Bulletin d’actualité Espace n°25-02

Bulletin d’actualité rédigé par le Bureau du CNES et Service Spatial de l’Ambassade de France à Washington D.C.
(Lou Valade, Ema Santesso et Antoine Felitti)

 

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L’ESSENTIEL

Le mois de mai a débuté avec la publication très attendue de la requête budgétaire présidentielle pour l’année 2026. Après plusieurs semaines de rumeurs à propos de potentielles réductions des budgets de la NASA alloués aux Sciences, cette requête a permis à l’administration Trump de définir ses priorités en matière de politique spatiale. Alors que le budget global de la NASA connaitrait en l’état une baisse historique de 25%, affectant particulièrement ses programmes de Science de la Terre et Sciences de l’Univers, de nouveaux fonds seraient alloués pour la conquête lunaire et martienne, dans un contexte de compétition affichée avec la Chine. En revanche, de nombreuses composantes du programme Artemis dans son état actuel seraient écartées au profit de solutions commerciales – jugées moins coûteuses et plus efficaces – voire supprimées. Ce projet de restructuration pourrait menacer l’avenir du lanceur SLS, de la capsule Orion et de la station Lunar Gateway, en dépit des accords conclus avec les partenaires internationaux. La requête présidentielle intervient alors que la NASA rencontre déjà des difficultés budgétaires, qui pourraient affecter la bonne conduite des activités de l’ISS. La publication de la requête a déclenché les débuts des travaux des deux chambres du Congrès, qui doivent désormais chacune formuler leurs propositions de budget pour l’année à venir, avant de négocier et voter un texte commun.

Au-delà de la NASA, la Maison Blanche propose de nombreuses réductions budgétaires à travers les différentes agences fédérales, dans l’objectif d’augmenter significativement les dépenses de défense comme l’ambitionnait Donald Trump. Son projet de bouclier antimissile ‘Golden Dome’, estimé à 175 Md$ sur plusieurs années, est un aspect clef des aspirations militaires actuelles de l’administration.

Sur le plan commercial, malgré le troisième échec consécutif de l’amerrissage du Starship, SpaceX continue de monter en puissance dans son développement grâce à une autorisation de la FAA permettant jusqu’à 25 lancements par an, contre 5 auparavant, tandis qu’ULA a placé en orbite avec succès les premiers satellites du Projet Kuiper, dont la constellation devrait atteindre plus de 3000 satellites.

Enfin, ces dernières semaines ont également été marquées par plusieurs départs et nominations dans des positions stratégiques des institutions spatiales américaines.

Bonne lecture !

 

PERSONALIA

Matthew Anderson nominé au poste d’Administrateur adjoint de la NASA

Space News, 7 mai 2025

La Maison-Blanche a proposé la nomination de Matthew Anderson, ancien colonel de l’U.S. Air Force et fervent défenseur de la Space Force, au poste de numéro deux de la NASA. Avec une expérience centrée sur le secteur spatial militaire, sa nomination, transmise au Sénat le 6 mai, a créé la surprise au sein de l’industrie spatiale américaine. Janet Petro, administratrice par intérim de la NASA, a souligné que son profil externe à l’agence pourrait renforcer ses partenariats et son efficacité. M. Anderson a également soutenu publiquement à de multiples reprises Jared Isaacman, dont la nomination en tant qu’Administrateur de la NASA reste en attente de confirmation par le Sénat.

 

Laurie Leshin quitte la direction du JPL

Space News, 9 mai 2025

Laurie Leshin quittera la direction du JPL le 1er juin pour raisons personnelles, après trois ans marqués par des réformes saluées et des défis budgétaires. Elle sera remplacée par David Gallagher, précédemment Associate Director pour l’intégration stratégique au JPL. Elle poursuivra ses activités d’enseignement à Caltech.

 

Kelvin Coleman quitte la Federal Aviation Administration (FAA)

Space News, 28 avril 2025

Kelvin Coleman, Directeur du bureau du transport spatial commercial de la FAA, quittera l’agence via un programme de démission différée visant à réduire les effectifs. En poste depuis 2022, il a supervisé une forte croissance des lancements commerciaux, passant de 23 en 2017 à 157 en 2024. Son départ intervient alors que le secteur critique l’application du règlement Part 450, destiné à simplifier le processus de licences. L’industrie craint que la perte de leaders expérimentés n’aggrave les tensions internes, bien que la FAA assure une transition encadrée.

 

Matthew Lohmeier auditionné pour le poste de sous-secrétaire de l’Air Force

Space News, 1 mai 2025

Matthew Lohmeier, ex-officier de la Space Force nominé au poste de sous-secrétaire de l’Air Force, a été auditionné par le Sénat le 1er mai. Bien que soutenu par le camp républicain, son passé suscite de vives inquiétudes chez les démocrates, en raison de critiques publiques à l’encontre les initiatives de diversité dans l’armée. Lors de son audition, il a affirmé vouloir une armée apolitique et a pris ses distances avec ses déclarations antérieures. Il a également plaidé pour un renforcement des capacités aérospatiales.

