenir pour DeepMind et leur spin-off Isomorphic Labs. En 2022, la startup a surtout recruté pour son management et son Scientific Advisory Board, qui se compose maintenant de quatre Prix Nobels. On peut légitimement penser que l’on entendra à nouveau parler de Isomorphic Labs dans un futur proche.
Les réacteurs de fusion
Le MIT s’est intéressé évidemment à sa startup locale Commonwealth Fusion Systems (CFS), issue du MIT Plasma Science and Fusion Center (PSFC), qui avait atteint un palier intéressant en septembre 2021 en levant un verrou technologique important sur les aimants supraconducteurs. Mais c’est du côté du Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL) sur la côte Ouest que l’actualité a eu lieu durant l’année 2022 : ce laboratoire national a réussi à passer le cap symbolique du break-even, le moment où plus d’énergie a été produite que consommée, grâce à une technologie, différente que celle utilisée au MIT avec sa startup CFS et en Europe avec le projet ITER, qui repose sur l’utilisation d’un tokamak, chambre de confinement magnétique en forme de tore (ou de doughnut, “beignet américain”) dans laquelle un plasma est chauffé à plus de 150 millions de degrés. Pour plus d’informations sur ce développement majeur : Percée historique au Lawrence Livermore National Laboratory.
REFERENCES :
- Data de l’United States Environmental Protection Agency (EPA)
- https://insideclimatenews.org/news/01092022/california-just-banned-gas-powered-cars-heres-everything-you-need-to-know/
- http://energy.mit.edu/research/mobilityofthefuture/
- https://theicct.org/ice-phase-outs/
- Fact sheet : Catalyzing the Risc-V Ecosystem
- More about the Ohio Intel chip manufacturing plant
- L’article du MIT concernant AlphaFold
- L’article du MIT concernant les réacteurs de fusion
REDACTEURS :
Alexandre Bécache, Chargé de mission scientifique au Consulat Général de France à Boston, [email protected]
Jean-Philippe Nicolaï, Attaché scientifique au Consulat Général de France à Boston, [email protected]