Le Vice-Président Mike Pence charge la NASA de mettre en œuvre un retour anticipé des astronautes américains sur la Lune (2024 au lieu de 2028)

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La NASA devrait préciser dans les semaines à venir les modalités de mise en œuvre de cette ambition. Le Congrès sera également amené à se prononcer sur le sujet.

CINQUIÈME REUNION DU NATIONAL SPACE COUNCIL

La cinquième réunion du National Space Council qui s’est tenue le 26 mars à l’emblématique U.S. Space and Rocket Center à Huntsville (Alabama) sous la présidence du Vice-Président Mike Pence était consacrée au retour des astronautes sur la Lune, à l’évolution du régime de contrôle des exportations américain et à l’état d’avancement des quatre Space Policy Directives adoptées depuis la restauration du National Space Council en juin 2017 (ces deux derniers points ne sont pas traités dans le cadre du présent article). Kelvin Droegemeier, directeur de l’Office of Science and Technology Policy, Heather Wilson, Secrétaire de l’U.S. Air Force, Wilbur Ross, Secrétaire au Commerce et Jim Bridenstine, Administrateur de la NASA, ont participé à cette réunion.

Depuis son arrivée à la Maison Blanche, le 20 janvier 2017, l’Administration Trump a porté une attention particulière au domaine spatial, en particulier sur les volets en lien avec l’Exploration, la Défense et l’Economie. En toile de fond des débats sur le projet lunaire américain, la Space Policy Directive 1, promulguée en décembre 2017, qui modifie le libellé du U.S. National Space Policy publié sous la présidence Obama en 2010 en déplaçant le centre de gravité de l’exploration humaine de Mars vers la Lune (« [les Etats-Unis mèneront] un programme innovant et durable d’exploration avec des partenaires commerciaux et internationaux permettant la projection de l’être humain dans le système solaire et l’acquisition de nouvelles connaissances accompagnée de l’ouverture de nouvelles opportunités. En commençant par des missions au-delà de l’orbite basse, les Etats-Unis assureront le leadership pour le retour des astronautes sur la Lune, pour une exploration et utilisation à long terme, qui sera suivi de missions habitées vers Mars et d’autres destinations. »)

LE RETOUR DES ASTRONAUTES SUR LA LUNE AVANCÉ DE 2028 À 2024

Au travers des recommandations adoptées (cf. infra), le Vice-Président Mike Pence a fermement rappelé la priorité de la NASA pour les prochaines années, à savoir le retour d’astronautes américains sur la Lune, et a précisé le calendrier fixé par l’Exécutif : première alunissage d’un équipage en 2024 (au pôle Sud, du fait de l’intérêt de cette région au niveau scientifique et de l’utilisation des ressources in situ) et organisation d’une présence américaine permanente à partir de 2028. La NASA doit impérativement s’organiser, en interne comme dans ses relations avec ses partenaires privés et internationaux, pour remplir cet objectif.

Mike Pence a clairement indiqué que la NASA devait atteindre cet objectif par «tous les moyens» et que c’était à la NASA de s’adapter à cet objectif et non à l’objectif de s’adapter à la NASA. Il est à noter que la recommandation ne mentionne pas le lanceur SLS, qui est aujourd’hui au cœur de la stratégie lunaire de la NASA. N’épargnant pas ses critiques sur les retards accumulés dans son développement, Mike Pence a indiqué que le recours à un autre lanceur (privé) n’était pas à écarter si le lanceur SLS ne permettait pas d’atteindre l’objectif de 2024.