 

POLITIQUE ET RELATIONS INTERNATIONALES

La Norvège signe les Accords Artemis

Space News, 15 mai 2025

La Norvège a signé les Accords Artemis le 15 mai, devenant le 55e pays à rejoindre cette initiative en faveur d’une exploration spatiale pacifique et transparente. Cette signature, soutenue par la nouvelle administration américaine, illustre sa volonté de poursuivre la coopération internationale malgré un rythme d’adhésion plus lent qu’auparavant. Pour rappel, ces Accords reposent sur les principes du Traité de l’Espace et favorisent le partage des données scientifiques

BUDGET

Les activités de la NASA et de la NOAA menacées par la requête budgétaire présidentielle pour 2026

Space News, 2, 5 mai 2025

Le vendredi 2 mai, l’Administration Trump a publié sa requête budgétaire pour l’année fiscale 2026, visant à définir le budget des différents départements et agences fédérales. Le budget proposé par la Maison Blanche pour la NASA ne demande que 18,8 Md$ – soit une réduction de près de 25 % par rapport aux 24,9 Md$ alloués actuellement – et se concentre majoritairement sur l’exploration habitée, élevant le budget dédié de 647 M$. Les objectifs affichés sont l’établissement d’une présence lunaire avant la Chine et de réussir à envoyer les premiers humains sur Mars. Le budget total des missions lunaires habitées s’élèverait ainsi à 7 Md$, et 1 Md$ supplémentaire serait consacré aux investissements dans de nouveaux programmes orientés vers l’objectif Mars.

Ces nouveaux financements se feraient au détriment de programmes existants, notamment de la stratégie ‘Moon-to-Mars’ actuelle. Le programme Artemis pourrait subir une coupe de 879 M$, écartant le lanceur SLS et la capsule Orion après la mission Artemis III au profit de solutions commerciales, et supprimant la station Lunar Gateway, proposant de réutiliser ses composants déjà produits lors d’autres missions. La suppression de cette dernière menace les potentiels sièges réservés aux astronautes des partenaires qui avaient fourni des éléments de la Gateway en échange d’opportunités de vol dans le cadre d’Artemis (Europe, Japon, Canada, Emirats arabes unis).

D’autres programmes sont mis en péril par la requête budgétaire 2026. Les sciences de l’Univers sont menacées par une réduction budgétaire de 2,27 Md$, supprimant la mission Mars Sample Return, dont l’avenir était incertain en raison de son coût, le retour des échantillons se ferait désormais lors des premières missions martiennes habitées. Les sciences de la Terre pourraient subir une diminution des moyens alloués de 1,16 Md$, restructurant le programme Landsat Next et supprimant le développement de satellites de surveillance du climat dits « à faible priorité ». Les fonds alloués à l’ISS seraient également réduits de 508 M$, réduisant la taille de l’équipage présent sur la station ainsi que les recherches scientifiques à bord, avec une désorbitation toujours prévue à l’horizon 2030. Le budget aéronautique perdrait 346M$, visant particulièrement les dépensées liées à une « aviation verte », et les investissements dans les technologies spatiales seraient réduits de 531M$, supprimant les projets de propulsion spatiale considérés comme « défaillants ».

La NOAA verrait son budget réduit de 6,3 Md$ à 4,8 Md$ (-24 %), notamment avec -1,31 Md$ pour les opérations et recherches, et -209 M$ pour l’acquisition de satellites.

Au-delà du budget d’un trilliard de dollars annoncé pour la défense, la requête ne contient aucune information publique sur les budgets alloués au Département de la Défense pour les programmes spatiaux.

Le Congrès doit désormais rédiger et examiner ses propres propositions avant d’approuver un plan de dépenses pour le prochain exercice fiscal.

 

Le Congrès envisage une augmentation budgétaire de 150 Md$ pour la défense

Space News, 27 avril et 20 mai 2025

Les présidents des commissions de la défense du Congrès ont présenté un projet de loi visant à augmenter le budget du Pentagone de 150 Md$ pour l’année fiscale 2025, dont 25 Md$ pour le nouveau programme de défense antimissile, nommé Golden Dome, qui devrait représenter au total un investissement de 175 Md$ sur 3 ans. Ce plan porterait les dépenses de défense au-delà de 1 000 Md$ pour 2025. Le Golden Dome, programme critiqué pour son coût et ses risques géopolitiques, viserait à protéger les États-Unis contre les missiles balistiques, hypersoniques et de croisière avancés, notamment via des satellites et capteurs spatiaux. Pour diriger le programme Golden Dome, le président Trump a nommé le général Michael Guetlein, précédemment Chef adjoint des opérations spatiales à l’U.S. Space Force et expert en technologies spatiales et défense.

