Initiatives et financements pour la recherche COVID19 aux Etats-Unis

Les hauts fonctionnaires du gouvernement américain et du Capitole s’activent depuis le début de la crise pour intégrer l’expertise scientifique et de santé publique dans la réponse des États-Unis à la crise du COVID19. Suite aux premiers efforts de la Maison Blanche largement critiqués, les organismes scientifiques fédéraux se mobilisent pour faire face à la menace sur différents fronts scientifiques, en allant de l’épidémiologie à la biologie moléculaire.  

La Maison-Blanche a nommé Debbie Birx, fonctionnaire de carrière qui est la représentante spéciale du Département d’État pour la diplomatie mondiale de la santé, comme coordonnatrice de l’intervention coronavirus. Elle vient renforcer l’équipe des experts qui compte notamment Robert Redfield, directeur des Centers for Disease Control, et Anthony Fauci, directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID).

Le plan de relance de plus de 2 billions de dollars, dont le Sénat américain a approuvé ce 25 mars la plus grande enveloppe, vise à aider le pays à faire face à l’impact de la pandémie de coronavirus sur l’économie américaine. Ce plan prévoit également plusieurs milliards de dollars pour les organismes de recherche fédéraux en soutien aux scientifiques qui tentent de mieux comprendre la maladie du coronavirus et d’inventer des stratégies médicales. ll ouvre également les financements aux universités qui ont dû fermer en raison de la pandémie.

Des financements très importants pour la recherche contre le COVID19 dans le cadre de plusieurs amendements votés par le congrès

Les financements apportés aux départements, institutions, entreprises et ménages prennent de multiples formes : aides directes, exonérations d’impôts, reports de prêts et remboursements d’intérêts, etc… A ce jour, le congrès américain a adopté trois amendements relatifs à la défense contre la pandémie et un quatrième a été soumis par la Chambre des Représentants au vote du Sénat :

  • Coronavirus Preparedness and Response Supplemental Appropriations Act – adopté le 6 mars 2020
  • Families First Coronavirus Response Act – adopté le 18 mars 2020
  • Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security (CARES) Act – adopté le 25 mars 2020
  • Take Responsibility for Workers and Families Act – proposé au Sénat 

En particulier, les montants des financements annoncés en soutien pour la recherche sur le COVID-19 vers les agences américaines et départements se déclinent, par amendement, comme suit :

  1. Coronavirus Preparedness and Response Supplemental Appropriations Act – signé le 6 mars 2020

Cet amendement permet une première intervention d’urgence pour une enveloppe totale de $8,7 milliards et propose de soutenir la recherche scientifique sur le COVID-19 par le biais de plusieurs institutions :

  • La Biomedical Advanced Research and Development Authority (BARDA), l’agence en charge de la protection des intérêts américains en cas de menace biologique et pandémie entre autres : $2 milliards  pour la recherche et le développement de vaccins, de produits thérapeutiques et de diagnostics.
  • National Institute of Allergy and Infectious Diseases (NIAID) : $836 millions pour mener des recherches sur les thérapies, les vaccins, les diagnostics et d’autres technologies de la santé.
  • La Food and Drug Administration (FDA) : $61 millions pour le développement et l’examen des candidats vaccins, des produits thérapeutiques, des dispositifs médicaux, le déploiement opérationnel pour garantir la sécurité de la chaîne d’approvisionnement et le soutien à la lutte contre les produits contrefaits.
  1. Families First Coronavirus Response Act – signé le 18 mars 2020

Le budget total estimé à $175,5 milliards mais ne présente a priori aucun financement directement alloué vers la recherche. 

  1. Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security (CARES) Act – signé le 25 mars 2020

Le plan de soutien massif d’un budget total estimé à plus de $2,000 milliards voté ce mercredi 25 juin prévoit un financement de $415 millions alloués au Department of Defense pour le développement de vaccins et antiviraux, des tests en laboratoire ainsi que l’achat de tests pour la détection du COVID-19.

