Bulletin d’actualité Espace n°24-13

Bulletin d’actualité rédigé par le Bureau du CNES et Service Spatial de l’Ambassade de France à Washington D.C.
(Nicolas Maubert, Lou Valade et Zacharie Joundy)

 

– Pour consulter la version PDF de ce bulletin, cliquez ici – 

L’ESSENTIEL

Les dernières semaines ont vu la publication de plusieurs évolutions majeures des règlementations spatiales américaines. Attendue depuis plusieurs mois, le Département du Commerce et le Département d’Etat ont dévoilé quatre nouvelles réglementations afin d’assouplir des règles de contrôle à l’export (ITAR/EAR) sur certaines technologies spatiales, permettant aux entreprises américaines d’être plus compétitives. De son côté, la Commission Fédérale des Communications (FCC) a précisé ses règles de partage du spectre de fréquence, en particulier pour les opérateurs de satellites non-géostationnaires. Enfin, l’Administration Fédérale de l’Aviation (FAA) a initié la création d’un comité en charge d’imaginer des solutions pour simplifier sa règlementation encadrant les lancements commerciaux et les réentrées.

Sur le plan de la défense, on observe toujours une forte dynamique dans l’attribution de contrats militaires au secteur privé, avec notamment un contrat de l’U.S. Space Force de 1,8 Mds$ à Northrop Grumman pour la production de deux satellites de détection avancée des menaces balistiques, et un contrat de 733,5 M$ auprès de SpaceX pour neuf lancements dans le cadre du programme National Security Space Launch. Avec un quatrième lancement en cinq mois, le National Reconnaissance Office a déployé un quatrième lot de satellites d’observation, sur Falcon 9.

En matière d’économie spatiale, on notera un certain nombre de rachats d’entreprises : Aerovironment rachète BlueHalo pour 4 Mds$, BlackSky acquiert les parts de Thalès Alenia Space dans LeoStella, Lockheed Martin s’offre Terran Orbital pour 450 M$ et Kpler rachète les activités maritimes de Spire pour 241 M$. Quelques levées de fonds ont aussi été complétée au cours des dernières semaines, notamment la série D de Firefly Aerospace, à 175 M$.

En orbite basse, SpaceX a opéré la mission CRS-31, embarquant une Capsule Dragon de cargo vers l’ISS. L’entreprise a ensuite réalisé avec cette même capsule une manœuvre de rehaussement d’orbite, inédite pour elle, démontrant ainsi les capacités américaines à réaliser la manœuvre et progressant dans le développement du programme de désorbitation de l’ISS. En parallèle, le fabricant de stations spatiales privées Vast a dévoilé l’architecture de sa deuxième génération de station, Haven 2.
Enfin, les Accords Artemis ont accueilli trois nouveaux Etats-membres : le Chili et Chypre les 25 et 27 octobre, puis le Danemark le 13 novembre, portant le total à 48 signataires.

Bonne lecture !

 

PERSONALIA

Carr, Rubio, Musk : implications des premières nominations au gouvernement Trump II pour le spatial

Via Satellite, 18 novembre 2024

Payload, 19 novembre 2024

Le président élu Donald Trump a annoncé la nomination de Brendan Carr à la tête de la Commission Fédérale des Communications (FCC) le 17 novembre. Carr dispose d’une certaine expérience au sein de la FCC : membre depuis 2017, il y est connu pour ses prises de positions libérales et son soutien prononcé aux nouveaux opérateurs de constellations LEO. Il avait notamment vivement critiqué la FCC lorsqu’elle avait annulé le financement de Starlink dans le cadre du Rural Digital Opportunity Fund. Plus récemment, il a appelé au retour de plus compétition sur le secteur des satellites de télécommunications, fustigeant l’approche de la FCC quant aux conditions d’accès au spectre.

Le 13 novembre, Marco Rubio a été nommé Secrétaire d’Etat par le président Trump. Ancien, sénateur républicain de Floride – territoire disposant d’un tissu industriel spatial dense – il a, lors de ses précédentes fonctions, pris un certain nombre d’actions en lien avec le spatial, notamment l’introduction d’une proposition de loi pour augmenter les investissements américains dans les bases de lancements, ainsi que la rédaction d’une lettre à l’Administration Fédérale de l’Aviation (FAA) pour accélérer ses procédures d’obtention de licences de lancement.

De même, la nomination d’Elon Musk, CEO de SpaceX, à la tête d’un Département pour l’efficacité gouvernementale (DOGE) pourrait lui offrir l’opportunité d’influencer la politique gouvernementale concernant les régulations sur les télécommunications satellites ou sur les procédures de la FAA.

