Une protéine qui aime l’uranium

Des chercheurs de l’Université de Chicago et du Laboratoire National d’Argonne ont développé une protéine qui se lie spécifiquement à l’uranium. C’est la première étape vers le développement de traitement contre l’empoisonnement par l’uranium.

L’uranium utilisé comme combustible nucléaire et dans certaines armes augmente le risque d’exposition de la population. Le stockage des déchets radioactifs pose également un problème environnemental. Néanmoins, ce n’est pas la radioactivité qui pose le plus grand problème. C’est la toxicité de ce métal qui est généralement plus dangereuse pour la santé humaine. Il présente une toxicité comparable à celle du plomb. Les scientifiques cherchent donc un moyen simple et efficace de détecter et traiter efficacement les empoisonnements par l’uranium.

Dans un environnement aqueux, contenant de l’oxygène, l’uranium est présent sous forme de cation uranyle (UO22+), une molécule linéaire formée d’un atome d’uranium entouré de deux atomes d’oxygènes. L’ion uranyle peut former des complexes, en s’entourant de six ligands dans un plan perpendiculaire au groupement triatomique linéaire O=U=O. Dans ces complexes, l’uranium se trouve au centre d’une bipyramide à base polygonale. L’équipe de chercheurs a développé une protéine possédant une cavité dans laquelle l’ion uranyle peut s’organiser en complexe avec les groupements peptidiques.

Le modèle utilisé par les scientifiques est une protéine régulatrice NikR (Nickel-responsive repressor) présente chez la bactérie Escherichia coli. NikR est un facteur de transcription impliqué dans l’homéostasie du nickel qui possède des propriétés de métallation [1] et de liaison à l’ADN. Quand la protéine NikR fixe des ions nickel, elle se lie à une séquence d’ADN spécifique. Elle réprime l’expression de gènes impliqués dans la consommation de nickel. Si le nickel est absent de la bactérie, la protéine NikR ne se lie pas à l’ADN. Au niveau de la protéine NikR, l’ion nickel se positionne dans une cavité où des groupements de liaison forment un plan carré. Par mutations successives, les chercheurs ont généré une nouvelle protéine capable de lier l’uranium à la place du nickel. Seuls trois acides aminés ont été modifiés. Cette nouvelle cavité permet au groupe uranyle d’avoir six partenaires qui l’entourent dans un plan équatorial, et laisse de la place aux deux atomes d’oxygène en position terminale.

Cette protéine NikR mutante se lie à l’ADN, seulement en présence d’uranyle. Cela confirme sa sélectivité vis-à-vis de l’uranyle. Elle pourrait donc être utile pour la détection de l’uranyle et la biorestauration des déchets nucléaires. Elle représente aussi une première étape dans le développement d’agents à base de protéine pour le traitement de l’empoisonnement par l’uranium.

[1] Métallation: Réaction permettant d’introduire dans un composé un ou plusieurs atomes de métal.

Source :

– "A pocketful of uranium: Construction of a selective uranium-binding protein" – Eurekalert – Chuan He – 12/02/2009 – https://www.eurekalert.org/pub_releases/2009-02/w-apo021209.php
– "Engineering A Uranyl-Specific Binding Protein from NikR." – Wegner SV, Boyaci H, Chen H, Jensen MP, He C. – Angewandte Chemie (International Edition in English) – 06/02/2009 – https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19199314
– "Propriétés de métallation et de liaison à l’ADN de NikR d’Escherichia coli et de NikR et FUR d’Helicobacter pylori" – Thèse – Caroline Fauquant – 23/11/2007 – https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00259691/en/
– "Vers une renaissance de la chimie des sels d’uranyle" – Phases Magazine, La lettre du DRECAM et du SPhT – Avril 2005 – Numéro 32 – https://iramis.cea.fr/ComScience/Phases/Phases32.pdf

Rédacteur :

Alexandre Touvat ([email protected])

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