Recommandations adoptées par le National Space Council :

  1. Conformément aux objectifs de la SPD-1, les Etats-Unis se fixent comme objectif d’envoyer des astronautes américains au pôle Sud de la Lune d’ici 2024, d’établir une présence humaine durable d’ici 2028 et d’établir une feuille de route menant à l’exploration humaine de Mars. Les activités lunaires de la NASA porteront sur la science, l’utilisation de ressources lunaires, et la réduction des risques pour les futures missions vers Mars.
  2. La NASA poursuivra ses efforts pour améliorer son organisation ainsi que ses performances en termes de maîtrise des coûts et des calendriers afin de mettre en œuvre la SPD-1, en obtenant les autorisations législatives adéquates. La NASA devra établir un « Moon to Mars Mission Directorate », et entreprendra tous les efforts nécessaires pour réaliser la mission Exploration Mission-1 au plus tard en 2020, et Exploration Mission-2 en 2022.
  3. La NASA soutiendra l’utilisation accrue du potentiel du secteur privé américain, notamment via des partenariats publics privés et autres mécanismes permettant d’optimiser l’innovation et la pérennité des activités allant de l’orbite basse à la surface lunaire, et au-delà.
  4. Les Etats-Unis s’engageront auprès de leurs partenaires internationaux historiques et futurs afin de réaliser un programme d’exploration et de développement lunaire durable.
  5. L’Administrateur de la NASA soumettra un compte-rendu de l’avancée de la mise en œuvre de la SPD-1, ainsi que des points spécifiés ci-dessus lors de la prochaine réunion du National Space Council.

L’INITIATIVE LUNAIRE PRESENTÉE PAR L’ADMINISTRATEUR DE LA NASA LORS DE LA PUBLICATION DE LA REQUETE BUDGETAIRE POUR L’EXERCICE 2020

Les recommandations susmentionnées du National Space Council sont à rapprocher du faisceau de projets lunaires de la NASA, tels que présentés par la NASA le 11 mars, à l’occasion de la publication de la requête budgétaire présidentielle pour l’exercice 2020.

Principaux axes d’activité prévus dans la requête budgétaire pour l’exercice 2020

A) Expériences scientifiques et technologiques à la surface de la Lune dès 2020 voire 2019
La toute première étape est l’envoi, avec des lanceurs commerciaux, de charges utiles scientifiques ou technologiques à partir de 2020, voire de 2019. En octobre 2018, neuf sociétés ont été déclarées éligibles pour proposer un alunisseur (associé à un lanceur commercial) : Astrobotic Technology, Deep Space Systems, Draper, Firefly Aerospace, Intuitive Machines, Lockheed Martin Space, Masten Space Systems, Moon Express et Orbit Beyond. L’enveloppe du programme (Commercial Lunar Payload Services) s’élève à un montant de 2,6 Md$ sur dix ans. Après la première année, le rythme de lancement s’établirait à deux par an.
Les alunisseurs devraient emporter des charges utiles dont le développement aurait été proposé soit par des centres de la NASA soit par le secteur privé. La NASA a rendu publique en février de cette année une liste de douze charges utiles proposées en interne et lancé une première consultation auprès du secteur privé en octobre (fin de la consultation fin février 2019) : programme LSITP (Lunar Surface Instrument and Technology Payloads).

B) Premier alunissage d’équipage en 2028
Le programme Advanced Cislunar and Surface Capabilities vise à permettre à l’horizon 2028 le retour des astronautes américains sur la Lune en deux étapes :

  • développement d’un alunisseur sans équipage de taille moyenne permettant de placer 300 à 500 kg de matériel sur la Lune afin de mener des missions scientifiques et éventuellement soutenir les petits véhicules autonomes présents sur place (première mission prévue en 2022).
  • Développement d’un alunisseur habitable composé de trois éléments dédiés à chaque phase de l’alunissage : le transfert vers la Gateway (transfer vehicle element) vers une orbite lunaire basse, l’alunissage (lunar descent element) et le retour des astronautes (lunar ascent element) vers la Gateway (cf. infra). Dans un premier temps, seuls le transfer vehicle element et le lunar ascent element seraient réutilisables. La NASA enverrait les astronautes, ainsi que les trois éléments de l’alunisseur depuis la Terre, séparément vers la Gateway pour un assemblage en orbite. Après avoir permis le transfert de l’orbite cis-lunaire vers l’orbite lunaire basse, le transfer vehicle element rejoindrait la Gateway pour une nouvelle utilisation. Le lunar descent element resterait sur la surface lunaire. Le lunar ascent element permettrait aux astronautes de rejoindre la Gateway, pour une nouvelle utilisation.