  1.  Take Responsibility for Workers and Families Act

Ce projet de loi n’apporte pas de nouveaux financements mais précise les approvisionnements déjà fournis par le CARES Act ou en préparation des futurs plans de réponse à la pandémie, qui sont en cours d’élaboration. Les chiffres suivants présentent ainsi la tendance au sein des délibérations mais sont donc encore en cours de négociations au congrès :

  • National Institutes of Health : $945 millions pour la recherche sur les vaccins, la recherche thérapeutique ainsi que les diagnostics du COVID-19 et les risques cardiovasculaires et pulmonaires sous-jacents.
  • National Science Foundation : $76 millions pour permettre la continuité des programmes de recherche en cours sur le COVID-19
  • L’Office for Science du Department of Energy : $99.5 millions pour permettre aux laboratoires nationaux du DOE de continuer leurs activités de recherche dont les priorités ont été dirigées vers le COVID-19.
  • Le National Institute of Standards and Technology : $6 millions pour le développement de meilleurs outils de diagnostics et tests du COVID-19.
  • L’Environmental Protection Agency : $1,5 millions pour la recherche sur des méthodes de réduction de la contamination environnementale et la transmission du virus via surfaces et matériaux contaminés.

Les départements et les agences fédérales se sont également mobilisés ces dernières semaines.

National Institutes of Health

Le NIH a annoncé six avis “exceptionnels” de manifestation d’intérêt pour permettre aux chercheurs ayant des subventions existantes de demander des fonds supplémentaires pour ré-orienter leurs travaux vers le COVID19. 

Le NIAID, institut des NIH focalisant sa recherche sur les maladies infectieuses et qui centralise les efforts de recherche sur le coronavirus invite à réorienter la recherche sur les virus en cours ; en particulier les projets axés sur l’histoire naturelle virale, la pathogénie, la transmission devraient être mis en sommeil pour permettre aux chercheurs de s’orienter vers des projets de développement de solutions médicales en utilisant les modèles animaux appropriés pour les tests pré-cliniques des vaccins et des traitements contre le COVID-19.

Le National Heart, Lung, and Blood Institute (NHLBI), institut des NIH traitant entre autres les sujets liés aux maladies cardiovasculaires et respiratoires, invite les projets existants à se concentrer sur les effets biologiques du SRAS-CoV-2 responsable du syndrome respiratoire aigu sévère (COVID-19). Les sujets d’intérêt particulier comprennent la réponse de l’hôte du virus, les associations avec les maladies cardiaques, pulmonaires et sanguines (HLB), les impacts potentiels sur l’innocuité transfusionnelle et l’analyse des résultats cliniques des personnes infectées.

National Science Foundation 

Le 4 mars dernier, la NSF a annoncé sa volonté d’utiliser son mécanisme de financement de la recherche sur les interventions rapides en lançant deux initiatives.

La première permet d’accepter des propositions « pour mener des recherches pouvant être utilisées immédiatement pour explorer comment modéliser et comprendre la propagation du COVID-19, pour informer et éduquer sur la science de la transmission et de la prévention des virus, et pour encourager le développement de processus et d’actions pour relever ce défi mondial ». 

La deuxième initiative conduite par le Bureau des cyber-infrastructures avancées (CAO) au sein de la Direction des sciences et de l’ingénierie de l’informatique et de la formation invite les chercheurs à faire des demandes de financement complémentaires qui répondent aux défis du COVID-19 en ciblant les thématiques de gestion des données et d’architecture des logiciels. 

Tous ces projets peuvent prétendre à un financement de $200,000 pour des travaux de recherche d’une année.

Department of Energy

Le DOE a annoncé le 18 mars sa réponse à la crise COVID19 selon deux volets : l’orientation des priorités de recherche dans ses 17 laboratoires sur le Coronavirus et la mise à disposition de supercalculateurs au sein d’un consortium reliant industriels et agences.

Le ministère de l’Énergie affirme vouloir ainsi jouer un rôle important et a demandé au Dr. Chris Fall, directeur du Bureau des Sciences du DOE de coordonner les efforts déployés dans ses 17 laboratoires nationaux et de mobiliser les scientifiques pour effectuer des “recherches critiques” pour aider à mieux comprendre le virus et à limiter sa propagation. Par ailleurs, le DOE met à disposition ses capacités de calculs en participant au consortium qui regroupe plusieurs agences et industriels : COVID-19 High Performance Computing (HPC) Consortium.  L’objectif de ce consortium est d’aider la recherche à accélérer l’analyse.

Defense Advanced Research Projects Agency

Lancé il y a deux ans, le programme “Pandemic Preparedness Platform” (P3) permet à la DARPA de poursuivre sa mobilisation. L’équipe dirigée par Amy Jenkins a pour objectif de développer des technologies pour produire des analyses médicales pendant au moins 60 jours, chez les patients complètement rétablis. Dans le cas du coronavirus, il s’agit notamment d’identifier et extraire la séquence génétique des anticorps générés par ces patients en sélectionnant les plus efficaces pour neutraliser le pathogène. Une fois la séquence obtenue, elle peut être injectée chez le malade qui produira les dits anticorps. Ce processus appelé “firebreak” par la DARPA est notamment développé avec les universités de Vanderbilt et Duke, ainsi que les entreprises AbCellera (basée à Vancouver) et AstraZeneca.

