L’Université du Minnesota lance un essai clinique pour vérifier l’action de l’hydroxychloroquine sur les patients atteints du COVID-19

A la mi-mars, à la suite de l’annonce  qu’un laboratoire marseillais a annoncé avoir lui-même testé sur 24 patients atteints du COVID-19 avec des résultats encourageants le Président Trump multiplie les déclarations vantant les mérites de ce médicament alors que son administration appelle à la prudence et au respect des procédures d’homologation des médicaments sur le marché public, notamment à travers des essais cliniques rigoureux. C’est dans ce contexte que l’Université du Minnesota a initié dès le 17 mars un essai clinique qui devait reposer à termes sur 1500 patients. 

Rappel sur le médicament concerné

La chloroquine et l’hydroxychloroquine, un métabolite moins toxique de la chloroquine, sont des médicaments antiviraux approuvés pour traiter la malaria. 

L’hydroxychloroquine étant moins toxique et possédant des propriétés anti-inflammatoires, son utilisation est également approuvée pour traiter deux maladies auto-immunes, le lupus érythémateux et la polyarthrite rhumatoïde.

La chloroquine ainsi que le remdesivir de Gilead Sciences (voir l’article consacré à ce médicament) semble inhiber la capacité du coronavirus 2019-nCoV à infecter les cellules cultivées en laboratoire. Gilead mène un essai clinique sur le remdesivir en tant que traitement COVID-19, mais comme il n’a été approuvé pour aucune maladie, le remdesivir n’est pas aussi largement disponible que la chloroquine et l’hydroxychloroquine qui est relativement peu coûteux et est largement utilisé dans le monde entier. 

L’essai clinique mené par l’Université du Minnesota

L’Université du Minnesota a lancé un essai clinique interventionnel randomisé de phase 2/3 afin de vérifier si l’hydroxychloroquine peut prévenir l’évolution vers une maladie symptomatique COVID19 après une exposition connue au virus SRAS-CoV2. 

Il s’agit d’un essai visant à mesurer un éventuel effet prophylactique de la molécule. Il est enregistré sous le numéro NCT04308668.

La dose d’hydroxychloroquine utilisée dans cet essai est différente de celle utilisée pour traiter le paludisme. 

L’essai est ouvert depuis le 17 mars 2020 aux personnels de santé, ou contacts familiaux aux États-Unis, et doit comprendre au total 1500 patients

Il comprend deux lots de patients :

  • Traitement : Hydroxychloroquine – Comprimé de 200 mg ; 

800 mg par voie orale une fois, suivi en 6 à 8 heures de 600 mg, puis 600 mg une fois par jour pendant 6 jours consécutifs

  • Comparateur de placebo : Placebo

4 comprimés placebo une fois, suivis en 6 à 8 heures de 3 comprimés, puis 3 comprimés une fois par jour pendant 6 jours consécutifs

Les critères de jugements sont : 

  • Incidence de la maladie COVID19 [ Délai : 14 jours ] : Nombre de participants à 14 jours après l’inscription souffrant effectivement de maladie COVID19 (active COVID 19 disease).
  • Échelle de gravité de la maladie COVID19 [ Délai : 14 jours ]. pourcentage de participants qui entrent dans chaque catégorie par bras.
    • pas de maladie COVID19 (score de 1), 
    • maladie COVID19 sans hospitalisation (score de 2) 
    • maladie COVID19 avec hospitalisation ou décès (score de 3). 
    • Un score plus élevé sur l’échelle indique une plus grande gravité de la maladie.

Critères de jugements secondaires :

  • Incidence de l’hospitalisation [ Délai : 14 jours ] : nombre de participants dans chaque bras qui doivent être hospitalisés pour une maladie liée à COVID19.
  • Incidence des décès [ Délai : 90 jours ] : nombre de participants dans chaque bras décédés en raison d’une maladie liée à COVID-19.
  • Incidence de la détection confirmée du SRAS-CoV-2 [ Délai : 14 jours ] : nombre de participants dans chaque bras qui ont confirmé une infection par le CoV-2 du SRAS.
  • Incidence des symptômes compatibles avec COVID19 (maladie possible) [ Délai : 90 jours ] : nombre de participants dans chaque bras qui déclarent eux-mêmes des symptômes compatibles avec l’infection COVID19.
  • Incidence de l’arrêt ou du retrait des médicaments de l’étude toutes causes confondues [ Délai : 14 jours ] : nombre de participants dans chaque bras qui arrêtent ou retirent leur consommation de médicaments pour une raison quelconque.

Critères d’éligibilité

  • Âges:   18 ans et plus (adulte, personne âgée)
  • Sexes:   Tous
  • bénévoles en bonne santé :       Oui

Critères d’inclusion :

  • Exposition à un cas COVID19 dans les 3 jours en tant que personnel de santé ou contact domestique
  • Signature d’un consentement éclairé

Critères d’exclusion :

  • Maladie symptomatique COVID19
  • Symptômes actuels de : Fièvre, toux ou essoufflement
  • Contre-indication ou allergie à l’hydroxychloroquine
  • Maladie oculaire de la rétine
  • Déficit connu en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G-6-PD)
  • Maladie rénale chronique connue, stade 4 ou 5 ou dialyse
  • Poids < 40 kg
  • Utilisation actuelle de : hydroxychloroquine ou médicaments cardiaques: flecaïnide, Tambocor ; amiodarone, Cordarone, Pacerone ; digoxine ou Digox, Digitek, Lanoxin ; procaïnamide ou Procan, Procanbid, propafénone, Rythmal)

Fin mars, nous  n’avions pas d’information sur le fournisseur d’hydoxychloroquine dans cet essai. Plus d’une douzaine de fabricants de médicaments génériques, dont Teva, Mylan et l’unité Sandoz de Novartis AG, fabriquent de l’hydroxychloroquine. Cependant, 

– des responsables de la HHS et de la FDA avaient contacté la société israélienne Teva Pharmaceutical pour lui demander s’ils pouvaient augmenter les livraisons d’hydroxychloroquine aux Etats-Unis. Teva qui est l’un des plus grands fabricants mondiaux d’hydroxychloroquine prévoit de donner plus de 10 millions de comprimés de sulfate d’hydroxychloroquine. Teva promettait de faire don de 6 millions de comprimés aux hôpitaux américains par l’intermédiaire de grossistes d’ici le 31 mars, et de plus de 10 millions dans un délai d’un mois. 

– Mylan a augmenté sa production de comprimés de sulfate d’hydroxychloroquine dans son usine de West Virginia et prévoyait de mettre le produit sur le marché d’ici la mi-avril. Ils pensaient pouvoir augmenter le nombre de comprimés jusqu’à 50 millions, ce qui pourrait théoriquement permettre de traiter plus de 1,5 million de personnes.

– Par ailleurs, Bayer a donné 3 millions de comprimés de chloroquine au gouvernement US en vue d’une utilisation potentielle comme traitement de COVID19. 

– Sanofi a aussi été sollicité par le gouvernement américain afin de fournir du Planaquil (nom de la molécule chez Sanofi).

Auteurs : Anne PUECH (SST Boston), Yves FRENOT (SST Washington)

Partager

Derniers articles dans la thématique