 

POLITIQUE ET RELATIONS INTERNATIONALES

Le Chili, Chypre et le Danemark rejoignent les Accords Artemis

Space News, 26 octobre [1], 14 novembre [2] 2024

Après la République Dominicaine et l’Estonie les 4 et 15 octobre, le Chili et Chypre sont devenus signataires des Accords Artemis les 25 et 27 octobre. Aisén Etcheverry, le ministre de la Science Chilien a signé les textes à l’issue d’une cérémonie au siège de la NASA à Washington, D.C. le 25 octobre en présence de Bill Nelson, administrateur de la NASA. Chypre a célébré la signature à Nicosie, en présence d’un représentant du Département d’Etat américain. Trois semaines plus tard, c’est le Danemark qui est devenu le 48ème signataire des Accords Artemis, à l’occasion d’une cérémonie à Copenhague en présence de l’ambassadeur américain et de Bill Nelson, en virtuel.

 

ÉCONOMIE SPATIALE

Les levées de fonds des dernières semaines

Space News, 30 octobre [1], 12 [2] et 13 novembre [3], [4] 2024

Via Satellite, 12 [5] et 14 [6] novembre 2024

  • La start-up Matter Intelligence (Californie) a levé 12 M$ pour développer un senseur pour l’observation de la terre combinant caméra haute définition, capteur thermique et spectromètre. Derrière cette technologie, Matter – fondée en 2023 – souhaite développer une cartographie via intelligence artificielle.
  • Firefly Aerospace (Texas) a annoncé la levée de 175 M$ lors d’une Série D menée par RPM Ventures, nouvel investisseur, et impliquant notamment GiantLeap Capital et Human Element. Ces nouveaux fonds financeront les augmentations d’échelle de l’industriel pour ses véhicules orbitaux, ainsi que le développement en collaboration avec Northrop Grumman du lanceur MLV, successeur d’Antares (Northrop) et d’Alpha (Firefly). L’entreprise est désormais évaluée à 2 Mds$.
  • GITAI (Californie), a levé 15,5 M$ pour développer ses technologies de service en orbite et sur la lune via des rovers et bras robotiques, atteignant les 83 M$ levés au total. L’entreprise, qui a déplacé son siège du Japon aux Etats-Unis en 2023, a signé un accord de recherche avec la NASA et a reçu un financement de la DARPA pour étudier l’architecture lunaire. A terme, GITAI développera aussi des satellites pour services en orbite.
  • Starfish Space (Washington) a levé 29 M$ après une campagne menée par Shield Capital impliquant notamment Point72 Ventures et Booz Allen Ventures. Starfish développe des satellites de service en orbite et de retrait des déchets actif, et a remporté en mai un contrat avec l’U.S. Space Force d’un montant de 37,5 M$.

 

AeroVironment rachète BlueHalo pour 4Md$ et élargit son portefeuille spatial

Space News, 19 novembre 2024

Le 19 novembre, AeroVironment, spécialisé dans les véhicules aériens pilotés à distance, a annoncé son intention d’acquérir BlueHalo, une entreprise de technologie de défense, dans une transaction d’environ 4,1 Md$. En 2023, AeroVironment avait déjà remporté un contrat de 10 M$ de la NASA pour le développement des systèmes de vol du Mars Sample Recovery Helicopter. BlueHalo, actuellement détenu par Arlington Capital Partners, apportera son expertise dans les communications spatiales, l’énergie et la défense antimissile, notamment grâce à un contrat de 1,4 Md$ accordé par l’U.S. Space Force pour moderniser l’infrastructure de communication par satellite. L’acquisition devrait être finalisée au premier semestre 2025.

 

BlackSky rachète les parts de Thales Alenia Space dans LeoStella

Space News, 8 novembre 2024

Dans une acquisition finalisée le 6 novembre, BlackSky a racheté la part de 50 % de Thales Alenia Space dans la société LeoStella cofondée par les deux entreprises, devenant ainsi l’actionnaire exclusif. Selon BlackSky, cette acquisition doit lui permettre de mieux contrôler et optimiser la chaîne d’approvisionnement ainsi que la production de ses satellites d’imagerie de nouvelle génération, Gen-3. Ces satellites offriront des performances accrues par rapport aux Gen-2 en termes de résolution, de revisite et d’imagerie infrarouge. Le premier satellite issu de cette nouvelle génération est en phase de test final et sera lancée sur un lanceur Electron de Rocket Lab. Bien que LeoStella ait produit des satellites pour d’autres clients, BlackSky reste son principal acheteur, la société ayant indiqué focaliser ses ressources sur la production des satellites Gen-3.

