Le début des essais de phase III du vaccin à ARNm de Moderna qui a reçu une aide totale de $955 millions de la Barda.

Alors que la crise ne ralentissait pas aux Etats-Unis en juillet 2020, les efforts redoublaient d’intensité afin de trouver un vaccin efficace contre le SARS-CoV-2. Parmi les acteurs majeurs dans cette course aux vaccins, Moderna a publié le 14 juillet 2020 les premiers résultats de son essai phase II de son vaccin à ARNm. Ceux-ci ont montré que le candidat vaccin de Moderna déclenchait une forte réponse immunitaire, avec des effets secondaires mineurs et transitoires comme des douleurs aux bras, de la fatigue, des courbatures et de la fièvre. Fort de ces premiers résultats, Moderna s’est lancé dans la phase III.

Un essai clinique de phase III grâce à un investissement supplémentaire de la BARDA de $472 millions

L’essai clinique de phase III initié le 27 juillet prévoyait de recruter 30 000 volontaires sains. Les participants à l’étude devaient recevoir en double aveugle et à intervalle de 28 jours, deux doses du vaccin ou d’un placebo constitué d’eau salée.

Les critères de jugement principaux visent à évaluer l’efficacité du vaccin (nombre de malades atteints de Covid-19) et la survenue éventuelle d’effets indésirables (locaux à sévères) avec un suivi de deux ans après injection intramusculaire de deux doses de 100 microgrammes.

Les critères secondaires visent à évaluer l’effet d’une ou deux doses de vaccin sur 1) la prévention d’infections SARS-CoV-2 symptomatiques ou non, de réinfections ou d’apparition éventuelle de formes sévères de Covid-19, 2) l’induction, l’augmentation et la persistance au cours du temps d’anticorps neutralisants le virus SARS-CoV-2 et d’anticorps se liant à la protéine S du virus qui permet l’entrée de celui-ci dans les cellules.

Les critères d’inclusions restreignent la participation à l’essai aux personnes qui ont un risque d’exposition importante au SARS-CoV-2.

L’essai de phase III initialement prévu par Moderna et financé à hauteur de $483 millions par la Barda était de moindre envergure. Suite à l’augmentation du nombre de participants, Moderna a annoncé renforcer son partenariat avec la Barda qui a apporté un financement complémentaire de $472 millions pour un investissement total de $955.

CoVPN, un réseau de sites clinique dédiés à la réalisation des essais de phase III en soutien à la lutte contre le Covid-19

L’essai Moderna de phase III était réalisé en collaboration avec le National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID) dirigé par Anthony Fauci. Les recrutements ont eu lieu dans 89 sites de recherche cliniques basés sur tout le territoire, dont quasiment un tiers font partie du réseau CoVPN  (NIH Coronavirus Prevention Network). En effet, afin de faciliter la réalisation des essais de phase III visant à tester les vaccins ou les anticorps monoclonaux contre le SARS-CoV-2, le NIAID avait fusionné en un seul l’ensemble des réseaux qu’il avait déjà mis en place dans le cadre de ses essais contre le SIDA. CoVPN bénéficiait d’un site dédié permettant de recruter les participants volontaires pour ces futurs essais cliniques dont celui de Moderna.

Le Directeur du NIH Francis Collins avait déclaré que l’essai de Moderna serait réalisé en utilisant un protocole harmonisé développé par le consortium public privé ACTIV (Accelerating Covid-19 Therapeutic Interventions and Vaccines). Ce consortium développe notamment des protocoles dits adaptatifs qui permettent de tester simultanément plusieurs interventions tout en n’ayant qu’un seul bras contrôle commun, d’ajouter et d’éliminer des traitements à mesure que l’essai progresse, de faire évoluer la conception de l’étude à mesure que les traitements changent.

Cette stratégie de structuration des essais s’inscrit dans une volonté de meilleure gestion des essais interventionnels Covid-19 dont environ 1500 étaient répertoriés en juillet sur le site américain clinicaltrials.gov. Dans une analyse réalisée sur 1200 essais interventionnels, StatNews montre qu’un trop grand nombre d’entre eux (38%) sont bien trop petits pour permettre de donner des réponses statistiquement significatives, d’autres ne comportent pas de groupe contrôle et, un nombre très limité de molécules est testé. Un essai sur 6 vise en effet à évaluer l’effet de la chloroquine ou de l’hydroxychloroquine.  Dans ce contexte, l’alliance des grands acteurs privés de la recherche contre le Covid-19, s’est faite le chantre de la coordination des différentes plateformes d’essais adaptifs au niveau mondial.

La technologie pivot des Lipid nano-particles (LNP) utilisée par Moderna et ses concurrents CureVac et BioNTech

Mais le chemin vers un vaccin opérationnel n’est pas de tout repos pour Moderna.

En effet, Arbutus Biopharma (Warminster, PA) a intenté trois procès contre Moderna depuis l’an dernier arguant que l’encapsulation du vaccin à ARNm dans des nanoparticules lipidiques (Lipid nano-particles,) pour être administré empiète sur un brevet d’Arbutus couvrant des formulations lipidiques pour l’administration d’acides nucléiques.

Arbutus a licencié la technologie des LNP à Acuitas (Vancouver, Canada), laquelle a licencié cette technologie à Moderna, mais aussi à …. CureVac, dont le vaccin à ARNm est entré en phase I le 18 juin 2020.

Bien que Moderna conteste le concept de nouveauté décrite dans le brevet d’Arbutus, un tribunal des brevets (patent court) a cependant conclu dans une décision publiée le 23 juillet 2020 que Moderna n’avait pas à ce jour démontré que les revendications du brevet d’Arbutus « auraient été anticipées ou évidentes« . La nouvelle a immédiatement fait chuter en Juillet les actions de Moderna de 9% alors que parallèlement, le cours des actions d’Arbutus doublait.

La situation d’Arbutus n’est cependant pas aussi simple puisque l’entreprise a cédé en 2018 les droits couvrant les applications hors hépatite B de sa technologie LNP à une autre biotech, Genevant (Cambridge, MA) dont elle détient au plus 40% des parts. Genevant a quant à elle sous-licencié ses droits à …. BioNTech dont le vaccin à ARNm était développé en collaboration avec Pfizer. BioNTech a initié une phase I/II le 29 avril 2020 et le gouvernement américain a conclu le 22 juillet 2020 un accord de $1,95 milliard avec Pfizer/BioNTech pour acheter, si les essais prouvent son innocuité et son efficacité, 100 millions de doses de ce vaccin.

 

Le vaccin de Moderna a finalement obtenu d’excellents résultats pour l’essai de phase III : plus de 90% d’efficacité. Il a été autorisé par la FDA à la fin du mois de décembre 2020. Moderna annonçait que le gouvernement américain avait pris le 10 décembre une option pour 100 millions de doses supplémentaires (délivrable au deuxième trimestre 2021) amenant le total retenu à 200 millions, mais envisageait d’aller encore plus loin. 


Rédacteurs : Anne Puech (SST Boston), Yves Frenot (SST Washington)

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