800.000 brevets et marques en attente ou l’improbable réforme du bureau fédéral des brevets et des marques (USPTO)

Le débat électoral de 2008 a été riche sur la question des réformes, du rôle du gouvernement fédéral, le plan de soutien aux banques, etc. En matière scientifique et technologique, les discussions ont également été très nourries et d’autant plus vives que la crise économique se confirmait et affectait les ressorts de l’innovation technologique aux Etats-unis. Le projet de réforme du Bureau fédéral des marques et brevets (USPTO) [1] s’inscrit dans ce cadre.

La question de la réforme de l’USPTO et du système national des brevets n’est pas neuve. Elle remonte au Président Lyndon B. Johnson qui avait installé en 1966 une commission chargée de concevoir un système de brevets appartenant "aux temps modernes". Depuis 10 ans, le travail de l’USPTO fait l’objet d’un examen approfondi du Congrès et de l’Académie des sciences (NAS). Dans la pratique, rien n’a vraiment été entrepris en raison de l’énormité de la tâche, de son impact sur l’innovation, des recours en justice [2] et surtout de divergences dans l’industrie. Dans le même temps, et sous la pression d’une possible réforme, l’USPTO a procédé à la réingénierie de son système interne d’instruction par 5 500 experts des quelque 400.000 demandes de brevets déposés annuellement, l’objectif étant d’aboutir à des décisions d’accord ou de rejet plus rapides en liaison avec le Département du Commerce de l’Inspection Générale et le Bureau gouvernemental des responsabilités [3].

Le reproche fait à l’USPTO porte autant sur le retard accumulé dans l’examen des demandes (800.000 en 2008) que sur l’absence de prise en considération des besoins des inventeurs et des industries de haute technologie. Actuellement le temps moyen d’examen d’un brevet s’établit à 32,6 mois, et à plus de 44 mois dans le domaine des technologies de l’information et de la communication. Le Département du Commerce a récemment enjoint l’USPTO à améliorer son système informatique et son fonctionnement en faisant en sorte que l’USPTO bénéficie d’un financement adéquat et que ses ressources [4] ne soient pas distraites par des programmes fédéraux sans rapport avec la mission première de l’USPTO. La pression du Département du Commerce s’est aussi exercée sur l’USPTO en ce qui a trait à ses relations avec les inventeurs indépendants et les autres organisations nationales et surtout internationales. Le but est ici d’éviter la duplication des examens et d’augmenter la qualité des brevets obtenus au niveau national ou international.

L’USPTO a récemment changé de statut [5] mais continue d’être une organisation d’état qui n’a pas vraiment les moyens de faire face à la demande ou à la variation de cette dernière, avec des exigences de délais et de qualité de service. Plusieurs rapports [6] ont suggéré que l’USPTO devienne une entreprise gouvernementale [7] capable de procéder à des investissements, de recruter, d’adapter ses prix à la demande et au niveau de service offert, etc. Cette recommandation rencontre actuellement un large consensus. Idem concernant l’utilisation par l’USPTO des redevances versées, dont une partie est actuellement orientée vers d’autres dépenses fédérales ou programmes qui n’ont rien à voir avec l’innovation.

La difficulté du Gouvernement fédéral face à ces recommandations est qu’elles sont passablement complexes à mettre en oeuvre car elles doivent intégrer le besoin de dialogue avec les inventeurs et l’industrie, bref la mission de service public. La réforme devra également intégrer la dimension internationale de la demande de brevet (harmonisation des législations et procédures, identification des duplications). Cet aspect fait l’objet de pressions de la part des gros industriels, notamment des sociétés pharmaceutiques [8].

[1]

Source :

"Science Progress" (https://www.scienceprogress.org).

[2] Cf. les "patent trolls" et le rôle des "NPE" (Non-Practicing Entities). Il s’agit d’organisations qui détiennent des brevets, souvent acquis à vil prix auprès de producteurs d’inventions ou de connaissances, et qui s’attachent à les faire valoir auprès de contrevenants possibles ou potentiels. Les NPE contribuent de fait à la production jurisprudentielle.

[3] "Government Accountability Office".

[4] Les redevances liées au dépôt des demandes.

[5] Elle est devenue "Performance State Organization" en 1999.

[6] Notamment de la "National Academy of Public Administration".

[7] "Goverment Corporation".

[8] Il est communément admis que la protection internationale d’un composé pharmaceutique coûte env. 1 million de dollars (+ 10% chaque année).

Source :

"Improving the Effectiveness of the U.S. Patent and Trademark Office", Science Progress,
https://www.scienceprogress.org/2009/01/improving-the-effectiveness-of-uspto/

Pour en savoir plus, contacts :

– Science Progress, https://www.scienceprogress.org
– United States Patent and Trademark Office, https://www.uspto.gov/
– US Government Accountability Office, https://www.gao.gov/
Code brève
ADIT : 57726

Rédacteur :

Antoine Mynard, [email protected]

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