 

Lockheed Martin rachète Terran Orbital pour 450M$

Space News, 30 octobre 2024

Le 30 octobre, Lockheed Martin a annoncé avoir finalisé l’acquisition du fabricant de petits satellites Terran Orbital pour 450 M$, renforçant ainsi sa position dans le secteur spatial commercial. Cette acquisition fait suite à des difficultés financières rencontrées par Terran Orbital cette année, notamment des problèmes de liquidités et une révision de l’offre de rachat de Lockheed. Terran Orbital devient désormais une filiale de Lockheed Martin, qui détenait déjà un tiers des actions de la société et qui continuera d’opérer en tant que fournisseur pour l’industrie spatiale.

 

ARKA rachète une partie des activités de Maxar Intelligence

Space News, 8 novembre 2024

Maxar Intelligence a cédé son groupe Radar and Sensor Technology (RST), une partie de son activité dédiée aux programmes de capteurs gouvernementaux américains à ARKA Group, pour un montant qui n’a pas été divulgué. ARKA, spécialisé dans les radars à synthèse d’ouverture (RSO) et les technologies de renseignement géospatial, intègre désormais cette expertise pour renforcer ses capacités en détection d’objets en mouvement et en produits RSO de prochaine génération. Maxar, de son côté, conserve son implication dans le domaine des RSO, notamment via un partenariat avec Umbra, un fournisseur commercial d’images RSO.

 

Spire Global vend ses activités spatiales maritimes au Belge Kpler

Space News, 13 novembre 2024

Via Satellite, 13 novembre 2024

L’opérateur de satellites Spire Global (Virginie) a annoncé le 13 novembre avoir conclu un accord pour la vente de ses activités maritimes à la société belge Kpler, plateforme d’analyses de données pour le renseignement d’affaires. L’accord, d’un montant de 241 M$, inclut 7,5 M$ de services sur la première année de transition. Spire, actuellement endetté d’environ 100 M$, conservera l’ensemble de ses autres activités spatiales (infrastructures, télécoms, etc.) ainsi que la branche gouvernementale de ses activités maritimes. Cette acquisition améliorera significativement les capacités de suivi et de surveillance du Système d’identification automatique (SIA/AIS), présent sur la plupart des navires en mer.

 

Avec des pertes cumulées de presque 2Md$ pour le Starliner, Boeing envisage de se séparer d’une partie de ses activités spatiales

Cf. Station spatiale internationale et vol habité en orbite basse

RÉGLEMENTATION SPATIALE

La FAA crée un comité pour revoir sa règlementation encadrant les lancements et réentrées des lancements commerciaux

Space News, 15 novembre 2024

L’Administration Fédérale de l’Aviation (FAA) a annoncé la mise en place d’un comité de régulation (appelé SpARC) pour travailler sur de potentielles modifications de la règle 450, qui encadre les lancements et réentrées des lanceurs commerciaux américains. La règle 450 est entrée en vigueur en mars 2021 après une procédure accélérée initiée sous le premier mandat de l’administration Trump 1 dans le cadre de la Space Policy Directive 2. Elle avait pour objectif de faciliter et accélérer les processus d’attributions de licence face à l’augmentation significative de leur fréquence, mais de nombreuses critiques ont été émises quant à la complexification des démarches, dont le règlement final est long de 785 pages. Le SpARC se réunira pour la première fois début décembre et impliquera les acteurs privés dans les échanges. Le comité publiera un rapport final à la fin de l’été 2025 sur lequel la FAA pourra se baser pour revoir la règle 450.

 

La FCC précise ses règles de partage du spectre pour les opérateurs de satellites non-géostationnaires

Via Satellite, 15 novembre 024

La Commission fédérale des communications (FCC) a publié le 15 novembre un document révisant les règles de partage du spectre de fréquences entre les différents systèmes satellitaires. Cette révision, qui vise à « promouvoir l’accès au marché, la cohérence réglementaire et l’optimisation du spectre », précise les règles d’assignations de fréquences aux opérateurs de satellites non-géostationnaires (NGSO), en favorisant l’accès aux licences déjà approuvées tout en encourageant les nouveaux entrants.

