ACTIV : un partenariat porté par le NIH qui vise à coordonner les efforts de recherche

Plus de 100 traitements et vaccins sont en cours de développement pour endiguer la pandémie de COVID-19 aux Etats-Unis (voir l’article La recherche privée américaine avance à marche forcée et marque des points en termes d’essais cliniques innovants). Cependant, les ordres de grandeurs pour le développement d’un nouveau médicament – de la découverte à l’approbation par la Food and Drug Administration (FDA) – ont typiquement les caractéristiques suivantes : (i) une durée de plus de dix ans ; (ii) un taux d’échec de plus de 95 % ; (iii) un coût de plus d’un milliard de dollars pour chaque succès.

Aussi, au-delà de ce dynamisme, que faire pour que cet effort énorme –mais potentiellement redondant- aboutisse le plus rapidement possible ? Pour tenter d’optimiser les recherches menées dans ce domaine et apporter un cadre structurant aux multiples initiatives, les National Institutes of Health (le(s) NIH étant un ensemble de 27 instituts) et sa Fondation (FNIH) coordonnent l’initiative ACTIV. Elle a initialement réuni les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), la Food and Drug Administration (FDA), les services du Health and Human Services (HHS) et l’Agence Européenne des Médicaments (EMEA) auxquelles sont associées seize entreprises du secteur bio-pharmaceutique. Eisai et Gilead ont depuis rejoint l’initiative (voir annexe 1)[1]. Suivant un plan d’action articulé autour de 4 axes principaux (voir annexe 2), l’enjeu est d’élaborer une stratégie pour une réponse coordonnée de la recherche dans la mise au point de solutions thérapeutiques et vaccinales à la pandémie de COVID-19[2].

Le consortium ACTIV

Ce partenariat « sans précédent »[3] bénéficie d’un comité de pilotage animé par la FNIH et qui comprend des responsables des NIH, de la FDA, du CDC et des services Recherche et Développement des entreprises bio-pharmaceutiques impliquées. Selon Francis Collins[4], directeur du NIH et co-président avec Paul Stoffels de Johnson & Johnson (New Jersey) d’ACTIV[5] : « Le moment est venu de se réunir avec une objectivité inattaquable pour faire avancer rapidement le développement des vaccins et des candidats thérapeutiques les plus prometteurs qui peuvent contribuer à mettre fin à la pandémie mondiale de COVID-19. »

ACTIV s’appuie sur un programme existant développé par la FNIH appelé AMP (Accelerating Medicines Partnership)[6]. L’objectif de AMP est de transformer le modèle actuel de développement de nouveaux diagnostics et traitements en identifiant et en validant conjointement des cibles biologiques prometteuses pour les thérapies. L’objectif est -en accélérant la recherche translationnelle- d’augmenter le nombre de nouveaux diagnostics et traitements pour les patients et de réduire le temps et le coût de leur mise au point. Le partenariat AMP a été lancé en février 2014 avec des projets dans trois pathologies : la maladie d’Alzheimer, le diabète de type 2 et les troubles auto-immuns de la polyarthrite rhumatoïde et du lupus érythémateux systémique (lupus). En janvier 2018, un projet sur la maladie de Parkinson a été lancé avec neuf partenaires. Grâce à ce partenariat intersectoriel, les NIH, les partenaires industriels et les organismes caritatifs (voir annexe 3) partagent leur expertise, leurs ressources – plus de 350 millions de dollars (dont des contributions en nature) – dans une structure de gouvernance intégrée qui permet à tous les participants de contribuer à la science en toute connaissance de cause. Un élément essentiel du partenariat est que tous les partenaires ont convenu de rendre les données et les analyses accessibles à l’ensemble de la communauté biomédicale et au grand public.

