Des scientifiques du Dana-Farber Cancer Institute (Boston), du Burnham Institute for Medical Research (La Jolla) et des Centers for Disease Control and Prevention (Atlanta), ont identifié des anticorps monoclonaux humains capables de neutraliser une large panoplie de souches de virus de la grippe de type A, incluant notamment le virus de la grippe aviaire H5N1, des virus de pandémies grippales précédentes et quelques souches de virus de la grippe saisonnière.
La grippe est une maladie infectieuse fréquente et contagieuse causée par trois types de virus à ARN appartenant à la famille des Orthomyxoviridae (Myxovirus influenzae A, B et C). Les hôtes de ces virus sont les oiseaux et certains mammifères, en particulier l’homme. Sévissant sur un mode épidémique saisonnier, la transmission du virus chez l’homme se fait est essentiellement par voie respiratoire. La grippe représente un problème majeur de santé publique à l’échelle planétaire. Cette maladie est responsable de la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes chaque année dans le monde. Indépendamment des épidémies, des pandémies grippales plus meurtrières sont susceptibles de survenir plusieurs fois par siècle lors de l’émergence de nouvelles souches virales.
Les virus de type A sont les plus fréquents et les plus virulents, et sont les seuls responsables des pandémies. On distingue plusieurs sous-types sur la base de leurs antigènes de surface, l’hémagglutinine (de types H1 à H15, divisés en deux groupes 1 et 2) et la neuraminidase (N1 à N9). Ces protéines exprimées à la surface des particules virales sont impliquées dans le processus d’entrée du virus dans la cellule suite à la fusion des membranes virales et cellulaires.
Grâce à la technologie du phage display, qui permet la présentation de peptides à la surface de phages filamenteux, les scientifiques ont identifié 10 anticorps monoclonaux capables de lier l’ectodomaine de l’hémagglutinine (HA) de virus exprimant différents sous-types de HA, dont le virus de la grippe aviaire H5N1 et le virus de la grippe espagnole H1N1. L’étude de la structure cristallographique de l’un d’entre eux montre que la chaîne lourde de cet Ac est capable de s’insérer dans une région hautement conservée de l’hémagglutinine et formant une poche. Cette insertion bloquerait le changement conformationnel de la protéine nécessaire à la fusion des membranes et par voie de conséquence inhiberait l’entrée du virus dans les cellules.
Les chercheurs ont montré que cet anticorps possédait une activité neutralisante contre un grand nombre de virus de la grippe, probablement en raison du fait qu’il se lie à une région extrêmement conservée entre les différentes souches virales. Cet anticorps est capable de protéger des souris exposées au virus H5N1, même s’il est injecté trois jours après l’infection, et il protège également les souris d’une infection léthale par le virus H1N1. Les scientifiques prévoient de tester les anticorps chez le furet, modèle animal privilégié pour l’étude de la grippe, puis de développer une version clinique "humanisée" d’un des anticorps afin de permettre d’envisager les premiers essais cliniques chez l’homme.
Bien que leur production soient onéreuse, les anticorps monoclonaux peuvent être facilement fabriqués et stockés. Dans l’éventualité d’une pandémie, ils pourraient être utilisés en combinaison avec des thérapies antivirales pour contenir l’infection jusqu’à ce qu’un vaccin efficace sur un large spectre de souches virales soit disponible. Cette découverte pourrait inciter à développer des approches vaccinales visant à orienter la réponse immunitaire vers la partie invariable de l’hémagglutinine dans le but d’obtenir une protection à long terme.
La production d’un vaccin visant à enrayer une pandémie prend 6 à 9 mois avec les méthodes conventionnelles. En l’absence d’un vaccin, les individus à risque pourraient bénéficier de ce nouveau type de thérapie, basée sur une immunisation passive par anticorps monoclonaux.
Source :
– Antibodies bind to conserved region of the virus and may offer cross-protection against previous pandemic types and bird and seasonal flu, Burnham Institute for Medical Research, News Releases, February 22, 2009 : https://www.burnham.org/default.asp?contentID=688
– Structural and functional bases for broad-spectrum neutralization of avian and human influenza A viruses, J.Sui et al, Nature Structural & Molecular Biology, February 22, 2009 : https://www.nature.com/nsmb/journal/vaop/ncurrent/abs/nsmb.1566.html
– Lab-made Proteins Neutralize Multiple Strains of Seasonal and Pandemic Flu, ScienceDaily, February 23, 2009 : https://www.sciencedaily.com/releases/2009/02/090222142139.htm
Pour en savoir plus, contacts :
– sur la grippe : https://fr.wikipedia.org/wiki/Grippe
– sur le Dana Farber Cancer Institute : https://www.dana-farber.org/
– sur le Burnham Institute for Medical Research : https://www.burnham.org/
– sur les Centers for Disease Control and Prevention : https://www.cdc.gov/
Code brève
ADIT : 57992
Rédacteur :
Camille Arnaud, [email protected] – Mireille Guyader, [email protected]