La règlementation traite en particulier des mesures d’interférences à différentes échelles de temps (court, moyen et long terme). En particulier, la FCC inclut un critère de limitation des interférences moyennes sur le long terme fixé à 3% du débit. Si cette mesure est soutenue par la plupart des opérateurs LEO, les opérateurs GEO plaident en faveur d’une mesure plus stricte, arguant d’un impact sur la fourniture de services à haute qualité.

 

Le gouvernement américain assouplit les règles de contrôle export pour certaines technologies spatiales

Space News, 17 octobre 2024

Le département du Commerce et le Département d’Etat des États-Unis ont annoncé des modifications importantes des règles de contrôle à l’exportation des technologies spatiales, visant à renforcer la compétitivité américaine sur le marché mondial.  Les modifications prévoient la suppression des exigences de licences pour certaines technologies à destination de pays alliés, ou dans le cadre de programmes internationaux, tout en maintenant des protections pour empêcher l’accès à des technologies sensibles par des adversaires comme la Chine et la Russie. Dans une proposition de loi qui est toujours ouverte aux commentaires, le DoC et le DoS proposent également de reclassifier de nombreux équipements spatiaux comme des articles commerciaux plutôt que des armes. Les entreprises du secteur spatial, notamment celles spécialisées dans le service en orbite, estiment que la réduction de ces contraintes leur permettra de mieux concurrencer à l’international et de stimuler l’innovation. Cette réforme est perçue comme une opportunité de moderniser le cadre réglementaire tout en préservant la sécurité nationale et en renforçant les partenariats internationaux.

 

SÉCURITÉ ET DÉFENSE

Les contrats militaires des dernières semaines

Space News, 18 [1], 22 [2], 23 [3] [4] [5], 25 [6] octobre, 12 [7] 13 [8], 17 [9] novembre 2024

Via Satellite, 14 novembre

Le Département de la Défense américain multiplie l’octroi de contrats de développement et de lancements :