Le déploiement de ce système est prévu en trois étapes :

  • Test d’alunissage sans lunar ascent element (et donc sans équipage) à l’horizon 2024.
  • Test d’alunissage de l’ensemble complet sans équipage à l’horizon 2026.
  • Mission d’alunissage avec équipage à l’horizon 2028.

A noter que cette mission d’alunissage nécessite quatre lancements : le recours à un lanceur SLS pour l’équipage et à trois lanceurs commerciaux (un pour chacun des trois éléments).

C) Deux missions circumlunaires en 2020 et 2022
La NASA prévoit deux missions circumlunaires (en forme de « 8 » autour de la Terre et de la Lune) EM-1 et EM-2 de la capsule Orion (équipée du module de service européen, lequel assure les fonctions de fourniture d’électricité, de propulsion, de contrôle thermique, d’air et d’eau) avec le lanceur lourd SLS (configuration avec un Interim Cryogenic Propulsion Stage) :

  • Une mission sans équipage en juin 2020.
  • Une mission avec équipage en 2022.

D) La Gateway
La Gateway est une plateforme destinée à être placée sur une orbite hautement elliptique survolant le pôle Sud de la Lune [[L’orbite choisie pour la Gateway est de type orbite de halo : L2 Southern Near Rectilinear Halo Orbit. Celle-ci offre une stabilité et permet d’envisager des missions de ravitaillement avec des lanceurs commerciaux. Sur son orbite hautement elliptique, les distances minimale et maximale de la Gateway par rapport à la Lune seront respectivement de 1 500 km et de 70 000 km (pour mémoire, la distance moyenne entre la Terre et la lune est de 384 000 km). La période de rotation sera de six jours, à l’extérieur de la zone d’ombre lunaire, ce qui permet des communications ininterrompues avec la Terre.]], pouvant accueillir un équipage, permettant la conduite d’expériences technologiques et scientifiques, et pouvant constituer un point de jonction pour des missions à destination ou en provenance de la Terre, de la Lune ou de Mars.

Avec le lancement de son premier module, le PPE (module de propulsion et de puissance), durant le second trimestre 2022, cette plateforme devrait être composée de deux modules d’utilisation, de deux modules d’habitation (d’un volume global de 125 m3, à comparer avec le volume habitable de 388 m3 de la Station spatiale internationale), de sas permettant les activités extravéhiculaires et l’amarrage d’engins visiteurs, d’un module logistique et d’un bras robotique. Les modules d’utilisation (module ESPRIT European System Providing Refuelling, Infrastructure and Telecommunications et module de la NASA) seraient lancés d’ici 2024 (tout comme le PPE avec des lanceurs commerciaux). La première visite de la Gateway par un équipage est prévue en 2024 (mission-EM-3, lanceur SLS en configuration avec un Interim Cryogenic Propulsion Stage)

La Gateway pourra accueillir un maximum de quatre astronautes, pour des séjours d’une durée d’un à trois mois. Du fait du coût élevé de sa desserte, la Gateway n’a pas vocation à être habitée en permanence. La NASA n’exclut pas l’occupation de la station par des équipages étrangers ou commerciaux.

E) Autres activités connexes
Tout un ensemble d’activités technologiques sont en outre prévues. La NASA a indiqué que pour la requête budgétaire présidentielle pour l’exercice 2020, les activités d’exploration (incluant des activités robotiques, les opérations en lien avec la Station spatiale internationale et les missions martiennes) représentaient un montant de 10,7 Md$ sur un budget total de 21 Md$.

