Les risques potentiels liés au nanotechnologies sont encore une fois sujets d’une étude publiée dans le journal Environmental Science and Technology, par des chercheurs de l’University of Britsh Colombia et l’University of Minnesota. La conclusion n’étonnera personne : d’après l’étude, le système américain actuel de régulation des produits commercialisés issus des nanotechnologies doit être changé.
Ce que l’on considère aujourd’hui comme des produits "nano" sont les produits qui contiennent des nanomatériaux. A l’échelle nanométriques, les matériaux ont des propriétés bien différentes de celles observees a notre échelle et c’est pourquoi ils font l’objet d’études massives pour le développement d’applications prometteuses dans notre quotidien, dans de multiples domaines : applications électroniques, médicales, mécaniques, énergétiques, cosmétiques. Prometteurs certes, mais on comprend facilement qu’avec leur toute petite taille ils représentent potentiellement un danger pour l’environnement et la santé. Aux Etats-Unis, ils ne sont pas régulés comme cela l’exigerait d’après les auteurs de l’étude, et sont présentés dans le commerce, actuellement principalement sous forme de cosmétiques [1]. Le professeur Minind Kandlikar, de l’Institut for Global Issues et co-auteur de l’étude, affirme que le règlement actuel qui permet leur commercialisation est bancal. En effet, d’après les auteurs de l’étude, comme la plupart des produits chimiques présents dans le commerce, les produits nano n’ont pas été soumis à des contrôles suffisants. Le système de régulation américain de ces produits est orchestré par deux agences gouvernementales : l’Occupational Safety and Health Administration (Sécurité et Santé du Travail) pour les risques sur les lieux de travail, et l’Environmental Protection Agency (Agence de protection de l’environnement) pour les risques non liés au travail. Le problème est que ces deux agences n’ont pas les fonds nécessaires pour contrôler chaque produit contenant des nanomatériaux mis sur le marché. Pire, elles n’ont pas les informations nécessaires sur la toxicité de ces produits, ce sont les entreprises qui les détiennent et elle ne sont pas obligées de diffuser ce type d’information…
Kandlikar, avec le doctorant Jae-Young Choi et le professeur Ramachandran de l’université du Minnesota, proposent de faire passer la responsabilité des tests à l’industrie et non plus aux agences gouvernementales. Pour eux, les industries devraient allouer une part de leur budget R&D à la recherche contre les risques potentiels des nanomatériaux sur la santé et l’environnement, et les coûts estimés par les auteurs de l’étude peuvent aller de 249 millions de dollars à 1,18 milliards à l’échelle nationale. Pour éviter de paralyser l’industrie des nanotechnologies, dominée par des start-up et des petites entreprises, l’étude propose une stratégie de contrôle systématique à différents niveaux, à l’image de la législation courante dans l’Union Européenne depuis décembre 2006 : le règlement REACH [2] (enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques). Kandlikar et ses collègues pensent qu’une telle législation sera à terme plus économique en temps et financièrement pour l’industrie, et soulagerait les épaules des agences gouvernementales qui n’auraient plus qu’à s’occuper de contrôler les recherches des industries, au lieu de faire des contrôles avec des budgets insuffisants.
Les industries américaines devront changer leur comportement, mais la partie n’est pas encore gagnée. En effet les programmes de contrôle sont depuis des années volontairement négligés au profit de la compétitivité économique aux Etats-Unis, et cela depuis des années. La barrière économique est dans ce pays une réalité difficilement ébranlable pour que le gouvernement ratifie un règlement tel que le REACH.
Source :
– L’étude "The Impact of Toxicity Testing Costs on Nanomaterial Regulation", téléchargement gratuity sur le site de l’ACS – https://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/es802388s?prevSearch=kandlikar&searchHistoryKey=
– "Study suggests new regulations needed to govern nanotechnology risks" 3 Mars 2009 – https://www.nanowerk.com/news/newsid=9484.php
Pour en savoir plus, contacts :
– [1] Un inventaire des produits nano aujourd’hui sur le marché américain https://www.nanotechproject.org/inventories/consumer/
– [2] : Le programme REACH ratifié en Europe : https://www.ecologie.gouv.fr/Adoption-du-reglement-REACH.html
– Le REACH : https://fr.wikipedia.org/wiki/REACH
Code brève
ADIT : 58134
Rédacteur :
Alban de Lassus, [email protected]