  • SpaceX a remporté un contrat à 733,5 M$ auprès du Space Systems Command (SSC) de la Space Force pour neuf lancements dans le cadre de la phase 3 du programme National Security Space Launch (NSSL). Le contrat couvre sept lancements pour le compte de la Space Development Agency (SDA), et deux pour le National Reconnaissance Office (NRO). La première étape (lane 1) du NSSL phase 3 est structurée sous la forme de contrats Indefinite Delivery, Indefinite Quantity (IDIQ), pour une valeur totale maximale de 5,6 Mds$, avec pour principaux fournisseurs Blue Origin, ULA et SpaceX.
  • L’U.S. Space Force a sélectionné l’industriel Optimum Technologies pour un contrat Small Business Innovation Research à 4,5 M$ ans le cadre du programme Tactically Responsive Space (TacRS). OpTech développera une charge utile d’imagerie optique pour une mission prévue en 2026 en coopération avec Impulse Space. Impulse fournira la plateforme (de sa gamme Mira) ainsi qu’un véhicule de transfert orbital (Helios) pour lequel l’entreprise a emporté un contrat de l’U.S. Space Force de 34 M$ début octobre. Le véhicule Helios, qui sera mis en orbite par un lanceur Falcon 9, aura pour mission de transférer le satellite de l’orbite basse terrestre vers l’orbite géostationnaire en moins de 24 heures. L’un des objectifs principaux de cette mission et du programme TacRS est la surveillance des menaces anti-satellites via des capacités commerciales.
  • Astra a remporté un contrat de 44 M$ auprès de la Defense Innovation Unit (DIU) pour soutenir le développement de son lanceur Rocket-4. La DIU, qui soutient le Département de la Défense dans son accompagnement des technologies émergentes, a exprimé son intérêt pour une solution réactive et très précise de livraison de cargo vers, à travers et depuis l’espace (auparavant l’objectif de Virgin Orbit). Le contrat, issu du programme Novel Responsive Space Delivery de la DIU, n’apportera cependant initialement que 2 M$ à Astra, qui débloquera des fonds supplémentaires via quatre phases successives au fil du développement du lanceur. A noter qu’en parallèle, le californien cherche à lever environ 50 M$.
  • L’U.S. Space Force a accordé une extension de contrat de 1,8 Mds$ à Northrop Grumman pour entamer la production de deux satellites de détection avancée des menaces balistiques en orbite polaire. Issu du programme Next-Generation Overhead Persistent Infrared (OPIR), le contrat avait été remporté par l’industriel en 2020 pour une valeur de 2,3 Mds. Le projet entre désormais en phase de production et de tests, avec un lancement prévu pour 2028. Le projet Next-Gen OPIR est l’un programmes les plus coûteux de l’U.S. Space Force, avec un cout final estimé à 14 Mds$. Lockheed Martin avait été sélectionné en parallèle de Northrop pour des satellites géostationnaires.
  • La Space Development Agency (SDA) sélectionné 19 entreprises pour prendre part à son programme Hybrid Acquisition for Proliferated Low Earth Orbit (HALO), un programme d’accélération de développement de technologies. Les entreprises sélectionnées seront en compétition pour des contrats expérimentaux qui pourraient être intégrées à terme dans les satellites de l’agence. Leurs contrats seront sous la forme indefinite-delivery-indefinite-quantity (IDIQ) pour plus de flexibilité. Les entreprises sélectionnées sont : Airbus U.S. Space & Defense, Apex Technology, AST Space Mobile, Astro Digital, Capella Space, CesiumAstro, Firefly Aerospace, Geneva Technologies, Impulse Space, Kepler Communications, Kuiper Government Solutions, LeoStella, Momentus Space, Muon Space, NovaWurks, SpaceX, Terran Orbital, Turion Space, York Space Systems.
  • Millenium Space Systems – filiale de Boeing – a signé un contrat à hauteur de 356 M$ auprès de l’U.S. Space Force pour la production de six satellites de détection et de suivi des missiles. Ceci fait suite à un précédent contrat de 509 M$ signé entre les deux parties en décembre pour la production de six satellites similaires. Millenium Space Systems a mis en place un site de production dédié, le premier lot étant attendu pour fin 2026 et le second pour fin 2027. Les satellites seront placés en orbite terrestre moyenne et embarqueront une technologie infrarouge développée par Boeing. Ils intégreront la première phase (Epoch 1) de la constellation MW/MT MEO (missile warning/missile tracking) dont les premiers lancements sont prévus pour fin 2026.
  • Umbra, fabricant californien de satellites radar à synthèse d’ouverture (SAR), a signé un contrat d’études à 2 M$ avec la Space Development Agency (SDA) pour étudier la possibilité d’intégrer ses satellites à la Proliferated Warfighter Space Architecture (PWSA). Le réseau de PWSA est majoritairement composé satellites appartenant au gouvernement. Intégrer les capacités d’Umbra, qui pilote déjà une constellation SAR en orbite, pourrait renforcer les capacités de l’architecture, mais nécessiterait des ajustements. Par exemple les modules optiques devraient être adaptés à des communications avec les bases militaires. Les opérations de la défense américaine devraient également évoluer pour intégrer l’utilisation de données privées.
  • Rocket Lab a remporté un contrat de 8 M$ auprès de l’S. Air Force Research Laboratory (AFRL) pour accélérer le développement du moteur Archimedes, qui sera intégré dans le nouveau lanceur moyen réutilisable Neutron, dont le premier lancement est prévu pour 2025. Dans le cadre de ce contrat, Rocket Lab devra démontrer des capacités d’ingénierie numérique, une des priorités de l’AFRL pour réduire les coûts et les risques.
  • Kratos a été sélectionné par la Space Development Agency (SDA) pour créer et opérer une infrastructure sol de gestion d’un environnement cloud centralisant les données et les commandes pour les systèmes de suivi des menaces balistiques. Ce contrat de cinq ans à 116,7 M$ fait partie de l’Advanced Fire Control Ground Infrastructure (AFCGI), et la base au sol devrait fonctionner depuis Redstone Arsenal, une base militaire en Alabama accueillant l’un des plus grands centres de contrôle de la SDA. Kratos fournira aussi une solution de gestion des ressources sols (Ground Ressource Manager).

 

La France et l’Allemagne rejoignent l’Operation Olympic Defender, coalition de défense spatiale menée par les USA

Space News, 14 octobre 2024

L’U.S. Space Force a annoncé le 14 octobre que la France et l’Allemagne rejoignaient officiellement l’Operation Olympic Defender. Cette initiative, fondée par les Etats-Unis en 2013, vise à coordonner les efforts des grands partenaires américains pour protéger leurs ressources en orbites des menaces potentielles comme les cyberattaques ou les armes anti-satellites. Réunissant déjà le Royaume-Uni, l’Australie et le Canada, la coalition a accueilli la Nouvelle-Zélande en septembre. Avec Paris et Berlin, ce sont donc sept Etats qui composent désormais ce groupe, dont le commandement de l’espace américain a rappelé l’intérêt croissant en cette ère de compétition accrue en orbite terrestre et au-delà.

