Évolution du budget fédéral pour la recherche en environnement et sur le climat.

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L’administration de Joe Biden est très attendue pour dénouer quatre années de recul climatique et environnemental de l’ère Trump, dans un effort pour reprendre pied dans l’agenda international de lutte contre la hausse des températures mondiales. Un investissement de 2 000 milliards de dollars est annoncé pour déployer son agenda pour l’environnement et le climat. Néanmoins, les marges de manœuvre avec le budget 2021 seront limitées tandis que les négociations finales ont actuellement lieu au Congrès.

Rappel du processus d’appropriation des budgets des agences et départements aux Etats-Unis.

Le processus d’appropriation des budgets des différents départements (équivalents à nos ministères) est en cours de finalisation. (1) Sur la base des recommandations de l’Office of Management and Budget (OMB), la Maison Blanche émet en février des propositions budgétaires. Suivent des contre-propositions de (2) la Chambre des Représentants puis (3) du Sénat. Cette année, la Chambre avait publié ses projets de loi qui fixent les niveaux de dépenses des organismes fédéraux au printemps dernier, mais le Sénat avait jusqu’à présent refusé de faire de même. Ce 12 novembre, la commission sénatoriale des crédits a publié sa version des 12 projets de loi analogues pour préparer (4) les négociations finales d’un paquet de dépenses couvrant l’ensemble du gouvernement. A ce stade, les législateurs des deux chambres vont pouvoir négocier un accord final pour chaque projet de loi et ainsi finaliser le budget 2021. L’accord final sera ensuite signé par le président (5) pour devenir une loi.

A l’heure d’écriture de ces lignes, les négociations du budget 2021 sont toujours en cours au Congrès mais quelques grandes tendances semblent se dégager pour le futur de la recherche scientifique. 

En 2021, l’Etat fédéral investirait  près de 162 milliards de dollars pour la science.

En effet, les harmonisations en cours devraient aboutir à un budget d’environ 162 milliards de dollars, soit 2 milliards en deçà du budget 2020. La répartition entre les différentes divisions de R&D resterait stable pour se décomposer de la manière suivante :

  1. 45.8 milliards de dollars pour la recherche fondamentale ;
  2. 46.8 milliards de dollars pour la recherche appliquée ;
  3. 64.9 milliards de dollars pour le développement expérimental des technologies.

Des négociations laborieuses pour définir les budgets des départements et des agences.

Cette série de graphiques fournis par AIP-Info via son Federal Science Budget Tracker permet de visualiser la complexité et l’avancement des négociations pour les entités fédérales les plus impliquées pour l’environnement et le climat. Les “comités d’appropriations” de la Chambre des Représentants (en bleu) et du Sénat (en rouge) répondent aux requêtes présidentielles (en jaune).

Quelques tendances budgétaires pour la recherche environnementale et climatique semblent émerger des négociations en cours.

Une extraction des lignes budgétaires dédiées à la recherche pour l’environnement et le climat n’est pas chose aisée. La définition même de “recherche environnementale” ou “climatique” n’est pas rigoureusement définie et l’identification de ces budgets restera toujours sujette à interprétation. Chaque programme de recherche peut en effet traiter l’environnement en tant qu’objet de recherche principal ou aborder le sujet de manière concomitante. Le manque de données consolidées sur l’environnement et le climat est d’ailleurs l’objet du rapport publié en 2018 par l’U.S. Government Accountability Office qui tente de suivre l’évolution des budgets fédéraux pour le changement climatique. 

Nous avons agrégé dans le tableau ci-dessous les lignes budgétaires et leurs sous-divisions attachées aux différents départements ou agences, dédiées à la recherche sur les grandes thématiques environnement, énergie propre et climat. Chaque ligne budgétaire est une consolidation des montants extraits :

  1. de la requête présidentielle, émise en février sous recommandations de l’OMB ;
  2. des propositions de la Chambre ;
  3. des propositions du Sénat.

La requête présidentielle, qui proposait une fois de plus des coupes budgétaires très importantes (jusqu’à -40%) sur des thématiques liées aux sciences de la terre ou à l’océanologie et même -50% sur le climat, ne sera globalement pas suivie. Les négociations finales entre les deux chambres semblent converger vers un maintien, voire une augmentation, des moyens alloués dans ces domaines. 

