De nouveaux matériaux pour la technologie de l’information ?

Un matériau bidimensionnel, parfois appelé matériau monocouche ou matériau 2D, est un matériau constitué d’une seule couche d’atomes ou de molécules. Depuis l’isolement du graphène (cristal de carbone organisé en nid d’abeille) en 2004, les matériaux 2D ont suscité un intérêt grandissant de la part des chercheurs au vu de leurs propriétés uniques, afin de créer des dispositifs d’électronique (transistors, mémoires), d’optoélectronique (LED, détecteurs de lumières), voire pour l’information quantique.

Image Christian Wiediger – Unsplash

Classiquement, l’information numérique est fondée sur l’encodage et la lecture d’une information par un 0 ou bien un 1, ce qui constitue un bit d’information. Dans le cadre de la mécanique quantique (donc de façon non classique), l’information est codée par des « bits quantiques », quantum bits ou qubits. Un qubit peut prendre les valeurs classiques de 0 ou bien de 1, mais les propriétés de la mécanique quantique font que le qubit a également la particularité de pouvoir prendre la valeur 0 et 1 à la fois (un phénomène appelé la superposition quantique).

Dans le cadre quantique, les capacités de stockage et de calcul sont ainsi augmentées de manière phénoménale. D’un point de vue pratique, certains matériaux sont utilisés pour encoder l’information quantique. Une façon de procéder consiste à se servir de l’électron, qui peut être assimilé à une toupie microscopique, dont l’axe et le sens de rotation vont déterminer l’orientation de son spin. La manipulation de cette variable a donné naissance à la spintronique2, qui utilise l’état du spin (haut ou bas) afin de lire et d’encoder l’information selon une série qubits. L’électron possède également un état énergétique qui présentera un ou plusieurs extrema locaux que l’on appelle des vallées. On pourrait assimiler chaque état énergétique à une bille se trouvant au fond d’une ou plusieurs cuvette(s) dont la profondeur va dépendre de la structure du matériau. De cette propriété, une nouvelle piste pour le stockage de l’information quantique est née : la valléetronique. De la même manière que la spintronique le fait avec le spin, la valléetronique va se servir de la vallée où se trouve l’électron pour encoder des bits d’information quantique3.

Cette approche serait une application très intéressante dans la technologie de l’information à faible consommation, ce qui intéresse considérablement la communauté scientifique. Plusieurs matériaux présentant des structures cristallines et compositions diverses existent, tels que le graphène, des dichalcogénures de métaux de transition ou encore les pérovskites hybrides de métaux halogénés4–6. Ces derniers ont une structure similaire au minéral d’où ils tirent leur nom, la pérovskite. Ce sont des matériaux très prometteurs pour les applications photovoltaïques en raison de leur haute efficacité énergétique, leur moindre coût de fabrication, et leurs propriétés élastiques.

Des chercheurs de l’université Rice à Houston (Texas) et de l’université Texas A&M à College Station (Texas) ont combiné la valléetronique avec les excellentes propriétés optiques d’un matériau pérovskite en 2D pour le stockage et le traitement de l’information quantique. Ils ont étudié une structure, non conventionnelle, composée de césium, de bismuth et d’iode : Cs3Bi2I9. Un autre grand intérêt de cette structure est l’absence de plomb. Elle est donc moins toxique et plus respectueuse de l’environnement que les autres structures généralement étudiées 7,8. Elle a été synthétisée pour la première fois par une technique de croissance spécifique, le dépôt chimique en phase vapeur, au laboratoire du chercheur Jun Lou à la Rice’s Brown School of Engineering. Cette synthèse a pu être effectuée en quelques couches empilées, voire même en monocouche.

Cette récente découverte montre la possibilité de synthétiser des matériaux de structure pérovskites, sans plomb, d’une épaisseur atomique et capables de stocker de l’information quantique dans des structures composées d’un nombre impair de couches empilées à l’aide d’une stimulation optique. Cette découverte ouvre des portes à la conception de nouveaux matériaux pour des dispositifs valléetroniques qui démontrent le potentiel des dérivés pérovskites au-delà de leurs applications énergétiques.

Rédactrice:

Lynda Amichi, Attachée-adjointe pour la Science et la Technologie (Houston)

Références:

  1. Fabian, J., Matos-Abiague, A., Ertler, C., Stano, P. & Zutic, I. Semiconductor spintronics. ArXiv Prepr. ArXiv07111461 (2007).
  2. Schaibley, J. R. et al. Valleytronics in 2D materials. Nat. Rev. Mater. 1, 1–15 (2016).
  3. Schomerus, H. Helical scattering and valleytronics in bilayer graphene. Phys. Rev. B 82, 165409 (2010).
  4. Zibouche, N., Philipsen, P., Kuc, A. & Heine, T. Transition-metal dichalcogenide bilayers: Switching materials for spintronic and valleytronic applications. Phys. Rev. B 90, 125440 (2014).
  5. Shi, E., Gao, Y., Finkenauer, B. P., Coffey, A. H. & Dou, L. Two-dimensional halide perovskite nanomaterials and heterostructures. Chem. Soc. Rev. 47, 6046–6072 (2018).
  6. Liang, J. et al. Perovskite‐Derivative Valleytronics. Adv. Mater. 2004111 (2020) doi:10.1002/adma.202004111.
  7. Ran, C. et al. Bilateral interface engineering toward efficient 2D–3D bulk heterojunction tin halide lead-free perovskite solar cells. ACS Energy Lett. 3, 713–721 (2018).

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