La Space Policy Directive 2 : soutenir l’économie spatiale américaine

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La nouvelle dynamique spatiale

Depuis son arrivée à la Maison Blanche, le 20 janvier 2017, la nouvelle administration a porté une attention toute particulière au domaine spatial, en particulier sur les volets en lien avec l’exploration planétaire, la Défense et le secteur économique. Le National Space Council, restauré en juin 2017 et présidé par le Vice-Président Mike Pence, avec Scott Pace comme secrétaire exécutif, joue aujourd’hui un rôle clef dans cette nouvelle dynamique. L’Administration se veut en particulier engagée à « réformer les politiques spatiales dépassées » et a récemment pris un certain nombre de mesures pour s’en donner les moyens.

Le 11 décembre 2017, le président Trump a promulgué la Space Policy Directive 1 , un texte qui modifie le libellé du document U.S. National Space Policy, publié par l’administration Obama en 2010, avec en particulier l’introduction d’une étape lunaire dans l’ambition d’exploration habitée de l’espace (“Lead an innovative and sustainable program of exploration with commercial and international partners to enable human expansion across the solar system and to bring back to Earth new knowledge and opportunities. Beginning with missions beyond low-Earth orbit, the United States will lead the return of humans to the Moon for long-term exploration and utilization, followed by human missions to Mars and other destinations”).

Début février 2018, le Département du Commerce a publié son plan stratégique pour la période 2018-2022 intitulé « Helping the American Economy Grow », qui précise sa stratégie dans le domaine spatial « Expand Commercial Space Activities » :

  • renforcement du rôle de l’Office of Space Commerce ;
  • participation active aux travaux du National Space Council afin de valoriser le leadership américain en matière d’activités spatiales commerciales ;
  • soutien aux entreprises américaines œuvrant dans le domaine spatial.

Le 21 février s’est tenue la deuxième réunion du National Space Council , qui a largement porté sur l’implication du secteur privé dans la mise en œuvre de l’ambition spatiale américaine. A l’issue de la réunion, le vice-président Mike Pence a attribué au Département du Commerce la responsabilité de revoir les modalités de coopération avec le secteur privé (développement des partenariats publics-privés et allègement des réglementations), le Département des Transports conservant la responsabilité d’octroi des licences de lancement et de rentrée atmosphérique. Quatre recommandations ont été émises à destination respectivement du Secrétaire aux Transports, du Secrétaire au Commerce, de la National Telecommunication and Information Administration et du Secrétaire exécutif du National Space Council.

Le 23 mars, la Maison Blanche a publié un résumé de sa National Space Strategy . Le texte, qui met en avant la volonté de leadership américain dans l’espace (rendre « l’Amérique forte, compétitive et grande »), s’inscrit dans la droite ligne du mot d’ordre du président Trump « America First » et place l’espace dans une perspective plus large de sécurité nationale (« Peace through strength »). En complément des points relevant plus strictement du domaine de la Défense, tels que le renforcement de la résilience des infrastructures spatiales et des options de dissuasion et de combat ou l’amélioration des capacités de base (surveillance de l’environnement, renseignement, etc.), le texte place le développement du spatial commercial comme pilier de la stratégie de l’administration dans le domaine en se fixant comme objectif d’« œuvrer pour l’émergence d’un contexte favorable au développement du secteur privé américain et à une coopération internationale correspondant aux intérêts nationaux ».

Fin avril, la commission pour la Science, l’Espace et la Technologie de la Chambre a voté à l’unanimité le projet de loi American Space Commerce Free Enterprise Act (H.R. 2809) visant à « simplifier et à renforcer le système réglementaire du domaine de la télédétection, à améliorer l’adéquation des lois américaines avec les obligations internationales du pays, à améliorer la sécurité nationale et à abaisser les barrières réglementaires auxquelles font face les opérateurs spatiaux ». Le projet de loi entend faire du Département du Commerce « l’agence », ou le « guichet unique », responsable de la réglementation des nouvelles activités spatiales non traditionnelles issues du secteur privé comme la maintenance satellitaire en orbite ou l’exploitation de la surface lunaire, et qui ne dépendent pas d’autres instances régulatrices comme la FAA (lancements et rentrées atmosphériques) ou la FCC (télécommunications).