Le NIH et ses partenaires d’ACTIV affirment avoir reporté, pour l’instant, la décision sur la manière de répondre à des questions potentiellement très délicates sur la propriété intellectuelle (PI) et le prix de tout nouveau traitement développé dans le cadre du partenariat. Selon un spécialiste de la politique scientifique de l’université d’État de l’Arizona, cette stratégie semble raisonnable compte tenu de l’urgence. Ce dernier doute que les questions de prix « se déroulent comme d’habitude, les entreprises fixant les prix au maximum et le gouvernement restant passif », ne serait-ce que parce qu’il est probable que l’effort sera soumis à un examen public intense.


Auteur : Renaud SEIGNEURIC (SST Houston)

Notes :

[1] https://www.nih.gov/news-events/news-releases/nih-launch-public-private-partnership-speed-covid-19-vaccine-treatment-options

[2] https://www.nih.gov/news-events/news-releases/nih-launch-public-private-partnership-speed-covid-19-vaccine-treatment-options

[3] https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2766371?guestAccessKey=5defc755-e585-47e5-b79a-fee2ec2dd42b&utm_source=For_The_Media&utm_medium=referral&utm_campaign=ftm_links&utm_content=tfl&utm_term=051820

[4] Francis Collins, le directeur du NIH, est un médecin-chercheur (M.D., Ph.D), membre du Howard Hughes Medical Institute. Il s’est illustré pour ses découvertes de gènes clefs dans plusieurs maladies génétiques (ex : mucoviscidose, neurofibromatose), et son rôle de chef de file dans le projet international du génome humain, le plus gros projet de recherche en biologie du XX° siècle (13 années de recherches et 3 milliards de dollars). Membre élu de l’Académie nationale de médecine et de l’Académie nationale des sciences, Francis Collins supervise les travaux du plus grand financeur de la recherche biomédicale au monde –plus de 40 milliards de dollars par an– couvrant le spectre de la recherche fondamentale à la recherche clinique.

[5] https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2766371?guestAccessKey=5defc755-e585-47e5-b79a-fee2ec2dd42b&utm_source=For_The_Media&utm_medium=referral&utm_campaign=ftm_links&utm_content=tfl&utm_term=051820

[6]  https://www.nih.gov/research-training/accelerating-medicines-partnership-amp

 

 

 

 

 


Annexe 1

 

Liste des participants au consortium ACTIV (https://www.nih.gov/news-events/news-releases/nih-launch-public-private-partnership-speed-covid-19-vaccine-treatment-options). Dernière mise à jour : le 16 juin 2020.

 

Government

  •         Biomedical Advanced Research and Development Authority
  •         Centers for Disease Control and Prevention
  •         Department of Defense
  •         Department of Veterans Affairs
  •         European Medicines Agency
  •         National Institutes of Health
  •         U.S. Food and Drug Administration

 

Non-Profit

  •         Bill & Melinda Gates Foundation
  •         Fred Hutchinson Cancer Research Center
  •         Foundation for the National Institutes of Health
  •         RTI International

 

Industry

  •     AbbVie
  •     Amgen
  •     AstraZeneca
  •     Bristol Myers Squibb
  •     Eisai
  •     Evotec
  •     Gilead
  •     GlaxoSmithKline
  •     Johnson & Johnson
  •     KSQ Therapeutics
  •     Eli Lilly and Company
  •     Merck & Co., Inc.
  •     Novartis
  •     Pfizer
  •     Roche
  •     Sanofi
  •     Takeda
  •     Vir Biotechnology

 

 

 


Annexe 2

 

Actions prioritaires d’ACTIV

ACTIV comportera quatre domaines d’action prioritaires, chacun d’entre eux étant dirigé par un groupe de travail composé de scientifiques de haut niveau représentant le gouvernement, l’industrie et le monde universitaire :

 

  1.   Normaliser et partager les méthodes d’évaluation préclinique dans un forum ouvert qui permet la comparaison et la validation pour :
  •         Établir un processus et un dépôt centralisés pour l’harmonisation et le partage des méthodes et des modèles d’évaluation
  •         Etendre l’accès aux installations de criblage à haut-débit, en particulier dans les laboratoires de niveau 3 de biosécurité, dans le but de tester tous les composés ayant fait l’objet d’essais cliniques sur l’homme afin d’identifier le potentiel d’application de ces composés à COVID-19
  •         Accroître l’accès aux modèles animaux validés
  •         Améliorer la comparaison des approches pour identifier les tests (assays) informatifs