Le projet est débattu via une procédure budgétaire exceptionnelle. Les démocrates dénoncent une approche partisane et ses impacts potentiels sur les programmes sociaux.

ÉCONOMIE SPATIALE

Les levées de fonds des dernières semaines

Space News, 28 [1], 29 [2], avril 2025 et 14 [3], 15 [4], 19 [5] et 22 [6] mai

  • L’opérateur satellite Spire Global a finalisé la vente de son activité de suivi maritime commercial à la société belge Kpler pour 241 M$, mettant fin aux tensions juridiques liées au retard de cette transaction. L’opération, excluant la flotte de satellites de Spire, a permis à l’entreprise d’éliminer 100 M$ de dettes et d’allouer les fonds restants au développement de ses services météorologiques, aéronautiques, de géolocalisation et de charges utiles hébergées.
  • Le fabricant de satellites Apex a levé 200 M$ lors d’un tour de financement de série C dirigé par les sociétés d’investissements Point72 Ventures et 8VC. Cette levée de fonds soutiendra les efforts d’Apex pour accélérer sa production grâce à l’intégration verticale et à l’augmentation de ses stocks de composants et de plateformes entièrement assemblées. La plateforme satellite Aries d’Apex, déjà opérationnel en orbite, a suscité une forte demande, notamment pour les missions de sécurité nationale.
  • Zeno Power a levé 50 M$ en série B pour accélérer le développement de ses batteries nucléaires destinées aux environnements extrêmes comme l’espace, les fonds marins ou la Lune. Son système RPS (radioisotope power system) convertit la chaleur issue de la désintégration radioactive en électricité, offrant une alternative fiable là où les sources d’énergie classiques échouent. L’entreprise prévoit une démonstration à grande échelle en 2026 et une première livraison commerciale en 2027. Soutenue par la NASA et le DoD, Zeno a déjà obtenu plus de 60 M$ de contrats publics.
  • La startup Solestial a levé 17 M$ en série A pour industrialiser sa production de cellules photovoltaïques en silicium destinées à l’espace. La technologie de Solestial se distingue par sa légèreté, sa résistance aux radiations sans verre de protection, et son coût réduit. Les panneaux ont déjà volé sur cinq satellites, avec une production à grande échelle prévue pour fin 2025.
  • La startup californienne Sophia Space a levé 3,5 M$ pour développer des centres de données modulaires en orbite, destinés notamment au renseignement géospatial et à la gestion des catastrophes. Basée sur la plateforme TILE, leur technologie permet un traitement rapide et économe en énergie directement dans l’espace. Un partenariat avec Axiom Space explore l’utilisation de cette technologie pour le bouclier antimissile Golden Dome.
  • PiLogic a levé 4 M$ pour développer une intelligence artificielle dédiée au diagnostic autonome de satellites. Son logiciel, qui combine données capteurs et principes d’ingénierie, permet de détecter et corriger les défaillances en temps réel. Un premier satellite équipé doit être lancé cette année. Validée avec la NASA, la technologie vise à éviter les pannes critiques, notamment sur les satellites complexes.

 

SÉCURITÉ ET DÉFENSE

Les contrats militaires des dernières semaines

Space News, 23 mai 2025

L’U.S. Space Force a accordé à Raytheon une extension de contrat de 379,7 M$ pour finaliser le système de contrôle OCX, destiné à moderniser la gestion des satellites GPS. Lancé en 2010, ce programme critique accuse plus de huit ans de retard et a vu son coût total atteindre 4,6 Md$. La livraison finale est prévue pour l’automne 2025, avec une mise en service progressive début 2026. OCX promet une cybersécurité renforcée et une compatibilité étendue.

 

Nouvel accord de coopération entre la NGA et la Space Force

Space News, 21 mai 2025

La Space Force américaine et lat signé un accord pour clarifier leurs rôles respectifs dans la fourniture de renseignements spatiaux aux forces armées. L’objectif est d’améliorer la collaboration, d’éviter les doublons et d’accélérer l’accès aux données, notamment via le programme TacSRT qui exploite l’imagerie satellitaire commerciale. Cet accord marque une avancée majeure vers une coopération interagences plus fluide. Les responsables insistent sur la complémentarité des approches plutôt qu’une duplication des capacités existantes, bien que le succès de la mise en œuvre dépendra d’un engagement constant au-delà du cadre formel de l’accord.

