Portrait de Christine Leroux
Dans le cadre de la Journée Internationale des droits des Femmes du 8 mars, centrée cette année sur leur contribution au travail d’adaptation climatique (voir communiqué UN Women ici), l’antenne nord-américaine d’INRAE s’entretient avec des chercheuses françaises de l’Institut impliquées dans des collaborations avec les Etats-Unis.
Christine Leroux est directrice de recherches à INRAE dans l’Unité Mixte de Recherche sur les Herbivores (UMRH) du Centre Auvergne-Rhône Alpes, et travaille notamment avec l’Université de Californie à Davis avec Pr. J. Bruce German et Pr David A. Mills, du Département pour la Science et la Technologie en Alimentation. Sa collaboratrice rapprochée à INRAE est Fabienne Le Provost, de l’Unité Mixte de Recherche en Génétique Animale et Biologie Intégrée (GABI).
L’Université de Californie à Davis (UC Davis) est un partenaire stratégique d’INRAE en Amérique du Nord, avec 184 publications co-signées entre 2015 et 2019, soit 46 en moyenne par an. Il s’agit de la première institution américaine avec laquelle INRAE co-publie, l’URMH en tête. Un accord-cadre visant à promouvoir les collaborations scientifiques entre ces deux institutions de recherche ayant été signé en mai 2020, le projet de Christine et Fabienne s’inscrit dans la lignée de ces efforts sur le plan international et fait suite à une collaboration amorcée il y a plusieurs années.
L’UMRH est co-pilotée par les départements PHASE (Physiologie Animale et Systèmes d’Elevage) et ECOSOCIO (Economie et sciences sociales pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), tandis que GABI appartient au département GA (Génétique Animale).
Christine Leroux et Fabienne Le Provost travaillent ensemble sur la régulation des teneurs en microARN dans le lait de ruminants ainsi que sur leur rôle sur les santés humaine et animale, et collaborent avec une équipe scientifique de l’UC Davis. Ils travaillent ainsi sur la production de nouvelles données sur les mécanismes d’action des microARN (acide ribonucléique), notamment grâce à une étude pilote sur le microbiote intestinal. L’équipe souhaite s’appuyer sur ce projet pour répondre à des appels d’offre issus par exemple de l’Agence nationale de la recherche ou bien des Instituts de Santé américains (National Health Institutes). Leur projet de recherche a été retenu par INRAE pour l’intérêt stratégique du sujet et bénéficie d’un soutien institutionnel fort côté français comme américain.
Présentation
Originaire de Normandie, Christine Leroux a réalisé ses études universitaires à Caen puis à Orsay (Paris XI). Elle a terminé son cursus par un doctorat à l’INRA de Jouy-en-Josas dans l’unité qui deviendra l’unité de recherche en Génétique Animale et Biologie Intégrée (GABI). Le sujet de sa thèse portait sur la caractérisation du polymorphisme du gène de la caséine alphaS1 (une des 6 protéines majeures du lait), son effet sur la synthèse de cette protéine ainsi que son exploitation pour la mise en place d’une procédure de génotypage moléculaire chez la chèvre. Elle a ensuite été recrutée en 1992 en tant que chargée de recherche, dans la même unité, pour poursuivre l’étude des effets de ce polymorphisme sur la synthèse des constituants du lait. Après cette étude de génétique moléculaire, elle a souhaité élargir son expertise et aborder une autre facette cruciale de la régulation de la synthèse des constituants du lait en demandant sa mobilité du département de Génétique Animale vers le département de Physiologie Animale et Système d’Elevage (PHASE) dans l’Unité Mixte de Recherches sur les Herbivores (UMRH) pour aborder des études de nutrigénomique (relation nutrition/gènes) de la glande mammaire de ruminants en relation avec la qualité nutritionnelle du lait.
Après deux mandats de responsable d’équipe adjointe puis deux mandats de responsable de l’équipe « Alimentation-Génomique-Lactation » dans cette unité, elle a souhaité accroître ses connaissances sur la qualité nutritionnelle du lait. C’est dans ce cadre qu’elle a sollicité une mise à disposition de deux ans à l’Université Californienne de Davis dans le laboratoire du Pr. J. Bruce German et David A. Mills, au Département de Science et Technologie Alimentaire, dont la reconnaissance internationale n’est plus à démontrer. Lors de cette première mission, un projet de « Paire de champions » a été initié entre elle et ses collaborateurs américains, en collaboration avec Fabienne Le Provost (unité INRAE GABI à Jouy-en-Josas). De retour en France, Christine a poursuivi ses travaux et a pu, au travers de l’accord-cadre entre INRAE et UC Davis, demander une nouvelle mission longue durée afin de renforcer la collaboration entre les deux organismes, faisant ainsi le trait d’union entre les différentes unités impliquées.