 

 

  1.   Prioriser et accélérer l’évaluation clinique des candidats thérapeutiques ayant un potentiel à court terme pour :
  •         Mettre en place un comité directeur doté de l’expertise et de l’objectivité nécessaires pour fixer les critères et classer les candidats potentiels soumis par les partenaires industriels pour la première vague et l’évaluation ultérieure
  •         Dresser un inventaire complet des candidats potentiels avec différents mécanismes d’action et des profils de sécurité acceptables
  •         Concevoir, lancer et partager ouvertement des protocoles directeurs avec des critères de jugements convenus, des échantillonnages et des analyses pour l’évaluation des candidats
  •         Utiliser un seul bras de contrôle pour améliorer l’efficacité des essais

 

 

  1.   Maximiser la capacité et l’efficacité des essais cliniques pour :
  •         Connecter les réseaux d’essais cliniques existants pour renforcer les capacités et les compétences, y compris la spécialisation dans différentes populations et à différents stades de la maladie
  •         Tirer parti de l’infrastructure et de l’expertise des réseaux des NIH, notamment :

o   Programmes de découverte et de développement d’adjuvants

o   Réseau d’essais cliniques sur le sida

o   Programme de bourses en sciences cliniques et translationnelles

o   Essais cliniques en matière de transplantation d’organes

o   Centres coopératifs d’immunologie humaine

o   Réseau d’essais de prévention du VIH

o   Réseau d’essais de vaccins contre le VIH

o   Consortium du projet d’immunologie humaine

o   Réseau international pour les initiatives stratégiques pour des essais VIH mondiaux (INSIGHT)

o   Programme de recherche communautaire en oncologie du National Cancer Institute (NCI)

o   Réseau national d’essais cliniques du National Cancer Institute (NCI)

o   Réseau d’essais cliniques PETAL (Prevention and Early Treatment of Acute Lung Injury)

o   Stratégies d’innovation pour le réseau d’essais cliniques en matière de soins d’urgence (Strategies to Innovate EmeRgENcy Care Clinical Trials Network, SIREN)

o   Programmes de découverte des cellules T et B et base de données des épitopes immunitaires

o   Unités de traitement et d’évaluation des vaccins

  •         Mettre en place un mécanisme de coordination entre les réseaux pour accélérer les essais, suivre l’incidence sur les différents sites et prévoir les capacités futures

 

 

  1.   Faire avancer le développement de vaccins par :
  •         En créant un cadre de collaboration pour partager les connaissances sur l’immunité naturelle et la réponse immunitaire induite par les candidats vaccins par :

o   Cartographie des épitopes et développement de tests

o   Établissement de protocoles pour l’échantillonnage, les analyses immunologiques et les réactifs

o   Collecte de données cliniques sur les réponses immunologiques et les critères de jugement, afin de permettre une méta-analyse des corrélations sur la protection

o   S’engager avec les régulateurs sur des critères de substitution pour l’évaluation clinique

 

 

 


Annexe 3

 

Partenaires intersectoriels de l’AMP

Government Industry Non-Profit Organizations
FDA

NIH

AbbVie

Biogen

Bristol-Myers Squibb

Celgene

GlaxoSmithKline

Janssen

Lilly

Merck

Pfizer

Sanofi

Takeda

Verily

Alzheimer’s Association

Alzheimer’s Drug Discovery Foundation

American Diabetes Association

Arthritis Foundation

Foundation for the NIH

Geoffrey Beene Foundation

Juvenile Diabetes Research Foundation

Lupus Foundation of America

Lupus Research Alliance

Michael J. Fox Foundation for Parkinson’s Research

PhRMA

Rheumatology Research Foundation

USAgainstAlzheimer’s

 

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