 

Le Japon et la Pologne rejoignent le réseau de satellites de communication militaires américain WGS

Space News, 5 novembre 2024

Le Japon et la Pologne ont annoncé rejoindre le réseau de satellites militaires américain Wideband Global Satcom (WGS), élargissant ce système critique pour les communications militaires. Les deux pays bénéficieront de la capacité des satellites WGS, opérés par l’U.S. Space Force, pour leurs opérations. Selon les parties prenantes, cette coopération reflète l’importance croissante des communications spatiales dans la coordination militaire, en réponse notamment aux menaces posées par les technologies antisatellites développées par la Russie et la Chine. Le programme WGS, qui implique déjà plusieurs alliés comme l’Australie et le Canada, permet de partager les coûts de développement et de maintenance de ces satellites. Parallèlement, des initiatives comme Northlink et Starlift de l’OTAN visent à renforcer les capacités satellitaires collectives en réponse aux défis géopolitiques actuels.

 

Nouveau lancement pour la constellation de satellites déployée par la NRO

Space News, 24 octobre 2024

Le 24 octobre, un lanceur Falcon 9 de SpaceX a lancé la mission NROL-167 depuis la base de l’U.S. Space Force de Vandenberg, en Californie. Cette mission a permis de déployer avec succès le quatrième lot de satellites pour la constellation d’imagerie en orbite basse du National Reconnaissance Office (NRO), visant à suivre des cibles terrestres en temps quasi réel. Avec déjà quatre lancements en cinq mois, la NRO cherche à déployer le plus rapidement possible cette constellation, la plus grande jamais opérée par le gouvernement américain. D’autres lancements sont ainsi prévus jusqu’en 2028.

 

Le X-37B de l’U.S. Space Force manœuvre en orbite et largue son module de service

Space News, 10 octobre 2024

Space Policy Online, 10 octobre 2024

L’U.S. Space Force a annoncé que son vaisseau spatial X-37B effectuera des manœuvres pour modifier son orbite et se débarrasser de son module de service, qui sera éliminé conformément aux normes de gestion des débris spatiaux. Ce dernier, utilisé pour transporter des charges expérimentales, sera largué lors d’un processus d’aérofreinage, qui consiste à utiliser la traînée atmosphérique pour ajuster l’orbite du vaisseau tout en économisant du carburant. Depuis son lancement en décembre 2023, le X-37B mène des expérimentations sur les effets des radiations spatiales et la technologie de surveillance de l’espace. Selon l’U.S. Space Force, ces missions sont d’autant plus significative avec l’augmentation des capacités spatiales d’autres nations, comme la Chine. Après ces manœuvres, le vaisseau poursuivra ses tests avant de revenir sur Terre grâce à son système d’atterrissage autonome.

 

OBSERVATION DE LA TERRE

Le programme TacSRT de l’U.S. Space Force au service des civils après le passage de l’ouragan Helene

Space News, 10 octobre 2024

Suite aux dégâts provoqués par l’ouragan Helene dans le sud-est des Etats-Unis, le programme TacSRT de l’U.S. Space Force a permis de fournir des images satellites et des analyses de données pour soutenir les opérations d’urgence dans les zones touchées. Grâce à TacSRT, des analyses détaillées ont été fournies sur les fermetures de routes et l’état des infrastructures entre Knoxville (Tennessee) et Asheville (Caroline du Nord), ce qui a facilité le sauvetage de civils blessés. Lancé comme une initiative pilote, TacSRT fonctionne comme un marché où les agences gouvernementales peuvent obtenir des données spécifiques sur les zones touchées par des catastrophes, en s’appuyant sur des satellites commerciaux.

 

EXPLORATION

La NASA lance Europa Clipper, direction la Lune glacée de Jupiter

Space News, 14 octobre 2024

Space Policy Online, 14 octobre 2024

La mission Europa Clipper de la NASA a été lancée avec succès le 14 octobre à bord d’un lanceur Falcon Heavy. Cette mission très attendue vise à étudier Europa, une des lunes glacées de Jupiter, qui pourrait abriter un océan et potentiellement les conditions nécessaires pour héberger la vie. Mais avant, une longue traversée attend la sonde spatiale, avec notamment un survol de Mars prévu pour 2025 puis de la Terre en 2026 afin de bénéficier de leur assistance gravitationnelle. Europa Clipper devrait atteindre Europa d’ici avril 2030 et y effectuer 49 survols. Elle collectera des données avec neuf instruments scientifiques – notamment sur des éléments tels que l’eau liquide et les composés organiques – tout en gérant l’intense environnement radiatif de Jupiter. Malgré des défis de développement et de coûts estimé à 5,2 Md$, la mission marque le début d’une nouvelle ère d’exploration spatiale de la NASA axée sur la recherche des ingrédients nécessaires pour l’apparition de la vie dans le système solaire.

