COVID-19 – Quels sont les liens entre l’anthropocène et la pandémie actuelle ?

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Aux Etats-Unis comme en France, nombreux sont les scientifiques qui soulignent le lien entre la pression anthropique exercée sur les écosystèmes et l’émergence de nouvelles maladies infectieuses, et notamment des zoonoses.

Le rôle de la déforestation, du rapprochement entre animaux d’élevage et sauvages et du changement d’usage des sols

Le lien entre disparition d’espèces animales, du fait de la perturbation des écosystèmes par l’urbanisation croissante et la modification des schémas de propagation des zoonoses est mis en avant par plusieurs groupes de scientifiques, comme ceux de la School of Informatics, Computing and Cyber Systems (Northern Arizona University), ou du One Health Institute de UC Davis. Ces chercheur.se.s avancent qu’en présence d’un nombre réduit d’hôtes animaux, les pathogènes finissent par contaminer les humains et les animaux domestiques. Ils soulignent que les zones géographiques où les grands mammifères ont le plus perdu leur mobilité du fait du changement d’usage des sols (déforestation notamment) correspondent aux zones de transmission de maladies comme Ebola, aux êtres humains. D’autres chercheur.se.s, de Stanford mais aussi d’autres institutions (notamment University of Minnesota) expliquent notamment l’augmentation du nombre de zoonoses par la déforestation et la fragmentation des habitats animal dans les zones rurales qui facilitent les contacts étroits parmi les diverses espèces sauvages, les animaux d’élevages et les humains (selon le One Health Institute de UC Davis). L’expert en chiroptères Merlin Tuttle, soutient aussi que, quel que soit l’hôte intermédiaire, le vrai problème est l’activité humaine, qu’il s’agisse de déforestation ou d’activité minière, théorie soutenue par ailleurs par Jonathan Epstein, chercheur à EcoHealth Alliance.

Pour sa part, M. Sanjayan, PDG de Conservation International affirme que « même si nous ne connaîtrons peut-être jamais la chaîne exacte de transmission de COVID-19 aux humains, nous savons que l’accroissement de notre utilisation des terres est le principal facteur de propagation des maladies émergentes. Au cours de ces dernières décennies, les populations d’animaux sauvages ont connu un déclin catastrophique et, dans le même temps, les maladies infectieuses ont quadruplé ».

 

Le rôle du trafic de faune sauvage et des « wet markets »

Le trafic de faune sauvage, et notamment sa vente dans les “wet markets”, est aussi identifié comme le facteur à l’origine de la propagation du virus par David Quammen, scientifique et auteur américain diplômé de Yales et Oxford, ayant publié Spillover en 2012, qui avait anticipé la pandémie à venir. L’étude des scientifiques de UC Davis conclut que le rapprochement entre humains et faune sauvage lié au trafic et à la consommation de bushmeat est certainement la cause de la contagion. Finalement, le Congressional Research Service, dans un document publié le 6 avril 2020, reconnaît la même chose, explicitant que “le SARS-CoV-2 fait partie des zoonoses probablement liées au commerce illégal de faune sauvage”. Le Service insiste sur la nécessité pour le Congrès de prendre les mesures nécessaires à la réduction de ce trafic.

 

Le rôle du changement climatique 

Enfin, des chercheuses de la Stanford Medical School ont établi un lien entre le changement climatique et le développement croissant des pandémies. Elles expliquent que le réchauffement de la planète est à l’origine d’un allongement des saisons et qui influence la géographie de propagation des maladies infectieuses. Dans un article publié par la School of Earth, Energy and Environmental Sciences (Stanford), elles insistent sur la nécessité d’investir dans la recherche pour prédire les prochains épicentres d’épidémies et étudier les mécanismes de transmission. Dennis Carroll, ancien conseiller au Centers for Disease Control (CDC), défend aussi la thèse du “zoonotic spillover”, et reconnaît qu’il est nécessaire d’investir dans des programmes de recherche sur le sujet. D. Carroll a initié le programme PREDICT et travaille aujourd’hui au Global Virome Project. Le Congressional Research Service invite également le gouvernement à investir dans la surveillance des zoonoses émergentes et à fournir de l’aide pour réduire le changement d’usage des sols dans les pays les plus susceptibles de constituer des épicentres épidémiques.

 

Rédacteur : 

Juliette PAEMELAERE, Chargée de mission coopération scientifique  INRAE, [email protected]

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