Plusieurs fondations et entreprises privées proposent de soutenir la recherche COVID19

En complément de l’action du gouvernement américain, le secteur privé se mobilise en participant à l’effort de recherche. Cette participation prend des formes variées. Ainsi, des fonds de soutien à la recherche ont été lancés, mais d’autres entreprises proposent également l’utilisation gratuite de leurs services à destination des équipes de recherches, agences, ou tout professionnel dont l’activité relève de la lutte contre la pandémie. D’autres entreprises mettent à disposition de la recherche leur puissance de calcul par le lancement de programmes d’accès à leurs supercalculateurs.

 La fondation Gates et ses partenaires lancent le “COVID-19 Therapeutics Accelerator”

Le 9 mars la fondation Bill et Melinda Gates a lancé, en partenariat avec Wellcome et Mastercard, le COVID-19 Therapeutics Accelerator. Ainsi, un fond alimenté à hauteur de $125 millions (dont $50 millions par la fondation Gates) dédié en priorité à la recherche pour l’identification, l’évaluation et le développement des traitements. “L’accélérateur thérapeutique COVID-19” travaillera avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les bailleurs de fonds et les organisations des secteurs public et privé ainsi qu’avec les institutions mondiales de réglementation. Cette initiative souhaite accompagner toutes les étapes du processus de développement de médicaments, de leur conception à leur fabrication.

Au-delà de son soutien à la recherche, la fondation Gates investit un total de $100 millions pour la lutte contre le Covid-19 par des actions logistiques et de soutiens aux populations. Ceci fait suite à toute une série d’annonce de la fondation Gates :

  • le 4 mars, $5 Million pour aider les agences de santé publique du “grand Seattle” pour lutter contre le virus et améliorer les efforts de détection, d’isolement et de traitement; 
  • le 26 janvier, $100 millions pour protéger les populations à risque en Afrique et en Asie du Sud; et accélérer le développement de vaccins, de médicaments et de diagnostics. La fondation a par ailleurs contribué à hauteur de 5 millions de dollars à la réponse en Chine et travaille avec un éventail de partenaires des secteurs public et privé chinois afin d’accélérer la coopération nationale et internationale pour des efforts visant à identifier et à confirmer les cas, isoler et soigner les patients et accélérer le développement de traitements et de vaccins.

Chan Zuckerberg Initiative

La fondation Zuckerberg est également porteuse de plusieurs projets annoncés ces dernières semaines.  Le projet annoncé le 19 mars d’expansion du laboratoire clinique certifié (CLIA) de l’Université de Californie à San Francisco devrait fournir une capacité locale de test beaucoup plus importante. Le CZ Biohub soutiendra l’Université de Californie de San Francisco (UCSF) pour l’achat d’équipement, et les aspects opérationnels, informatiques et le développement de protocoles. L’objectif de l’UCSF est de réaliser plus de 1 000 tests par jour dans les prochains jours.

Amazon lance un programme de recherche sur le diagnostic virus

Andy Jassy, CEO d’Amazon Web Services a annoncé ce vendredi 20 mars un investissement de $20 millions dans le cadre du lancement du programme AWS Diagnostic Development à destination des équipes de R&D pour accélérer le diagnostic du Covid-19, ceci afin de réduire la durée d’analyse du test qui est actuellement d’une journée. Ce programme consiste en la mise à disposition gratuite de leurs services aux institutions de recherche et entités privées ayant déjà recours à AWS (Amazon Web Service). 

Amazon va également mettre en place un comité de conseil technique externe composé de scientifiques de premier plan, d’experts en politique de santé mondiale et de leaders d’opinion dans le domaine du diagnostic des maladies infectieuses.

Alphabet, maison mère de Google, s’engage également dans l’effort national

Verily, société appartenant à Alphabet propose ses services pour l’aide à la détection des malades potentiels à San Francisco en participant au projet baptisé ProjectBaseline, à destination de l’état de Californie, qui utilise l’IA et les données des utilisateurs afin de développer des technologies de télé-diagnostics.

