La "blogosphère environnementale" s’est embrasée cette semaine après la publication le 15 février dans le Washington Post d’un article par George Will, commentateur politique conservateur très en vue. Le journal, dont le tirage est de 630.000 exemplaires (5è plus gros tirage national), est accusé de n’avoir pas vérifié les faits et de propager une position de plus en plus marginalisée dans l’univers scientifique. Les reproches portent notamment sur la distorsion des conclusions de l’Organisation Météorologique Mondiale, quant à l’absence de réchauffement observable au cours de la dernière décennie. Ils portent également sur le parallèle établi par Will entre la controverse des années 1970 autour du refroidissement, et l’actuel débat sur le réchauffement. Enfin, ils concernent la masse de glace polaire, dont Will affirme la constance depuis 1979. Ce dernier argument fait référence à des résultats obtenus par l’Arctic Climate Research Center de l’Université de l’Illinois. Mais le centre a rapidement publié un démenti catégorique sur son site internet.
Sur ces trois arguments, les bloggers dénoncent une réelle méconnaissance des faits de la part de Will, mais surtout une incompétence des éditeurs du journal face à leurs obligations de "fact-checking". Et la polémique enfle car ce n’est pas la première fois, toujours selon les rédacteurs de sites spécialisés, que les médias généralistes diffusent des articles contenant des contre-vérités. Or, le Post a répondu aux attaques en affirmant que les faits avaient été vérifiés par des personnes compétentes "dans la plus grande mesure possible".
Les bloggers affirment qu’on ne peut plus faire confiance à des médias dont la crédibilité est ainsi affaiblie. Et la charge n’est pas sans fondement dans un contexte de crise pour la presse américaine et de réduction structurelle des effectifs. Les rangs des journalistes scientifiques sont en effet de plus en plus clairsemés dans les rédactions et la capacité des médias à appréhender des sujets scientifiques complexes en est diminuée.
Mais le commentateur Chris Mooney, auteur en 2006 d’un ouvrage de référence (The Republican war on Science, Basic Books, ed.) estime dans une chronique solennelle que les bloggers ne doivent pas crier victoire face au désarroi de la presse "classique", car les blogs sont mal outillés pour supplanter un véritable journalisme d’investigation et d’analyse. En ce sens, Mooney prédit que ce n’est donc pas un transfert de contenus et d’audience au profit des de la blogosphère qui s’opère, mais vraisemblablement la perte d’un canal de diffusion et donc une paupérisation de l’information scientifique qui parvient au grand public.
Source :
– Get Energy Smart Now (Blog) "Washington post embraces Will-ful deceit" – page vue le 22/02/09 – https://getenergysmartnow.com/2009/02/21/washpost-embraces-will-ful-deceit/
– Washington Post du 15/02/09 : Dark Green Domsayers – https://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2009/02/13/AR2009021302514.html
– Scienceprogress.org (blog) : "The George Will Scandal" – page vue le 24/02/09 – https://www.scienceprogress.org/2009/02/the-george-will-scandal/
Pour en savoir plus, contacts :
Center for American Progress Action Fund : https://wonkroom.thinkprogress.org/wp-content/uploads/2009/02/matteroffact.pdf
Code brève
ADIT : 57985
Rédacteur :
Marc Magaud ([email protected])