La dernière étape en date : promulgation de la Space Policy Directive 2

Un texte ambitieux

Le 24 mai, le Président Trump a promulgué la Space Policy Directive-2 (SPD-2, textequi reprend largement la deuxième série de recommandations faites au Président par le National Space Council. La SPD-2 se fixe pour objectif d’alléger les réglementations et de soutenir le développement du secteur privé.

Le texte vise à « assurer la réforme du cadre de réglementation des activités spatiales effectuées par le secteur privé, assurant la place [des Etats-Unis] de leader dans l’économie du spatial » :

  • La SPD-2 vise à assurer que «  les règlementations émanant du gouvernement promeuvent la croissance économique, minimisent l’incertitude du contribuable, des investisseurs et de l’industrie privée, protègent la sécurité nationale, la sécurité publique et les intérêts de politique étrangère et encouragent le leadership américain dans l’économie du spatial ».
  • Le Secrétaire aux Transports doit publier un nouveau système de réglementation pour la gestion des activités de lancement et de rentrées atmosphériques « orienté vers le soutien à une industrie traversant une transformation incroyable avec des règlementations qui n’ont pas su suivre  » ; le texte requiert de l’Office of Commercial Space Transportation de la Federal Aviation Administration (FAA) une révision de son régime d’allocation de licences d’ici février 2019 mettant en œuvre une unique licence pour tous les types de lancement et de rentrées atmosphériques sur la base d’exigences basées sur des critères de performance.
  • Le Secrétaire au Commerce devra revoir les réglementations de télédétection qui ne sont plus d’actualité, l’industrie privée du domaine de la télédétection constituant un « atout essentiel de la sécurité nationale  ».
  • Le texte appelle à la réorganisation du Département du Commerce, faisant du Bureau du Secrétaire au Commerce l’organe de gestion des problématiques spatiales incombant désormais au Département, et à la mise en œuvre d’un projet établissant la création d’une entité en son sein responsable de la gestion des activités de réglementation. Le Secrétaire au Commerce devra transmettre, dans un délai de 30 jours, un projet de création de ce “guichet unique” devant administrer et réguler les activités de vols spatiaux du secteur privé. Devraient désormais incomber au Département du Commerce les activités spatiales suivantes : télédétection, développement économique, politiques d’acquisition de données, GPS, politique de gestion des fréquences, promotion commerciale, standards et technologie, et gestion du trafic spatial (space trafic management – STM).
  • Les agences devront présenter au Président un rapport sur l’amélioration de la compétitivité mondiale des politiques de gestion du spectre de fréquences radio, les réglementations et les activités des Etats-Unis dans le cadre de l’Union internationale des télécommunications et au sein d’autres forums multilatéraux. La Federal Communications Commission (FCC) demeure responsable de l’allocation des fréquences radio (envoi et réception de signaux vers et depuis des objets spatiaux).
  • La directive requiert du National Space Council une révision des réglementations concernant les licences d’exportation relatives aux vols spatiaux effectués par le secteur privé (recommandations au Président à fournir dans les six mois).

Réactions favorables de la communauté spatiale

Le texte a été accueilli favorablement par la communauté spatiale dans son ensemble, tant au niveau des autorités (l’administrateur de la NASA Jim Bridenstine a indiqué que la directive apportait « la touche légère mais précise de réglementation nécessaire  », permettant aux « entrepreneurs de développer l’innovation et aux autorités de recourir aux services dont elles ont besoin pour se concentrer sur le retour sur la lune, étendre la présence humaine sur Mars et au-delà dans l’espace lointain  »), que du Congrès (notamment du représentant Lamar Smith (républicain, Texas), qui y voit « une nouvelle victoire pour l’Amérique »). Le secteur privé, au travers d’associations professionnelles telles que la Commercial Spaceflight Federation (CSF) (« la directive prend en compte la transformation majeure actuellement en cours au sein de l’industrie ») et la Satellite Industry Association (SIA) ont également exprimé leur soutien.