QUELLES EVOLUTIONS ATTENDRE DE LA NASA APRÈS CETTE REUNION ?

Tout en relevant le caractère très ambitieux d’un retour anticipé des astronautes américains sur la surface lunaire, l’Administrateur de la NASA a fait siennes en séance l’ensemble des recommandations du National Space Council. De fait, leur mise en œuvre nécessitera des changements, parfois profonds, sur plusieurs volets.

A) Recours au lanceur SLS pour la mission EM-1
Deux jours après la présentation de la requête budgétaire présidentielle pour l’exercice 2020, l’Administrateur avait annoncé avoir lancé une étude de faisabilité envisageant le recours à deux lanceurs commerciaux pour la mission circumlunaire sans équipage EM-1, au lieu du lanceur lourd SLS : lancement séparé en orbite basse de l’ensemble formé par la capsule Orion et le European Service Module d’une part et d’un étage supérieur du SLS (ICPS – Interim Cryogenic Propulsion Stage) d’autre part, puis assemblage en orbite pour un envoi vers la Lune.
Lors de la réunion du 26 mars, l’Administrateur a indiqué que l’option d’un recours à des lanceurs commerciaux pour la mission EM-1 était désormais caduque, réaffirmant son total soutien au SLS. Tous les efforts seraient mis en œuvre pour maintenir la date de lancement en juin 2020.

B) Exploration Upper Stage (EUS)
Pour mémoire, le texte budgétaire pour l’exercice 2019 soutenu par le Congrès, puis promulgué, prévoyait explicitement des activités de développement de la version améliorée du lanceur lourd SLS (dotée en particulier pour le deuxième étage de l’Exploration Upper Stage au lieu de l’Interim Cryogenic Propulsion Stage) ainsi que le développement d’une deuxième rampe de lancement, nécessaire pour cette version plus puissante. La NASA avait néanmoins indiqué souhaiter repousser ces activités afin de se concentrer sur le lanceur en configuration avec un Interim Cryogenic Propulsion Stage. Ce report était repris dans la requête budgétaire présidentielle pour l’exercice 2020.

Lors de la réunion du 26 mars, l’Administrateur a plaidé pour le développement rapide de l’EUS, permettant en particulier l’utilisation du lanceur SLS en configuration plus puissante pour la mission EM-3, pour un transport d’équipage vers la Gateway embryonnaire.

C) La Gateway
L’Administrateur de la NASA maintient son soutien au développement de la Gateway, comme étape nécessaire à un retour des astronautes sur la Lune, même selon le nouveau calendrier demandé par la vice-présidence (dans le cadre des remarques introductives lors de la réunion, l’amiral Jim Ellis, Président du User Advisory Group du National Space Council a rappelé que certains membres de ce groupe avaient exprimé leurs doutes quant à l’utilité de la Gateway). Le déploiement de cette infrastructure cislunaire devait désormais être effectué afin de permettre l’arrivée d’astronautes au pôle Sud de la Lune le plus rapidement possible.

RÉACTIONS POSITIVES DU SECTEUR PRIVÉ

Le secteur privé a dans son ensemble réagi favorablement à la volonté de la vice-présidence d’accélérer le retour des astronautes sur la Lune. Boeing, au cœur de la tourmente au travers du développement du lanceur SLS, a lancé quelques pistes devant permettre un rythme plus soutenu pour la fabrication de son lanceur lourd (notamment l’intégration horizontale et non plus verticale du lanceur). Lockheed Martin a annoncé être prêt à relever le défi et avoir d’ores et déjà conduit des études concernant un calendrier accéléré d’alunissage et de déploiement de la Gateway. SpaceX a souligné que son lanceur Super Heavy / Starship, dont le développement devrait être achevé d’ici cinq années, serait plus puissant que le SLS et qu’il serait en mesure d’amener des astronautes sur la Lune.

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