Une conférence sur la réglementation des premiers produits issus de la biologie synthétique a eu lieu, le 25 mars 2009, au "Woodrow Wilson International Center for Scholars" [1] à Washington. Michael Rodemeyer, consultant en sciences, technologie et politique environnementale a présenté les conclusions de son rapport intitulé "New Life, Old Bottles: Regulating first-generation products of Synthetic Biology" [2].
La biologie synthétique : définition et applications
La biologie synthétique est une approche nouvelle de la biologie dont le but est de créer des microorganismes artificiels et de les utiliser comme plate-forme pour fabriquer des molécules utiles. En pratique, les applications sont multiples et ont pour objectif de développer des microorganismes capables de :
– Synthétiser des produits chimiques et des médicaments
– Réagir à des variations physico-chimiques de l’environnement (biosenseurs)
– Produire des biocarburants à partir de biomasse végétale ou de déchets
– Eliminer des produits toxiques
Au-delà de ses bénéfices attendus, la biologie synthétique, comme toutes les nouvelles technologies, pourrait présenter de nouveaux risques pour la santé et pour l’environnement en raison de leur dissémination potentielle.
Les limites du système réglementaire actuel
Le rapport "New Life, Old Bottles" examine les avantages et les inconvénients à utiliser le système réglementaire fédéral actuel pour encadrer la première génération de produits et procédés issus de la biologie synthétique. Pour Rodemeyer, les guidelines ou réglementations actuelles ne sont pas suffisamment adaptables pour garantir la biosécurité des futurs produits issus de la biologie synthétique.
Même si dans un premier temps, il est possible d’utiliser le système réglementaire actuel pour les premiers produits issus de la biologie synthétique, il apparaît clairement que pour des produits plus sophistiqués, en particulier qui n’ont pas vocation au confinement, les agences concernées devront faire face à des défis nouveaux liés :
– à l’évaluation des risques environnementaux et sur la santé
– aux ressources en personnels compétents pour évaluer et contrôler ces risques
– aux opérations de contrôle pour des utilisations en dehors de zones de confinement
– à la mise en place de réglementations nouvelles adaptées à cette technologie émergente.
Même s’il n’y a pas d’urgence à court terme, Rodemeyer insiste sur le fait qu’il faut réfléchir dès aujourd’hui à la question de la biosécurité des produits issus de la biologie synthétique afin que le système de réglementation soit prêt dans les 5 à 10 ans.
Aux Etats-unis, le débat sur la réglementation de cette nouvelle technologie reste vif entre ceux qui pensent qu’elle poserait des barrières limitant son développement et ceux qui pensent qu’elle est nécessaire pour maîtriser les risques.
Une différence d’approche entre les Etats-Unis et l’Europe
Au cours de sa conférence, Rodemeyer a évoqué à plusieurs reprises les différences d’approches entre l’Europe et les Etats-Unis dans leurs façons respectives d’appréhender ce type de risques, à travers l’exemple des OGM: selon lui, l’Europe voit dans les OGM une technologie potentiellement dangereuse quand les Etats-unis voient principalement des produits et un marché prometteurs. Ce rapport s’inscrit dans le "Synthetic Biology Project" [3] et fait suite au rapport "Trends in American & European Press Coverage of Synthetic Biology: Tracking the last five years of coverage" [4] publié en novembre 2008.
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[1] Le "Woodrow Wilson International Center for Scholars" soutient de nombreux programmes et projets couvrant de très larges domaines d’études (énergie, politique, santé, sciences, technologie), dont le "Project on Emerging Nanotechnologies" et le "Synthetic Biology Project". Créé en 1968 par le Congrès, le centre est financé pour un tiers par des fonds gouvernementaux et pour deux tiers par des donations privées. Son objectif est d’établir des relations entre le monde de l’éducation et celui des affaires de manière non partisane. Parmi les moyens d’action du "Woodrow Wilson International Center for Scholars", l’attribution de bourses ou la possibilité de faire venir à Washington des scientifiques de grande qualité afin qu’ils puissent mener leurs projets en interaction avec le monde des affaires.
[3] Le "Synthetic Biology Project" est un programme crée en 2008 par le "Woodrow Wilson International Center for Scholars", en partenariat avec "l’Alfred P. Sloan Foundation". Son but est d’informer le public et de favoriser le débat politique sur la biologie synthétique. Il fournit une analyse rigoureuse et indépendante pour éclairer les décisions touchant à la recherche, la commercialisation et l’utilisation de la biologie synthétique. En collaboration avec des chercheurs, des gouvernements, des industries, des organisations non gouvernementales et des décideurs politiques, le projet s’attache à identifier les lacunes dans la connaissance des risques potentiels de la biologie synthétique, d’explorer les perceptions du public face à ce nouveau domaine et d’examiner les moyens de s’assurer que le développement de cette recherche se fait en minimisant les risques possibles et en facilitant l’innovation.
Source :
Conférence "Synthetic Biology: The Next Biotech Revolution Is Brewing" – Woodrow Wilson International Center for Scholars – Michael Rodemeyer – 25/03/2009 – https://www.nanotechproject.org/events/archive/rodemeyer/
Pour en savoir plus, contacts :
– [2] Rapport disponible en téléchargement à l’adresse suivante: https://www.synbioproject.org/library/publications/archive/synbio2/
– [4] Rapport disponible en téléchargement à l’adresse suivante: https://www.synbioproject.org/library/publications/archive/why_scientists_should_care/
– "NIH Guidelines for Research Involving Recombinant DNA Molecules" – https://oba.od.nih.gov/rdna/nih_guidelines_oba.html
– "Toxic Substances Controt Act Statute, Regulations & Enforcement" – https://www.epa.gov/compliance/civil/tsca/tscaenfstatreq.html
– "Quel business model pour la biologie synthétique ?" – François Le Fèvre – 02/10/2008 – https://biocamp.blogspot.com/2008/10/quel-business-model-pour-la-biologie.html
Code brève
ADIT : 58591
Rédacteur :
Rachel Jouan ([email protected]), Alexandre Touvat ([email protected])