Création de la SPACE Administration au sein du Département du Commerce

L’engagement personnel du Secrétaire au Commerce Wilbur Ross

La presse relève que depuis sa prise de fonction en tant que Secrétaire au Commerce, Wilbur Ross s’est montré très engagé dans le domaine spatial, se donnant pour mission de « redynamiser la passion américaine pour l’exploration spatiale ». Souhaitant tirer parti de la « particularité de la période actuelle dans l’histoire du spatial, caractérisée par une convergence des technologies, du capital et de la volonté politique », il est un membre très actif du National Space Council. Wilbur Ross a récemment rappelé que l’économie mondiale du spatial avoisine les 350 Md$ et devrait bientôt devenir une industrie de plusieurs milliers de milliards de dollars (le nombre de satellites américains opérationnels en orbite pourrait passer de 800 actuellement à plus de 15 000 d’ici 2024). Fervent partisan des partenariats publics-privés, lesquels permettront bientôt « pour la première fois [depuis l’arrêt du programme de la navette spatiale en 2011] d’envoyer des astronautes dans l’espace », il a notamment indiqué dans une tribune publiée dans le New York Times (édition du 25 mai) que « la colonisation de la lune deviendr[ait] réalité plus tôt que ce qu’[on] ne pourr[ait] le penser ».

La déclinaison de la SPD-2 au Département du Commerce

Wilbur Ross, a indiqué le jour même de la promulgation de la SPD-2 remettre au Congrès un projet de création de la Space Policy Advancing commercial Enterprise (SPACE) Administration , un guichet unique sous sa supervision directe, destiné à « promouvoir, administrer, et réguler les activités spatiales commerciales », au nom de « l’innovation technologique, la croissance économique, l’emploi et la sécurité nationale ». Il s’agira de coordonner les activités spatiales commerciales du Département et de les promouvoir, notamment à l’international, afin de « ne pas simplement superviser mais soutenir les initiatives du secteur privé », d’« assurer non seulement une supervision, mais également de partager une vision et une prévision », de faire du gouvernement un « facilitateur, non juste un régulateur », celui-ci devant créer « des cadres qui soutiennent plutôt que n’entravent l’industrie ».

La SPACE administration combinera les Office of Space Commerce et Office of Commercial Remote Sensing and Regulatory Affairs en les soustrayant de la supervision de la NOAA (laquelle dépend du Département du Commerce). Les cinq des douze bureau (sans compter l’Office of the Secretary) du département ayant des responsabilités dans le domaine spatial devront désigner un responsable de liaison avec ce nouvel organe du Département du Commerce : Bureau of Industry and Security (BIS), International Trade Administration (ITA), National Institute of Standards and Technology (NIST), National Oceanographic and Atmospheric Administration (NOAA), National Telecommunications and Information Administration (NTIA).

Convergence avec le Congrès

Wilbur Ross a aujourd’hui transmis son projet au Congrès pour donner une assise pérenne et une reconnaissance permanente à son projet de SPACE Administration, en lui conférant un fondement législatif plutôt que d’être fondé sur un décret présidentiel. Le Congrès pourrait accueillir favorablement cette initiative, la Chambre ayant déjà passé l’American Space Commerce Free Enterprise Act avec un soutien bipartisan le mois dernier (cf. infra, l’un des porteurs du projet de loi était l’administrateur actuel de la NASA, Jim Bridenstine, alors représentant de l’Oklahoma) et le Sénat préparant sa propre version du projet de loi.

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