Google via sa fondation Google.org débloque un total de 50 millions de dollars décomposé comme suit :

  • $5 millions au COVID-19 Solidarity Response Fund de l’OMS.
  • $25 millions au gouvernement sous la forme de la mise à disposition de ses services de publicités pour faciliter la diffusion de l’information scientifique et de santé aux populations.
  • Le lancement d’un fond dédié à l’amélioration des technologies d’éducation à distance afin de proposer les ressources aux organes d’enseignement.
  • $500.000 vers une équipe de chercheurs / épidémiologistes du Boston Children’s Hospital en charge du projet Healthmap.
  • Google a également mis à disposition son supercalculateur DeepMind pour l’aide à la modélisation de protéines virales associées au SARS-CoV-2.

Faciliter l’accès à l’information scientifique

            Une des clés nécessaires à l’accélération de la recherche sur le plan international est l’accessibilité à l’information scientifique produite par l’ensemble des communautés. Ainsi, les éditeurs ont rendu tous les articles relatifs au Covid-19 en libre accès. Au-delà des revues scientifiques, c’est l’ensemble des données de recherche qui sont partagées ouvertement entre les équipes. 

A titre d’exemple, 15 entreprises ont accepté de partager leurs bibliothèques de composés moléculaires qui ont déjà été identifiés comme ayant une activité contre le COVID-19. Ce partage de données se fait dans le cadre du “COVID-19 Therapeutics Accelerator” lancé par la Fondation Gates, Wellcome et Mastercard mentionné précédemment.

Le 16 mars, le programme COVID-19 Open Research Dataset (CORD-19), développé en collaboration avec des dirigeants du gouvernement, du milieu universitaire, de la médecine et de la technologie, a été publié. Il s’agit d’un ensemble de données ouvertes contenant de la littérature de recherche liée au coronavirus qui sera disponible sur plusieurs plates-formes. Il contient plus de 29 000 articles, dont plus de 13 000 sont en texte intégral. Le contenu continuera d’être mis à jour au fur et à mesure que de nouvelles informations seront publiées dans des publications évaluées par des pairs et dans les services d’archives, tels que les serveurs de préimpression bioRxiv (un bénéficiaire de la CZI), medRxiv et d’autres. Le CORD-19 sera relié à la base de données de l’OMS pour les publications sur les maladies coronavirus. Les acteurs pilotes dans cette initiative sont : Allen Institute for AI, Chan Zuckerberg Initiative (CZI), Georgetown University’s Center for Security and Emerging Technology (CSET), Microsoft Research, and the National Library of Medicine (NLM) du NIH.

Outre la création de cette base de données, la Maison Blanche par le biais de l’OSTP a également lancé un appel à la communauté des chercheurs en IA par la plateforme Kaggle (sorte d’hackathon) pour faciliter l’exploitation et la réutilisation de ces données. Dix questions ont été identifiées (ex : que sait-on sur la transmission, l’incubation et la stabilité du virus dans l’environnement ?). Les participants ayant développé l’algorithme le plus performant pour répondre à ces questions recevront un prix de 1000$.

Autre exemple, FedEx Express a annoncé lundi 23 mars qu’elle avait mis en place une opération spéciale au cours du week-end pour aider le gouvernement américain à déplacer rapidement les échantillons de test COVID-19 de plus de 50 centres d’essais éloignés chez les principaux détaillants dans 12 États. Cette mission cruciale, menée par la Maison Blanche, le Département de la Santé et des Services Humains (HHS) et l’Agence Fédérale de Gestion des Urgences (FEMA), était un effort de collaboration entre les détaillants et les entreprises de santé pour permettre un traitement rapide des échantillons et faciliter les études scientifiques.

Perspectives

Les initiatives et les budgets pour soutenir de nouveaux projets de recherche et contrer le COVID-19 sont nombreux et impressionnants. Il conviendra de suivre dans les mois à venir la consolidation, l’utilisation et le déploiement des projets scientifiques qui découlent de ces annonces. 

Il est à noter qu’à tous ces financements s’ajoutent les soutiens indirects aux activités de recherche sur le COVID-19, qui sont contenus dans les $14.25 milliards à destination de l’enseignement supérieur et à la recherche, sous la forme d’aides financières aux doctorants et jeunes chercheurs, pour le remboursement de leurs prêts ou paiements de loyers, par exemple. Ces financements sont plus difficiles à consolider et une étude ultérieure devrait permettre d’évaluer plus en détails le montant total des investissements réalisés dans le cadre des initiatives du gouvernement pour la recherche sur le COVID-19.


Auteurs : Stéphane RAUD, Julien BOLARD et Kevin KOK HEANG (SST Washington)

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