 

LANCEURS ET SPATIOPORTS

AST SpaceMobile confie le lancement de ses satellites BlueBird de nouvelle génération au New Glenn

Space News, 14 novembre 2024

Via Satellite, 15 novembre 2024

AST SpaceMobile a annoncé avoir signé un accord avec Blue Origin pour lancer ses satellites Block 2 BlueBird à bord du lanceur New Glenn. Cet accord, qui prévoit plusieurs lancements entre 2025 et 2026, permettra de fournir une couverture continue en services de données cellulaires pour le réseau AST SpaceMobile. Les satellites Block 2, plus larges que les modèles précédents, sont équipés de réseaux de communication offrant des capacités nettement supérieures, avec jusqu’à 120 Mbps de débits maximaux. AST SpaceMobile attend l’autorisation de la FCC pour débuter ses services en mode bêta aux États-Unis avec AT&T et Verizon, après une licence partielle obtenue en août.

 

Rocket Lab signe un premier contrat de lancements pour Neutron

Space News, 14 novembre 2024

Via Satellite, 13 novembre 2024

Rocket Lab a annoncé avoir signé son premier contrat de lancement pour son futur lanceur Neutron avec un opérateur de constellation de satellites, dont l’identité n’a pas été divulguée. Ce contrat prévoit deux lancements, l’un en 2026 et l’autre en 2027, avec la possibilité d’autres missions futures pour la mise en orbite de l’ensemble de la constellation. Bien que Neutron ne vole pas encore, la demande pour des créneaux de lancement s’est renforcée, et la société prévoit une montée en puissance progressive de ses lancements à partir de 2025. Pour le troisième trimestre 2024, Rocket Lab a enregistré une croissance de 55 % de son chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente, atteignant 105 M$.

 

TÉLÉCOMMUNICATIONS

Eutelsat renforce sa présence en LEO avec le lancement de nouveaux satellites OneWeb par SpaceX

Space News, 20 octobre 2024

Le 20 octobre, SpaceX a lancé 20 satellites OneWeb de secours à bord d’un lanceur Falcon 9 afin de renforcer le réseau d’Eutelsat en LEO. Après le lancement, Eutelsat a confirmé avoir établi le contact avec chaque satellite, portant à 654 le nombre total de satellites en orbite pour cette constellation. Il s’agit d’un nombre suffisant pour pouvoir assurer une couverture mondiale, mais la société faisant face à des retards dans la mise en place de son infrastructure sol, elle prévoit de commencer à fournir ses services mondiaux à partir du second trimestre 2025. Par ailleurs, Eutelsat prévoit de désorbiter les satellites de première génération de OneWeb dans les prochaines années pour laisser la place à une nouvelle constellation de satellites LEO.

 

ACTIVITES SUBORBITALES

Premier vol réussi pour les nouvelles versions du New Shephard et de la capsule RSS Kármán Line

Space News, 24 octobre

Le 23 octobre, Blue Origin a réalisé avec succès le premier lancement du nouveau modèle de New Shephard, son véhicule suborbital, qui marquait également la première utilisation du nouveau modèle de capsule habitée RSS Kármán Line à bord du New Shepard, offrant une meilleure performance et une plus grande réutilisabilité. Cette mission a permis de transporter 12 charges utiles – dont un système de navigation développé à la fois pour New Shepard et le lanceur orbital New Glenn – et de démontrer les capacités de RSS Kármán Line, qui est désormais la deuxième capsule habitable de Blue Origin. Bien que ce vol n’ait pas transporté de passagers, il répond à une demande croissante, principalement pour le tourisme spatial. Le vol a aussi permis à la NASA de mener une expérience sur les effets du vol spatial suborbital sur l’expression génétique des plantes, Blue Origin souhaitant mettre en avant le potentiel des véhicules suborbitaux pour la recherche scientifique.