 

EXPLORATION

La NASA ne cherche plus de partenaire commercial pour le lancement de VIPER

Space News, 8 mai 2025

La NASA a annulé son appel à partenariats commerciaux pour le lancement du rover lunaire VIPER face au manque de propositions viables. L’agence explore désormais d’autres options pour envoyer le véhicule sur la Lune. Ce revirement fait suite à l’abandon en 2024 du partenariat avec Astrobotic, invoquant des dépassements de coûts et des retards. VIPER, pourtant presque achevé, demeure sans calendrier de lancement. La gestion du projet suscite des critiques au Congrès, notamment sur le manque de transparence de la NASA.

 

SCIENCES DE L’UNIVERS

La NASA continue ses efforts afin de rétablir le contact avec la sonde Lunar Trailblazer

Space News, 2 mai 2025

La NASA poursuit jusqu’à mi-juin ses tentatives pour rétablir le contact avec la sonde Lunar Trailblazer, qui devait rechercher de l’eau glacée sur la Lune mais avec laquelle la NASA a perdu le contact peu après son lancement fin février. L’espoir repose sur une meilleure exposition solaire dans les semaines à venir, qui pourrait recharger ses batteries et réactiver ses communications. Si le contact est rétabli, une évaluation déterminera si une mission scientifique partielle est encore possible. Sinon, la mission sera définitivement close. Ce revers s’ajoute à d’autres difficultés du programme SIMPLEx, visant des missions planétaires à faible coût mais à haut risque.

 

LANCEURS ET SPATIOPORTS

Echec d’un lancement de Firefly transportant des démonstrateurs technologiques

Space News, 29 avril 2025

Un lanceur Alpha de Firefly a dysfonctionné lors d’un lancement le 29 avril, empêchant un démonstrateur satellite LM 400 opéré par Lockheed Martin de se placer en orbite. Le vol s’est bien déroulé jusqu’à la phase de séparation, avec une chute importante de débris : la buse du moteur semblait être gravement endommagée, voire manquante. La phase supérieure a atteint une altitude de 320 kilomètres, mais n’a pas réussi à atteindre une vitesse orbitale suffisante.

 

SpaceX pourra lancer Starship jusqu’à 25 fois par an

Space News, 7 mai 2025

La FAA a autorisé SpaceX à effectuer jusqu’à 25 lancements annuels de Starship depuis sa base de Boca Chica, au Texas, soit cinq fois plus qu’auparavant. Cette décision fait suite à une évaluation environnementale concluant à un impact non significatif, sous réserve de nombreuses conditions, notamment sur les rejets d’eaux usées. Plus de 12 000 commentaires publics ont été recueillis, dont une majorité exprimait des préoccupations. La FAA a modifié certains plans, comme l’exclusion des zones proches d’Hawaï pour les atterrissages en mer. D’autres évaluations similaires sont en cours pour divers sites de lancement de SpaceX.

 

Troisième échec consécutif pour Starship

Space News, 27 mai 2025

Le 27 mai, le lanceur Starship de SpaceX a échoué pour la troisième fois consécutive à effectuer une rentrée contrôlée, en raison d’une perte de contrôle d’attitude causée par une fuite de carburant. Bien que les moteurs aient fonctionné correctement au décollage, le véhicule a dérivé et a été détruit lors de sa rentrée atmosphérique. Plusieurs objectifs de test n’ont pas été atteints et le booster Super Heavy a également été perdu. SpaceX prévoit néanmoins d’accélérer le rythme des vols tests.

 

TÉLÉCOMMUNICATIONS

ULA lance les premiers satellites du Projet Kuiper

Space News, 29 avril 2025

Le 28 avril, ULA, via son Atlas 5, a lancé avec succès les 27 premiers satellites opérationnels du projet Kuiper d’Amazon, visant à fournir un service internet via une constellation de 3 232 satellites. Ce lancement, entouré d’une certaine discrétion, marque une étape clé malgré un retard d’environ un an sur le calendrier prévu. Amazon doit avoir placé la moitié de sa constellation en orbite d’ici juillet 2026 selon les exigences de la FCC. Les futurs lancements se feront principalement via les lanceurs Ariane 6, New Glenn et Vulcan, encore en phase de montée en cadence.

 

STATION SPATIALE INTERNATIONALE ET VOL HABITÉ EN ORBITE BASSE

Les difficultés budgétaires de la NASA menacent les activités de l’ISS

Space News, 20 mai 2025

La NASA fait face à un important déficit budgétaire pluriannuel, aggravé par les coupes prévues dans le budget 2026, ce qui pourrait entraîner une réduction de l’équipage et des activités de recherche sur l’ISS. Le nombre de missions cargo vers la station est déjà en baisse, affectant l’approvisionnement. L’agence envisage de réduire le segment américain à trois astronautes au lieu de quatre. Ces restrictions ne semblent pas compromettre les missions privées comme Ax-4, prévue pour juin, qui enverra quatre astronautes internationaux mener une soixantaine d’expériences.

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