A l’approche des élections présidentielles l’administration Trump vient de confirmer des évolutions importantes de la gouvernance de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) :
- David Legates devient le sous-Secrétaire Adjoint au Commerce de la National Oceanic and Atmospheric Administration pour l’observation et la prévision environnementales. Climatologue et professeur en géographie à l’université du Delaware, il rapporterait directement à l’administrateur intérimaire de la NOAA, Neil Jacobs.
- Ryan Maue remplace Craig McLean au poste de Chief Scientist en charge de coordonner les activités de recherche de la NOAA. Ryan Maue était précédemment chercheur et développeur du site weathermodels.com qui produisait du contenu météorologique pour les professionnels.
Une institution stratégique mais au coeur de quelques controverses
La NOAA a été fondée en 1970 comme un service du Département du Commerce des Etats-Unis. Disposant d’un budget annuel de 5,35 milliards de dollars, elle est l’agence américaine chargée des recherches sur l’océan et l’atmosphère. A ce titre, elle supervise les services de prévisions météorologiques et gère de nombreux satellites d’observations et autres grands instruments. Le Bureau de la recherche finance et coordonne de multiples projets en modélisation météorologique et climatique, d’étude de la résilience côtière, d’exploration océanique, de suivi des pêches et autres sujets.
La politique d’intégrité scientifique de la NOAA vise à veiller à la qualité et à l’objectivité des résultats et analyses publiés mais également à prévenir toute interférence politique dans la conduite et la communication des travaux de recherche. On se souviendra que le 10 septembre 2019, Craig McLean, chief scientist, avait notamment valorisé l’intégrité des experts de la NOAA en contredisant par un courrier les commentaires du président Trump concernant la trajectoire de l’ouragan Dorian. Dans ce courrier interne, il opposait la “science excellente” qui alimentait les prédictions d’évolution de l’ouragan réalisée par les experts de la NOAA, au message du président qui se basait sur “des facteurs extérieurs, des considérations de réputation ou apparence ou tout simplement politique”.
La nomination de deux climato-sceptiques à des postes clés
- David Legates est un climatologiste de l’Université du Delaware qui a régulièrement pris position contre le consensus scientifique sur la réalité du changement climatique. Rappelé à l’ordre par le gouverneur du Delaware en 2007, il avait dû abandonner sa position de climatologue de cet Etat en raison de sa position en faveur du développement des énergies fossiles, attestant que l’augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère n’était en aucun cas corrélée à leur utilisation . Il a par ailleurs contribué au think-tank Heartland Institute, qui publie un rapport annuel intitulé “Climate Change Reconsidered” au sein duquel le “Nongovernmental International Panel on Climate Change”, composé de 50 membres, s’attelle à infirmer les conclusions du GIEC.
- Ryan Maue était auparavant chercheur associé au Cato Institute, un groupe de réflexion libertaire qui oeuvre également à la remise en cause du consensus scientifique sur le changement climatique d’origine anthropique. Adoptant une position moins radicale que David Legates, il ne nie pas le rôle de l’activité humaine dans le changement climatique mais oeuvre activement à en nuancer son importance par de nombreuses interventions sur son compte Twitter qui possède une audience d’environ 100 000 abonnés. Dans un article paru sur E&E News le 29 mai 2019, il critique l’attention donnée à une discipline scientifique émergente, qui vise à établir un lien entre les événements critiques observés et le changement climatique (attribution studies), dans lequel il affirme que le réchauffement climatique sera contenu dans la plage basse des prévisions du GIEC, c’est-à-dire autour de 1,5 degrés Celsius. En juin 2018, Ryan Maue publiait une étude remettant en cause une modélisation climatique datant de 1988 de la NASA, afin de dénoncer un alarmisme de la communauté scientifique en sciences du climat. Il s’est également insurgé contre le Gouverneur Démocrate de Californie Gavin Newsom qui, dans le contexte des élections présidentielles, soutiendrait que les incendies de forêts sont la conséquence de la politiqueclimatique de l’administration Trump.
La communauté scientifique et politique désapprouve ces nominations
La procédure administrative ne donnant pas au Congrès voix au chapitre, aucune discussion sur ces décisions n’est à prévoir et les nouveaux agents prendront leurs fonctions après une vérification standard de leurs antécédents.
Dans une lettre ouverte publiée le 24 septembre 2020, 80 démocrates s’adressent au Secrétaire du Commerce Wilbur Ross et à l’administrateur intérimaire de la NOAA Neil Jacobs afin de manifester leur désapprobation. Ils rappellent les positions adverses de David Legates et Ryan Maue vis-à-vis des sciences climatiques et pressent la NOAA de publier un plan garantissant le maintien de l’intégrité scientifique dans ses travaux de recherche. Ils mettent en exergue le rôle fondamental joué par l’agence dans le maintien d’une recherche indépendante au regard de l’immense menace que représente le changement climatique pour la société américaine.
Par ailleurs, la communauté scientifique critique elle-aussi vivement ces nominations. En particulier Jane Lubchenco, ancienne directrice de la NOAA sous l’administration Obama, qui questionne la nomination de David Legates.
Autre exemple, Andrew Dessler, professeur de sciences atmosphériques et climatiques à l’université Texas A&M, déclare sur Twitter : « Normalement, lorsque des personnes sont choisies pour occuper des postes de haut niveau en rapport avec le changement climatique, j’en ai entendu parler. Je n’ai aucune idée de qui est cette personne. Je soupçonne qu’il possède la seule et unique qualification nécessaire pour ce poste : une volonté de faire avancer l’agenda des négationnistes du climat ».
Rédacteurs : Stéphane Raud, Attaché pour la Science et la Technologie, Washington DC
Julien Bolard, Attaché adjoint pour la Science et la Technologie, Washington, DC