Quel a été son parcours pour arriver à ce poste ?
C’est au cours de son parcours universitaire que Christine a découvert sa passion pour la génétique moléculaire et a réorienté sa formation dans ce domaine. Son premier modèle d’étude sur le polymorphisme de la caséine alphaS1 mettant à jour des régulations d’expression de gènes complexes et fascinants l’a conforté dans son choix de carrière. Ces régulations présentant de multiples facettes, c’est tout naturellement qu’elle a souhaité élargir ses travaux passant de la régulation génétique à la régulation nutritionnelle de l’expression génique. L’avènement des approches dites globales d’étude de génomique expressionnelle a très rapidement éveillé son intérêt pour la compréhension du fonctionnement des cellules pouvant synthétiser et sécréter le lait. C’est en collaboration avec Fabienne que Christine a initié des travaux sur les microARN (petits ARN non-codants) dont le rôle de régulateurs de nombreux processus biologiques a attiré leur attention. Leur intérêt pour le rôle dans la glande mammaire ne s’est pas arrêté là puisque ces petits ARN se retrouvent dans le lait. Or, le lait est le constituant majeur de l’alimentation du nouveau-né et sa consommation se poursuit lors de la croissance des enfants mais aussi bien souvent à l’âge adulte. C’est le rôle de ces microARNs dans la qualité nutritionnelle du lait pour le nouveau-né qui a suscité la collaboration avec le Pr J. Bruce German.
Existe-t-il des différences au niveau de la représentation des femmes dans la science dans les milieux scientifiques français et américains, notamment entre INRAE et UC Davis, où les thématiques de diversité et d’inclusion sont centrales (label Egalité à INRAE par exemple) ?
Pour Christine, la représentation des femmes et leur égalité dans la science est un sujet qui préoccupe tant UC Davis que INRAE. La mixité des genres est une richesse qu’il est important de préserver mais ne doit pas non plus être le prétexte à la participation de femmes dans différentes instances mais c’est bien leurs qualités et compétences qui doivent être prises en compte. Autrement dit, le recrutement d’une femme ne doit pas répondre exclusivement à l’égalité numérique entre les genres.
Dans quelles mesures la crise sanitaire actuelle a-t-elle impacté les recherches, et particulièrement les collaborations internationales ?
« La crise sanitaire a fortement affecté et continue d’affecter la recherche à différents niveaux. Les expérimentations ont dû être repoussées, les échanges internationaux ralentis par l’arrêt des voyages de travail que cela soit pour des congrès ou pour des réunions de travail. A l’inverse, des dispositifs collaboratifs à distance ont été développés et deviennent usuels. Cela étant les échanges à distance sont parfois moins fructueux qu’en présentiel. Enfin, toutes les démarches administratives ont vu leur délai de traitement s’allonger de manière considérable et n’ont pas facilité la reprise des activités internationales. Le coût financier de cette crise a également affecté la recherche notamment à l’UC Davis ».
Quelles sont ses perspectives pour la suite (en termes de position, sujets de recherche, expérimentations) ?
« La reprise des activités et un retour quasi à la normale des échanges internationaux vont permettre le démarrage du projet commun avec notamment la mission longue durée de 2 ans de Christine à l’UC Davis, soutenue en cela par l’INRAE et plus particulièrement par le département PHASE. Cette mission sera certes l’occasion d’initier ce projet « paires de champions » mais aussi de renforcer et d’élargir les collaborations entre INRAE et l’UC Davis. La poursuite des travaux initiés sur les effets des microARN du lait sur la santé des nouveau-nés et des adultes est un défi qu’il faut relever et sans nul doute que la collaboration entre INRAE et l’UC Davis sera un atout pour y parvenir ».
Quel serait le conseil à donner aux jeunes doctorantes qui souhaitent se lancer dans la recherche dans les STEM (Science, Technology, Engineering, and Mathematics) ?
« La recherche est une profession difficile notamment pour les femmes qui doivent à la fois assurer une vie professionnelle et personnelle mais c’est une vie passionnante et cela vaut la peine de s’accrocher. Il faut toujours garder une large ouverture d’esprit et ne pas hésiter à sortir des sentiers battus et à changer d’environnement pour élargir ses compétences. »
Témoignage recueilli par Juliette Paemelaere, Chargée de coopération scientifique INRAE, [email protected]