 

STATION SPATIALE INTERNATIONALE ET VOL HABITÉ EN ORBITE BASSE

Avec des pertes cumulées de presque 2Md$ pour le Starliner, Boeing envisage de se séparer d’une partie de ses activités spatiales

Space News, 13 [1] et 23 [2] octobre 2024

Space.com, 28 octobre 2024

La NASA a annoncé le 15 octobre dernier que les missions Crew-10 et Crew-11, prévues pour février et juillet 2025, seraient opérées par SpaceX et sa capsule Dragon. Les anomalies successives rencontrées par la capsule de Boeing CST-100 Starliner n’ont toujours pas permis sa certification à ce jour. Après cette annonce, Boeing a indiqué que ces retards ont engendré 250 M$ de pertes supplémentaires, portant le total des pertes pour la société dues à la capsule à environ 1,85 Mds$, questionnant la viabilité financière de son développement. Cette annonce a de nouveau soulevé la question de la viabilité des programmes à prix fixes pour de tels programmes (comme CST-100) bien que le CEO du géant de l’aviation Kelly Ortberg estime qu’il sera difficile de s’en passer. Le 28 octobre, Boeing a par ailleurs déclaré envisager de se séparer d’une partie de ses activités spatiales, sans offrir beaucoup plus de détails. Pour rappel, l’activité de Boeing dans l’espace, outre ses familles de satellites, est très large : prime sur l’ISS avec la fourniture de services de maintenance de la station ; développement du Space Launch System (SLS), qui doit envoyer des astronautes autour de la lune dès 2025 avec la mission Artemis 2 ; participation au développement de la station spatiale lunaire Gateway ; enfin Boeing possède 50 % de l’opérateur de lancement United Launch Alliance (ULA).

 

Sur l’ISS, la mission cargo 31 de SpaceX démontre ses capacités de rehaussement d’orbite

Space Policy Online, 4 novembre 2024

Space News, 5 novembre 2024

Space.com, 8 novembre 2024

La mission CRS-31 de SpaceX, transportant 2,7 tonnes de cargo vers la Station Spatiale Internationale a décollé lundi 4 novembre depuis le Kennedy Space Center. Cette mission de routine s’est déroulée avec succès, s’arrimant à l’ISS un jour plus tard, mais incluait des nouveautés pour SpaceX. La séparation de la capsule Dragon et du second étage de Falcon 9 a été anticipé de 145 secondes : les analyses de données ont démontré qu’il n’était pas nécessaire d’attendre plus longtemps pour assurer un contrôle nominal de l’attitude du second étage. Autre fait plus marquant après son docking le 5 novembre, la capsule a réalisé un rehaussement d’orbite de l’ISS, une manœuvre orbitale habituelle pour la station afin de maintenir son altitude, mais inédite pour le géant du spatial. Traditionnellement menée par les capsules russes Soyouz et Progress, cette opération indispensable pourrait désormais être réalisée sous pavillon américain. Le principal intérêt était toutefois pour SpaceX, puisque les données récoltées seront utilisées pour le développement de l’USDV, la capsule Dragon améliorée qui assurera la désorbitation de l’ISS en 2030, comme annoncé par la NASA en juillet.

 

Vast dévoile l’architecture de sa station Haven-2 et signe un accord avec la République Tchèque

Space News, 13 octobre [1], 8 novembre [2] 2024

Le développeur de stations spatiales privées commerciales américain Vast a annoncé le 8 novembre la signature d’un Memorandum of Understanding (MoU) avec le ministère des Transports de République Tchèque. Ce MoU leur permettra d’explorer les partenariats potentiels sur les vols de Vast à venir ainsi que pour la promotion du secteur industriel spatial tchèque. L’accord implique notamment la possibilité de vols pour Aleš Svoboda, astronaute réserviste de l’ESA sur l’ISS ou sur la station Haven-1, dont Vast prévoit le lancement pour fin 2025. Cette annonce fait suite à la publication mi-octobre de l’architecture que l’entreprise entend proposer à la NASA dans le cadre du programme Commercial LEO Destinations (CLD) avec la deuxième génération de sa station, Haven-2. Le lancement du premier module, prévu pour 2028, serait suivi par la mise en orbite de trois autres modules similaires entre 2029 et 2030, amarrés en ligne. Un cinquième module serait déployé en 2030 pour servir de cœur au quatre autres, qui manœuvreraient pour se placer autour. Enfin, quatre derniers modules spécifiques s’amarreraient aux quatre déjà présents, pour finaliser la station. Pour remporter les financements de la phase 2 de CLD, Vast devrait être en concurrence avec Axiom, Orbital Reef (Blue Origin) et Starlab Space, qui ont tous remporté des financements à l’occasion de la phase 1.

 

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