Fin novembre, nous pouvons ainsi dégager ces quelques tendances :

  1. Pour l’environnement :
    1. Le budget consacré à la recherche sur les écosystèmes au sein de l’U.S. Geological Survey bénéficie d’un soutien bipartisan ;
    2. Le soutien de la NOAA pour la recherche autour des océans fait consensus au congrès et devrait bénéficier de plus de $230M.
  2. Pour les énergies propres, le Département de l’Énergie conserverait son rôle majeur en soutenant principalement la recherche appliquée et le développement de nouvelles technologies. En particulier :
    1. La répartition des budgets destinés aux différents secteurs de l’énergie resteraient stables par rapport à 2020 ;
    2. Le stockage de l’énergie est unanimement reconnu comme priorité de recherche par les deux chambres et bénéficierait d’environ 40% d’augmentation de budget ;
    3. Les développements des technologies pour la capture du carbone, son stockage ou son utilisation bénéficierait de plus de 250 millions de dollars mais la chambre des représentants, démocrate, propose une augmentation de 27% ;
    4. L’administration Trump demandait la suppression de l’Advanced Research Program Agency – Energy, ce que ne retient pas le Congrès.
  3. Dans le domaine du climat :
    1. La NASA affiche les montants les plus importants pour la recherche sur le climat. Il est important de noter qu’une part importante de ces budgets est destinée à la mise sur orbite de satellites d’observations de la Terre. Ainsi, la NASA fournit les infrastructures et certains instruments utilisés par d’autres départements et agences ;
    2. La recherche en sciences du climat au sein de la NOAA bénéficie d’un fort soutien de la Chambre des représentants qui suggère une augmentation de 12% de ce budget alors que le Sénat est plus modéré.

Le cas particulier de l’U.S. Global Change Research Program

Au cours des dernières années, les départements et agences fédérales ont fluidifié l’accès aux ressources intra- et inter- organisations, ainsi qu’entre les différents niveaux de gouvernance. A titre d’exemple, le Programme de Recherche Américain sur le Changement Global (U.S. Global Change Research Program) est une association des services de 13 départements et agences fédérales qui mènent des recherches et élaborent la réponse du pays au changement climatique. Tous les 4 ans, il publie entre autres le rapport national d’évaluation du climat, qui passe en revue les effets du changement climatique aux États-Unis et les options de réponse du gouvernement fédéral. 

En 2019, date des derniers chiffres consolidés, le budget de l’USGCRP qui est la somme des contributions de ses membres, s’élevait à 2,24 milliards de dollars.

Rapide historique de l’évolution des budgets fédéraux pour la recherche sur le climat. 

Si l’absence de soutien de l’administration Trump pour la recherche sur le climat aura été manifeste, il convient cependant de prendre un peu de recul sur l’historique des budgets fédéraux votés par le Congrès. Il n’existe pas d’analyse rendue publique de l’évolution des budgets fédéraux dédiés à la recherche environnementale, écologique ou climatique sur ces quatres dernières années. Cependant, une consolidation des lignes budgétaires des agences qui soutiennent la recherche dans ces domaines ne montre pas de chute des budgets correspondant à l’arrivée de l’administration Trump, mais plutôt une stabilisation, voire une légère augmentation. Pendant quatre années, les budgets proposés à la baisse par la Maison Blanche ont systématiquement été maintenus, voire augmentés, par le congrès. L’intitulé des programmes scientifiques auront par contre été modifiés pour s’adapter à la dialectique de la Maison Blanche.

Si l’on remonte le temps, une étude publié en 2018 par l’U.S. Government Accountability Office (GAO) analyse le financement du gouvernement fédéral pour la lutte contre le changement climatique.  Elle décompose l’ensemble des financements selon 3 axes :

  1. La technologie et l’industrie : adaptation au changement climatique, développement des infrastructures résilientes ;
  2. La recherche en sciences du climat : observation, modélisation, adaptation ; 
  3. L’aide internationale au développement en matière d’adaptation au changement climatique : USAid principalement.

Source : GAO analysis of Office of Management and Budget (OMB) reports. GAO-18-223

Le rapport montre que les financements pour la recherche et la lutte contre le changement climatique sont en augmentation constante. En 2017, ce financement fédéral atteignait officiellement 13,2 milliards de dollars répartis entre 19 agences.

En février 2019, la chaîne ABC affirmait que “le gouvernement américain ne connaissait pas son budget consacré au changement climatique”. Dans le rapport du GAO (US government accountability office) de 2018 cité précédemment, le Bureau de la gestion et du budget indiquait que le gouvernement fédéral aurait dépensé plus de 154 milliards de dollars pour des activités liées au changement climatique depuis 1993. Mais le rapport révélait que 94% de ce montant n’avait pas été utilisé pour s’attaquer directement aux changements climatiques, ses risques ou son impact. Bon nombre des programmes comptabilisés dans ce budget, tel que le développement de la filière nucléaire, s’avèraient en réalité éloignés de la thématique du climat. 

Cependant, tous les indicateurs anticipent une prise en compte accrue des thématiques du climat et de l’environnement par la nouvelle administration Biden et la volonté d’investir massivement dans le domaine.

 

Rédacteurs :

Stéphane Raud, Attaché pour la Science et la Technologie

Julien Bolard, Attaché adjoint pour la Science et la Technologie

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